La galerie casablancaise KALLA ART (boulevard d'Anfa, rue Mozart) abrite actuellement l'exposition individuelle de l'artiste peintre et pédagogue Mohamed El Hajji sur le thème « vie des formes». Cette exposition créative est marquée par la présentation d'un registre diversifié d'œuvres plastiques portant sur la forme, ses rhétoriques et ses détours. Lauréat de l'Ecole d'Art et d'Architecture à Marseille en 1982, cet artiste professionnel a pu développer une démarche plastique qui relève de la liberté gestuelle voire lyrique loin de tout usage ornemental des motifs. Il s'agit d'une scénographie chromatique qui crée une festivité de couleurs et de formes variées et débordantes. L'artiste gère sciemment l'espace de la toile et la soumet à une tension permanente, celle qui anime la vision artistique du peintre et le maintient dans un équilibre problématique. Ici, l'artiste crée un nouveau langage visuel, dynamique et tendu vers l'inconnu. Mohamed El Hajji, artiste illuminé, a l'art d'instrumentaliser lignes, nuances et signes pour en faire un langage autonome qui plonge dans une sphère de spiritualité magique et imprime des émotions indicibles. Il introduit la forme dans ses œuvres. Avec les premiers rudiments de l'écriture, l'enfant fait progressivement le lien entre le chant sacré qui illumine son cœur et la belle forme qui éblouit son regard. Les belles lettres ne sont jamais muettes, elles sont la voix céleste qui illumine le monde, le sens sans lequel la vie n'a pas de sens. L'artiste garde ainsi, au fond de lui-même, cette nostalgie du paradis de l'innocence, cette première découverte inouïe du divin. Au terme de cette plongée initiatique, dans le bain d'une civilisation sémite qui magnifie les symboles et glorifie les mots, on lui apprend que c'est de la parole divine qu'est né le monde. L'artiste n'empreinte des modèles à la nature que pour en faire des motifs purement ornementaux et géométriques. Comme dans une incantation, le même motif est indéfiniment répété dans un ordre symbolique qui est sensé reproduire l'ordre cosmique. Le travail plastique de Mohamed El Haji se veut conceptuel et universel. Sa démarche s'inscrit ainsi dans une modernité ouverte. Le signe pictographique en tant que matrice du langage et support savant du sacré est le corps sensible de la langue. La pictographie est demeurée fortement marquée en cela qu'elle dénote une identité historique et est investie d'un pouvoir sacral de haute valeur. Interprétée, la forme trouve son sens plastique plénier dans les différents usages qu'en font les peintres et les visées esthétiques qui sous-tendent leur travail. En contemplant l'art actuel au Maroc, Mohamed El Haji nous a confié : « Les artistes contemporains utilisent le langage de la forme comme vecteur d'expression plastique pour véhiculer leurs visions du sacré avec toutes ses charges émotionnelles et existentielles. C'est une démarche, à la fois artistique et éthique, qui a pour but d'inculquer les valeurs spirituelles dans les comportements aussi bien individuelles que collectifs. ».