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Rapport de la Cour des comptes sur le système de compensation : Les 2/3 des subventions profitent à l'Etat, aux organismes publics et aux producteurs et professionnels
Publié dans L'opinion le 03 - 04 - 2014

Sur saisine du Président de la Chambre des Représentants en juillet dernier, la Cour des Comptes a réalisé une mission d'évaluation portant sur système de compensation au Maroc et établi, à la suite de ce travail, un rapport intitulé « Le système de compensation au Maroc-Diagnostic et propositions de réforme » dont nous donnons, ci-après, une synthèse des principaux constats et recommandations.
Sur saisine du Président de la Chambre des Représentants en juillet dernier, la Cour des Comptes a réalisé une mission d'évaluation portant sur système de compensation au Maroc et établi, à la suite de ce travail, un rapport intitulé « Le système de compensation au Maroc-Diagnostic et propositions de réforme » dont nous donnons, ci-après, une sythèse des principaux constats et recommandations.
Rappelant qu'à l'origine, le système avait une finalité sociale et économique, la fonction sociale est remplie à travers la préservation du pouvoir d'achat des populations en limitant, au niveau local, la répercussion de la hausse des cours de certains produits sur les marchés internationaux.
Quant à l'objectif de développement économique, il devait être atteint grâce à deux leviers :
- la fixation des prix de vente de certains produits agricoles, notamment la betterave à sucre, la canne à sucre et le blé tendre, dans le but de garantir un revenu minimum aux agriculteurs opérant dans ces filières ;
- la garantie d'un niveau de rentabilité aux entreprises opérant dans certains secteurs d'activité à travers des structures de prix arrêtées par l'Etat (sucreries, minoteries et sociétés pétrolières).
Mais au fil du temps, le système a dévié de sa vocation pour devenir un instrument de soutien à la compétitivité des entreprises, voire un palliatif à leur non-compétitivité, masquant ainsi la vérité des coûts de production de certaines industries ou même un substitut à la révision des tarifs de l'électricité.
Depuis le début des années 2000, à la faveur des mutations profondes qu'a connues l'économie mondiale et la pression de la demande de matières premières, les marchés mondiaux ont connu des changements structurels. Les cours de ces matières sont devenus plus que jamais volatils et ceux des produits pétroliers et agricoles ont enregistré des fluctuations imprévisibles.
Sur la période 2002 à 2012, les cours moyens du pétrole, du sucre et de la farine ont littéralement explosé sur les marchés internationaux. Le prix du pétrole a été multiplié par quatre et demi, celui du sucre brut par trois et demi et celui de la farine par presque trois.
Du fait de ces fluctuations devenues structurelles, le système tel qu'il a été conçu à l'origine a perdu sa logique à cause du tarissement des ressources générées par le mécanisme de péréquation. Par conséquent, la compensation ne pouvait plus fonctionner sans le recours massif au budget de l'Etat.
Charge de compensation :
5,1 % du PIB en 2013
La charge de compensation s'est ainsi inscrite dans une tendance haussière impactant gravement l'équilibre budgétaire et les comptes publics. De 2002 à 2012, la charge de compensation a augmenté de 4 milliards DH à 56,3 milliards DH, passant ainsi de 0,9 % à 6,8 % du produit intérieur brut. En 2013, elle devait atteindre 44,4 milliards DH, représentant 5,1 % du PIB.
De 2009 à 2012, la part du budget de l'Etat destinée à couvrir la charge de compensation a augmenté de 258 %. Elle est passée de 15 milliards DH à 56,3 milliards DH4.
Sur la période de 2009 à 2013, le montant cumulé de la charge de compensation a atteint un total de 194,8 milliards DH, se répartissant comme suit :
- produits pétroliers : 162,2 milliards DH, soit 83,3 % ;
- sucre : 19,5 milliards DH, soit 10,0 % ;
- farine : 13,1 milliards DH, soit 6,7 %.
Devant le caractère non soutenable de cette situation, le gouvernement a pris, en 2013, deux décisions pour limiter l'impact de la hausse des cours du pétrole sur le marché local :
- l'indexation partielle des prix de l'essence, du gasoil et du fuel industriel sur les cours mondiaux et la conclusion d'un contrat de couverture des prix «hedging». Par ailleurs, un dispositif conventionnel de soutien au secteur du transport a été mis en place.
- Le 16 janvier 2014, le gouvernement a pris la décision de décompenser l'essence et le fuel industriel et de réduire selon un échéancier, la subvention au gasoil.
Ces mesures permettent, certes, de contenir la charge de compensation dans la limite des crédits budgétaires prévus dans le budget de l'Etat, mais elles sont loin de résoudre durablement la problématique de la compensation car sa facture reste trop lourde,
compromettant les chances d'une croissance saine et durable.
Les questions qui se posent à ce sujet sont les suivantes :
- quels sont les bénéficiaires des subventions servies par le système de compensation actuel ?
- quelle est la part de ces subventions qui répond véritablement à la vocation du système ?
- quels sont les risques si le système actuel perdure ?
- quels sont les mécanismes et alternatives envisageables en cas de décompensation de certains produits ?
- comment repenser et rationaliser le système de compensation dans sa vocation économique et sociale ?
Le rapport rapport de la Xour des comptes couvre les composantes du système de compensation en vigueur au
Maroc pour l'ensemble des produits subventionnés. Il comporte un diagnostic de la situation, en mettant en relief les principaux dysfonctionnements et, propose un ensemble de recommandations et pistes de réforme.
Effets pervers et comportements antiéconomiques
La Cour des comptes note que les produits compensés constituent un enjeu financier considérable. En 2013, la valeur de leurs importations a dépassé les 115 milliards DH, représentant environ 13 % du PIB. L'action de l'Etat dans ce domaine devrait être à la hauteur de cet enjeu.
La compensation est présentée comme un instrument pour la maîtrise de l'inflation et le soutien à la compétitivité des entreprises et comme moyen de préservation du pouvoir d'achat des populations et de stimulation de la demande et, par voie de conséquence, de la croissance économique.
En revanche, la compensation crée des effets pervers et des comportements antiéconomiques : gaspillage de ressources, découragement pour l'utilisation des énergies renouvelables et pour l'efficacité énergétique, non incitation à la recherche de réduction des coûts, effets de distorsion.
Dans les faits, c'est le contribuable qui supporte la charge de compensation en lieu et place du consommateur, qu'il soit particulier ou professionnel
Censée profiter principalement aux couches les plus défavorisées, la compensation s'est transformée, au fil du temps, en une dépense budgétaire qui subventionne les producteurs, notamment ceux opérant dans le secteur du transport et dans la production de l'énergie électrique, des plantes sucrières et même dans certains secteurs industriels. Une part significative de la charge de compensation profite aussi à l'Etat et aux autres organismes publics qui bénéficient de produits compensés pour leur exploitation et leur parc de véhicules. Ces producteurs et professionnels bénéficient de près des deux tiers des subventions de la compensation. Les ménages n'en bénéficient que du tiers environ.
Chaque ménage sans véhicule a bénéficié, en moyenne annuelle, de 2.181 DH de subventions directes via la compensation en 2012 et 1.880 DH en 2013. Le ménage utilisant un véhicule a bénéficié respectivement de 4.996 DH et 3.943 DH par an.
Ainsi, le système de compensation a dévié de sa vocation originelle de stabilisation des prix des denrées de base pour se transformer en mécanisme d'aide qui fausse la réalité des coûts et masque la vérité des prix, en particulier dans les secteurs de l'énergie électrique et du transport.
Le système d'indexation des produits pétroliers liquides, mis en place en septembre 2013, présente l'avantage de maîtriser la charge de compensation par rapport aux crédits inscrits dans la loi de finances. Ce système ne permet pas, pour autant, de résoudre la problématique de cette charge et pourrait même pérenniser son caractère structurel.
Néanmoins, les mesures prises par le gouvernement en 2013 et 2014, sont de nature à atténuer la charge de compensation à l'avenir.
A la lumière de ce qui précède, il se dégage que, hors réforme structurelle, rien ne laisse présager une baisse permettant une baisse de la charge de compensation à un niveau soutenable pour les finances publiques.
Ces constats militent en faveur d'une réforme destinée à recadrer le système de compensation selon une logique de rationalité économique et de ciblage social.
Gouvernance et fiscalité
La gouvernance du système de compensation est caractérisée par la fragmentation et le cloisonnement. Les ministères et organismes impliqués dans ce domaine ne coordonnent pas suffisamment leurs actions. Chaque intervenant reste cantonné dans les limites de ses prérogatives, ce qui ne permet pas de créer les synergies favorables à la régulation et à la gestion du système.
Dans le cas des produits pétroliers, par exemple, c'est le ministère chargé de l'énergie qui fixe la structure des prix sans consultation préalable avec la Caisse de compensation. Cette dernière se limite à payer les subventions sur la base des déclarations faites par les sociétés pétrolières préalablement validées par ledit ministère.
Des départements dont les secteurs sont fortement concernés par la compensation, tels que l'agriculture et le transport, ne sont pas suffisamment associés à la fixation des instruments de gestion des systèmes de compensation.
La Caisse de compensation subventionne les achats de produits pétroliers et non les mises en consommation effectives. Elle ne dispose pas de système d'information permettant de rapprocher les quantités importées avec celles transportées, ni d'appréhender les avoirs sur factures au titre d'éventuels retours de produits.
La Caisse n'a pas de droit de regard sur le choix des fournisseurs, ni sur les prix d'achat. Elle n'opère pas suffisamment de contrôle auprès des opérateurs bénéficiant de ses subventions.
La forte intégration des opérateurs exige de la part de la Caisse le développement de techniques élaborées pour effectuer des contrôles pertinents et efficaces du fait, en particulier, des facturations intra-groupes.
La fiscalité des produits compensés alourdit la charge de compensation supportée par l'Etat.
Les subventions supportées par l'Etat en faveur des produits pétroliers et du sucre incluent la TVA dont le produit est estimé à 6,4 milliards DH en 2012 et 5,2 milliards DH en 2013.
La compensation finance indirectement les collectivités territoriales au titre de la part de la TVA qui leur est affectée dont le montant est estimé en 2012, à 1,9 milliard DH.
La charge de compensation est amplifiée du fait de l'intégration des taxes intérieures à la consommation dans l'assiette de calcul de la TVA applicable aux produits compensés.
Réviser les structures des prix des produits pétroliers et tenir compte des évolutions techniques et du marché
Gasoil : Plus de 43% de la charge des subventions
Le gasoil consomme plus de 43 % de la charge des subventions destinées aux produits pétroliers. C'est un combustible fortement subventionné. Ces dernières années, la subvention moyenne unitaire de ce produit a atteint des niveaux très élevés (55 % en 2011, 49 % en 2012 et 38 % en 2013).
Le gasoil est consommé principalement par le secteur du transport (43 %), l'agriculture (21 %), l'industrie (17 %) et les ménages (19 %).
L'essence est essentiellement consommée par les ménages (78 %). Ce produit ne sera plus subventionné selon la décision prise par le gouvernement au début de 2014. Il doit générer des recettes de péréquation destinées à financer la filière du gaz butane.
Le développement des conditions d'approvisionnement du marché national en produits pétroliers reste handicapé par la limite des capacités de réception et de stockage.
La constitution des stocks, qui restent en deçà des normes réglementaires, n'a pas connu d'amélioration significative en dépit des mécanismes essayés par le passé pour pallier cette insuffisance.
Le système de tarification en vigueur depuis 1995, basé sur les cotations du marché de Rotterdam, n'est pas de nature à optimiser les opérations d'achats à travers la concurrence entre les opérateurs.
Les structures de prix des produits pétroliers sont marquées par leur multiplicité et leur complexité et comportent des postes de charges sans relation avec la réalité des coûts qu'elles sont censées couvrir. Ces structures ne sont pas révisées de manière à tenir compte des évolutions techniques et du marché.
Gaz butane : Déviation
vers des usages industriels et professionnels
La consommation du gaz butane est répartie entre les ménages (59 %) et l'agriculture (39 %). Elle est couverte à 92 % par des importations.
Le gaz butane est le produit pétrolier le plus subventionné, avec une contribution moyenne unitaire de compensation de 224 % en 2012. En raison de son prix, il a connu une déviation, par rapport à sa destination sociale originelle, vers des usages industriels et professionnels qui profitent de plus en plus de son prix très bas.
Les opérateurs dans cette filière sont subventionnés sur toute la chaîne, depuis l'acte d'achat sur les marchés internationaux jusqu'à la distribution. Par conséquent, ils ne sont pas enclins à chercher les meilleures opportunités qui se présentent pour approvisionner le marché national.
Ce secteur est caractérisé par une tarification établie selon une logique d'opérateurs indépendants les uns des autres, qui prévoit la rémunération de chaque intervenant de manière séparée, alors que certains ces opérateurs se sont fortement intégrés. La tarification en vigueur n'est plus adaptée à la structure actuelle du secteur.
Fuel ONEE : 54 milliards DH de subventions entre 2008 et 2022
Dans le cadre du soutien quasi-généralisé aux prix des produits pétroliers, le gouvernement a opté en 2008 et 2009 pour la subvention du fuel qui entre dans la production d'électricité.
Avec la flambée des cours du pétrole, l'augmentation de la demande en électricité et la non réalisation de nouvelles unités de production, ce choix technique s'est révélé inapproprié, engendrant des surcoûts devenus insoutenables.
En 2012, la subvention absorbée par le fuel ONEE était de 7,2 milliards DH. Entre 2008 et 2013, la subvention cumulée du fuel ONEE a été de plus de 23,7 milliards DH. Il est prévu qu'elle dépasse les 54 milliards DH entre 2008 et 2022, même dans le cas du scénario favorable de réalisation du plan d'investissement de l'Office dans les délais prévus.
Sucre : L'essentiel
de la subvention profite
au tissu productif
En 2012, la charge de compensation s'est établie à 5 milliards DH. En 2013, elle a sensiblement baissé pour se situer à 3,6 milliards DH.
La décomposition de la charge de compensation liée aux importations du sucre brut et celle se rapportant à la production locale permet de conclure que l'essentiel de la subvention du sucre profite au tissu productif national.
En 2013, les subventions allouées au sucre local représentent 96 % du total de la charge de compensation du sucre contre 4 % pour les importations, alors que les quantités subventionnées du sucre local ne représentent que 30 % des quantités globales compensées.
Sur la période 2011-2012, caractérisée par une hausse sans précédent des cours internationaux, la production nationale du sucre a absorbé 57 % des subventions bien qu'elle n'ait représenté que 20 % de la consommation locale.
Le souci d'améliorer l'autosuffisance du pays en produits alimentaires et de protéger l'amont agricole pour des considérations essentiellement sociales, s'est traduit, depuis la mise en oeuvre de contrats-programmes entre l'Etat et la profession, par une hausse significative des prix des plantes sucrières depuis 2011, prise en charge par la Les prix à la production nationale qui étaient gelés de 2006 à 2011, demeurent élevés par rapport aux prix de référence internationaux. Or, les résultats atteints sont en deçà des aspirations, en termes de production et de rendement. Les spéculations agricoles bénéficient également d'autres avantages prévus dans le cadre du Fonds de
Développement Agricole.
Le système de subvention a certes amélioré le revenu des agriculteurs mais s'est traduit par un prix du sucre au consommateur parmi les plus bas comparativement aux pays du voisinage ou même à niveaux de revenu inférieurs au Maroc.
Le gel des prix au consommateur depuis 2006 s'est accompagné par le relèvement de la subvention forfaitaire et l'institution d'une subvention supplémentaire sur les importations dès que leur coût dépasse le prix cible arrêté par l'Administration.
La subvention continue à être servie pour toutes les catégories du sucre en l'occurrence, le granulé et les produits élaborés (pain, lingot et morceaux) et ce, en dépit d'un différentiel des prix qui militerait en faveur de la limitation de la compensation au sucre granulé.
Le mécanisme de restitution d'une partie de la subvention auprès des industriels utilisant le sucre et des exportateurs génère des rendements insignifiants.
La subvention des farines libres, à travers le soutien au blé tendre, profite aux fabricants de pâtisseries, pains spéciaux, pâtes alimentaires,... commercialisés à des prix élevés
Depuis 2007, le soutien au blé tendre absorbe environ 50 % des subventions, sachant qu'au début de la précédente décennie, la farine nationale de blé tendre en bénéficiait à plus de 80 %.
Les données relatives à la subvention de la farine nationale de blé tendre et de la farine spéciale de blé tendre, montrent que la compensation proprement dite a diminué sous l'effet de légères réductions du contingent alloué aux communes défavorisées. Néanmoins, le soutien accordé au blé tendre a connu une nette augmentation due principalement à la prise en charge par l'Etat, à travers divers programmes, des conséquences de la flambée des cours internationaux.
Les prix officiels de la farine nationale de blé tendre n'ont pas connu de changement depuis plus de deux décennies. Le gel des prix à la consommation a des répercussions négatives sur la charge de compensation, en raison de la prise en charge par l'Etat, à travers l'ONICL, de plusieurs postes dans la structure des prix.
Des distorsions sur les prix ont été, par ailleurs, confirmées par une étude lancée par la profession. Cette étude est parvenue à la conclusion que, pour la farine nationale de blé tendre, le prix réellement pratiqué au consommateur varie 2,60 et 3 DH/kg au lieu du prix officiel fixé à 2 DH/kg.
Plusieurs dysfonctionnements caractérisent le système actuel. En effet, les subventions accordées au secteur n'ont pas eu d'impact significatif sur l'amélioration des rendements agricoles. La dépendance alimentaire n'a pas progressé et les importations du blé tendre couvrent entre 30 % et 80 % des besoins du pays.
Un autre biais et non des moindres réside dans la subvention des farines libres, à travers le soutien au blé tendre, utilisées en partie dans la fabrication de produits à grande valeur ajoutée (pâtisseries, pains spéciaux, pâtes alimentaires, etc.), commercialisés à des prix élevés.
Définition d'une stratégie dans le cadre d'un plan intégré de politiques publiques et de programmes de restructuration
Parmi les recommandations formulées par la Cour des comptes, figure en premier lieu la rationalisation du système de compensation nécessite la définition d'une véritable stratégie dans le cadre d'un plan intégré de politiques publiques et de programmes de restructuration s'inscrivant dans la durée et selon une vision réaffirmant la vocation sociale de cette politique.
Les axes majeurs de cette stratégie, à implémenter dans son ensemble de façon intégrée, progressive et coordonnée, consistent à :
- réduire, de manière progressive et concertée, le périmètre de la compensation aux seuls produits de base destinés à la consommation des ménages, à savoir le gaz butane, la farine et le sucre ;
- décompenser, de manière graduelle, les produits pétroliers liquides et leur substituer des aides à l'investissement, notamment en faveur du secteur du transport pour la modernisation du parc et l'acquisition de véhicules à faible consommation énergétique ;
- accompagner la décompensation du fuel industriel, décidée en janvier 2014, par des mesures de soutien à l'investissement pour les industries utilisant ce combustible afin de préserver leur compétitivité, tout en incitant à leur conversion énergétique ;
- mettre fin aux subventions du fuel utilisé par l'ONEE et leur substituer d'autres mécanismes tels que la recapitalisation pour couvrir les investissements et l'amélioration de l'autofinancement de l'Office dans le cadre d'un contrat de programme avec l'Etat ;
- accélérer le programme d'investissement de l'ONEE pour la production de l'énergie électrique afin de se passer des turbines à gaz dont le coût du kwh est exorbitant ;
- optimiser les coûts des produits compensés par la réalisation de nouvelles infrastructures et la construction de nouvelles unités de stockage dans le cadre d'une politique visant la constitution de réserves stratégiques, notamment pour les produits énergétiques et alimentaires ;
- promouvoir l'efficacité énergétique et la production d'énergies renouvelables visant en particulier à diminuer la consommation du gaz butane à travers des programmes phares bien identifiés ;
- s'assigner un niveau de charges de compensation tolérable par rapport aux impératifs de soutenabilité du cadre macro-économique.
L'Etat devrait contrôler
en amont les importations
des produits compensés
Il serait opportun de développer des synergies entre les différents organismes intervenant dans le système de compensation.
Il est recommandé à cet effet, de créer un «Comité de veille de la compensation» qui serait composé outre la Caisse de compensation et l'ONICL, des représentants des Ministères chargés de l'énergie, des affaires générales, des finances, de l'industrie, de l'agriculture et du transport ainsi que des représentants des filières professionnelles concernées.
La principale mission de ce Comité serait de conseiller le gouvernement sur les stratégies et les mécanismes à mettre en oeuvre pour rationaliser le système de compensation. Il devait notamment assurer une veille active et permanente au niveau des marchés mondiaux des produits concernés, alerter sur les risques potentiels quant à l'optimisation et la sécurisation des approvisionnements des produits compensés et proposer les actions à même de parer à ces risques.
L'Etat devrait contrôler en amont les importations des produits compensés en se donnant la possibilité d'inciter les opérateurs concernés à opérer des achats à terme au moment des détentes des cours mondiaux. Ceci permettrait de planifier la charge de compensation sur un horizon pluriannuel.
Les prérogatives de la Caisse de compensation devront être élargies afin que cet organisme ne se cantonne plus dans un rôle de caissier mais qu'il devienne un véritable observatoire des produits compensés participant à une veille permanente par rapport aux risques financiers que le pays encourt. Elle devrait à ce titre, disposer d'une banque de données développée sur les marchés mondiaux.
Les formules fixant la structure des prix et des coûts des produits compensés devraient être révisées sur la base d'études dans le sens de la transparence, de la simplification et de la recherche de gains de productivité.
Des réductions significatives peuvent être obtenues sur la structure des prix de reprise et même au niveau des prix de vente, grâce à des mécanismes de forfaitisation, d'exclusion des taxes parafiscales, de révision de la rémunération de stockage et des marges de distribution.
Concernant le nouveau système d'indexation, il est préconisé de le perfectionner afin qu'il permette de tendre vers une diminution progressive des crédits réservés à la compensation.
Concernant le contrôle des stocks des produits pétroliers, du sucre et de la farine, il est recommandé de recourir aux services de sociétés spécialisées. Ces dernières devraient effectuer les vérifications et diligences nécessaires pour aider l'Administration à s'assurer
du respect de la réglementation en la matière et de la réalité des déclarations faites par les opérateurs et ce, sur la base d'un cahier des charges préalablement arrêté.
Exonération des taxes parafiscales à l'importation de produits soumis à la compensation
Concernant la fiscalité, il est recommandé de :
- consacrer, par voie légale, l'exclusion des subventions servies par la Caisse de compensation du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- écarter la prise en charge par la Caisse de compensation du différentiel d'augmentation du taux de la TVA sur les produits pétroliers qui doit être répercuté sur la filière ;
- prévoir l'exonération des taxes parafiscales à l'importation de produits soumis à la compensation et revoir la structure des prix en conséquence ;
- examiner la possibilité d'affecter une partie des recettes fiscales sur les produits pétroliers à un fonds d'investissement de mise à niveau de la filière, notamment en matière de reconversion au gaz naturel liquéfié et plus généralement de l'efficacité énergétique ;
- prévoir des mesures fiscales incitatives en faveur du développement des énergies renouvelables et des technologies porteuses d'économie d'énergie, notamment par des exonérations sur les acquisitions de biens d'équipement.
Revoir le système d'approvisionnement et amener les sociétés pétrolières à optimiser leurs achats
La cour des Comptes recommande de revoir le système d'approvisionnement dans le sens d'une meilleure implication des pouvoirs publics pour amener les sociétés pétrolières à optimiser leur achat en assurant la
régularité de l'approvisionnement du marché, en améliorant les capacités d'accueil des ports et en augmentant les capacités de stockage ;
- prévoir la mise en oeuvre d'infrastructures importantes, notamment des ports pouvant accueillir des navires de grande capacité et lancer la construction de terminaux gaziers et des investissements connexes ;
- réaliser le terminal gazier qui revêt un caractère urgent dans la mesure où il fournira une infrastructure énergétique moderne de nature à renforcer l'attractivité de l'économie nationale et la compétitivité des entreprises. Selon les études du projet, son coût est évalué à 18 milliards DH et comprend la réalisation du port gazier, les installations de stockage et de gazéification ainsi que le gazoduc. Le site le plus convenable serait celui de Jorf Lasfar.
Les études ont en outre démontré que les conditions sont tout à fait propices aussi bien du point de vue de l'offre du fait que plusieurs compagnies internationales ont manifesté leur intérêt pour le projet, que du point de vue de la demande exprimée par les grandes entreprises publiques, les sociétés industrielles ainsi que pour répondre aux besoins des grandes agglomérations à l'avenir. Les financements nécessaires pourront être mobilisés à travers le partenariat public-privé ainsi que dans le cadre de la coopération internationale.
Par ailleurs, il devient urgent de mettre en place le code gazier en vue de disposer d'une base juridique pour ce programme stratégique.
- repenser le système de constitution des capacités de stockage et des stocks à travers une forme de partenariat entre l'Etat et les opérateurs et examiner la possibilité de création d'une société d'économie mixte spécialement dédiée, les montants accumulés à travers la marge spéciale de constitution des stocks pourraient servir au financement de ce projet ;
- réviser les structures des prix dans le sens de leur simplification en éliminant certains postes de charges qui paraissent peu justifiés. ;
- prévoir un mécanisme de révision périodique de ces structures pour prendre en compte les évolutions du marché et de la filière et adapter la structure des prix du gaz butane conditionné au fait que de nombreux opérateurs sont aujourd'hui totalement intégrés ;
- accompagner la décompensation du fuel industriel, décidée en janvier 2014, par des mesures de soutien à l'investissement au profit des industries utilisant ce combustible afin de préserver leur compétitivité, tout en incitant à leur conversion énergétique ;
- étudier la possibilité de limiter la compensation du gaz butane à des contingents destinés aux seuls ménages et prévoir, pour le secteur agricole, des programmes de soutien encourageant en particulier l'utilisation de kits fonctionnant à l'énergie solaire ;
- lancer progressivement la filière du gaz naturel et doter le pays d'infrastructures appropriées pour la distribution de ce produit en commençant par les grands centres urbains, ce qui sera de nature à permettre des économies importantes, notamment en coûts de distribution.
Extraire l'ONEE du mécanisme de la compensation
La Cour des comptes recommande d'extraire l'ONEE du mécanisme de la compensation et accorder d'autres formes de soutien à cet Office, afin d'améliorer ses capacités d'autofinancement dans le cadre d'un contrat-programme avec l'Etat. Il convient en outre de procéder à la restructuration institutionnelle, opérationnelle et financière de l'ONEE, qui revêt une priorité extrême étant précisé que la restauration des équilibres économiques et financiers de l'Office doit faire l'objet d'un plan d'urgence impliquant toutes les parties concernées.
- traiter les aspects fondamentaux relatifs aux investissements et leur mode de réalisation et de financement ainsi que l'ensemble des volets concernant la recapitalisation de l'Office, la révision de ses tarifs et la résolution de la problématique de sa caisse interne de retraite dans le cadre du contrat -programme susmentionné ;
- veiller à la réalisation, en temps opportun, du programme d'investissement de l'ONEE pour la période 2012-2017 et apporter l'appui nécessaire des pouvoirs publics pour réduire tout risque de décalage de ce programme par le lancement des investissements publics indispensables (ports, chemin de fer, routes ...), la réalisation des
études d'impact, l'acquisition des terrains, la mobilisation des financements dans les délais opportuns et la délivrance des autorisations ;
- faire d'urgence les choix qui s'imposent en matière d'augmentation de la capacité de production électrique et lancer la réalisation de nouvelles centrales à charbon propre qui demeurent les plus compétitives à l'heure actuelle ;
- entreprendre la réalisation du terminal gazier et des investissements connexes ;
- revoir la politique de tarification de l'ONEE dans le sens de la vérité des prix tout en veillant à préserver le pouvoir d'achat des couches sociales défavorisées en étudiant la possibilité d'adopter les formules du prépayé et en réexaminant les tarifs de la tranche sociale, en tant que mécanisme de péréquation entre les différents usagers.
Sucre : réviser le prix cible servant au calcul de la subvention forfaitaire
Concernant le sucre, la Cour des comptes d'améliorer les niveaux de rendement et de productivité de l'amont agricole, en vue de réduire les écarts entre les coûts de production intérieurs et les prix internationaux dans le
cadre de contrats -programmes élaborés en phase avec les objectifs stratégiques du Plan Maroc Vert, dont la sécurisation, par la production locale, d'une part importante des besoins du pays ;
- réviser le prix cible servant au calcul de la subvention forfaitaire, en prenant en compte d'une part les améliorations du rendement et d'autre part les effets d'utilisation de la capacité de l'outil industriel ;
- envisager le recours à des achats de sécurisation des approvisionnements en sucre, en période de détente des cours, sous la supervision d'un Comité de veille de la compensation, en relation avec les mesures à prendre en matière de renforcement des capacités de stockage et de constitution de stocks stratégiques.
Farine : cibler davantage les bénéficiaires sur la base des critères d'éligibilité
Concernant la farine, la Cour des comptes recommande de réduire les coûts de production à travers l'amélioration des rendements des petits exploitants en actionnant les leviers que sont le foncier, le financement, la formation et la fiscalité et ce, dans le cadre de contrats programmes s'inscrivant en ligne avec les objectifs du Plan Maroc Vert, de manière à améliorer la sécurité alimentaire en blé tendre et réduire le plus possible l'écart entre les coûts de production à l'intérieur et ceux observés à l'international ;
- sécuriser les approvisionnements en recourant à des achats massifs, en période de détente sur les cours, sous la supervision d'un «Comité de veille de la compensation», parallèlement aux mesures à prendre en matière d'amélioration des conditions de collecte et de constitution de stocks de sécurité, avec l'implication directe de l'ONICL ;
- poursuivre l'effort d'optimisation pour contingenter le tonnage de la farine nationale de blé tendre en ciblant davantage les bénéficiaires sur la base des critères d'éligibilité arrêtés en concertation avec les différentes parties concernées ;
- renforcer le contrôle des coûts et des marges par rapport aux normes réglementaires afin que le consommateur bénéficie pleinement des subventions supportées par le budget de l'Etat et éviter qu'une partie soit déviée au profit des opérateurs et des intermédiaires dans la filière.


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