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Entretien avec Seydou Nourou Ndiaye : «Nos livres en langues nationales ont bénéficié d'un écho très favorable surtout dans le monde rural au Sénégal, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Niger...»
Seydou Nourou Ndiaye est fondateur de Papyrus Afrique, une maison d'édition sénégalaise installée à Dakar et spécialisée dans la publication d'ouvrages en langues nationales wolof et pulaar. Lui n'a pas fait le déplacement à Casablanca pour la 20ème édition du SIEL. Par contre, il était présent lors de l'édition du SIEL où le Sénégal était l'invité d'honneur en 2009. L'entretien suivant est réalisé par e-mail pour rappeler la lutte passionné pour promouvoir les langues nationales par le biais de la création en intéressant tout autant public de lecteurs que des auteurs qui souhaitent tenter l'aventure des langues nationale et sont habités par le souci de la transmission. Ce fut le cas de Boubacar Boris Diop qui a publié un roman «Doomi Golo» chez Papyrus Afrique en langue nationale wolof pour être par la suite en français et paraître en France. Histoire d'une aventure appréciée notamment par l'auteur du célèbre «L'aventure ambiguë» Cheikh Hamidou Kane. Entretien : L'Opinion: Comment a été le début de Papyrus Afrique, l'année de création, l'idée maîtresse pour forger une personnalité ? Seydou Nourou Ndiaye: L'idée de création de la maison d'édition découle des frustrations que j'ai vécues en tant que poète. C'est depuis les années 70 au lycée que j'ai commencé à écrire en wolof et en pulaar. Dans les années 80, c'est un ami feu Mangoné Niang actuellement décédé, chercheur au Centre d'Etudes Linguistiques et Historiques par Traduction Orale (CELTHO) au Niger qui m'avait encouragé à regrouper mes poèmes. Il fallait les publier. Les Nouvelles Editions Africaines, la seule maison d'édition qui existait à l'époque au Sénégal n'était pas intéressée par cette production. Les autres maisons d'édition que j'avais contactées par la suite lors de la première foire internationale du livre de Dakar, n'étaient pas non plus intéressées. Ces poèmes furent déposés en 1980 et ne furent publiés par l'Institut Fondamental d'Afrique Noire (IFAN) qu'en 1993. L'Institut entreprit également de publier d'autres textes en langues nationales comme Aawo bi le premier roman en wolof au Sénégal. C'est après un changement de Directeur que les publications en langues nationales ont été suspendues. C'est ainsi que les Editions Papyrus furent fondées le 15 mars 1996. La maison d'édition changea de statut pour devenir une société unipersonnelle sous la dénomination de : Editions Papyrus Afrique. Cela, pour que les autres auteurs en langues africaines ne puissent plus vivre le calvaire que j'ai vécu. J'ai ainsi fait le choix de contribuer à l'émergence d'une littérature écrite dans les langues africaines du Sénégal. L'Opinion: Quelle évolution par la suite et quelles difficultés rencontrées ? Seydou Nourou Ndiaye: L'évolution de l'écriture en langues nationale fut très surprenante d'autant qu'il y avait une forte attente. Ceux qui écrivaient n'avaient pas d'espace ou se faire publier et ceux qui savaient lire dans leur langue n'avaient pas de livres à lire. Après la fondation de la maison d'édition en 1996, nous avons lancé le 25 mars 1998 notre journal bilingue lasli/Njëlbéen. Un journal bilingue wolof/pulaar qui servit à promouvoir les livres que nous avons édités. Nos publications devenaient plus visibles. Nos livres et notre journal commençaient à circuler dans pratiquement toute la sous-région ouest africaine. Nos auteurs devenaient plus populaires, leurs livres aussi. Je pense aux poèmes composés en prison par le poète Mauritanien Ibrahima Sarr « Kartaali nibbe » (Les Sanglots nocturnes) que nous avons publiées en 2000 et qui eurent un grand succès. Les autres livres publiés eurent également le même succès : Boy Pullo de Abdoulaye Dia, Dingiral de Hamet Ly, Paalel Njuumri de Aboucary Moussa Lam, Jamfa de Djibril Moussa Lam, etc.... Les difficultés sont innombrables et inhérentes à toute initiative nouvelle. Il y a d'abord ce manque de considération de la part des autorités et une partie de nos intellectuels. L'Opinion: Quelle réception de vos livres écrits dans les langues nationales ? Seydou Nourou Ndiaye: Nos livres ont bénéficié d'un écho très favorable au niveau des populations surtout dans le monde rural au Sénégal, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Niger, en Gambie, en Guinée Bissau, au Mali, dans la diaspora en Europe et aux Etats-Unis. L'Opinion: Quelles attentes aujourd'hui avec l'avancée de la révolution technologique avec le livre numérique qui pointe du nez ? Seydou Nourou Ndiaye: Nous sommes en train d'étudier la question. Nous envisageons la mise en place d'un département numérique pour nos ouvrages et le journal est en cours de relance. L'Opinion: Quelle place de la lecture chez les Dakarois et les Sénégalais en général ? Seydou Nourou Ndiaye: Il y a un intérêt certain pour la lecture. Mais je pense que le problème se situe au niveau du pouvoir d'achat des populations. L'Opinion: Quelles sont vos relations avec les autres éditeurs sénégalais ou d'autres pays africains pour des coéditions par exemple ? Seydou Nourou Ndiaye: Nous sommes membres fondateurs de l'Association Sénégalaise des Editeurs. Nous avons des relations de complicité intellectuelles avec des éditeurs de même sensibilité que nous, au Sénégal et dans les autres pays. Je pense aux Editions Jamana du Mali, aux Editions Sankofa au Burkina Faso, aux Editions Ku Si Mon de la Guinée Bissau, aux Editions Le Fennec de Layla Chaouni du Maroc, Nous sommes membres de l'Alliance Internationale des Editeurs Indépendants . D'ailleurs dans ce cadre nous participons à la coédition de Mes étoiles noires de Lilian Thuram dont la parution est prévue au mois d'avril prochain. L'Opinion: Que pensez vous de l'évolution de l'édition dans les pays de la CEDEAO ? Seydou Nourou Ndiaye: Il y a véritablement un bond qualitatif. Nous assistons à un élan nouveau, une conscience nouvelle et une saine détermination pour relever les défis longtemps laissés en rade. La CEDEAO est remarquable du point de vue de sa diversité linguistique. C'est une Afrique en miniature. Les éditeurs de ces différents pays sont obligés de tenir compte cette réalité. Nous y avons aussi de grandes langues africaines transfrontalières comme le pulaar, le mandingue, le dioula... C'est un marché éditorial très important. L'Opinion: Quelles sont les titres et les thèmes des livres publiés en 2013 et quelles sont les publications en perspective ? Seydou Nourou Ndiaye: Nous avons publié Jimol Maayo de Mama Wane des poèmes en pulaar ; une réédition révisée de Doomi Golo de Boubacar Boris Diop ; Fulbe gila Heli e Yoyo du Professeur Aboubacry Moussa Lam. Un ouvrage qui vient compléter sa thèse sur l'origine égyptienne des peuls ; Lelngo Alquraan une traduction du coran en pulaar (Juz'u Amma) ; Yobbalu tuut tànk yi, des comptines en wolof de Maysa Maty Ndiaye. Nous avons en instance de publication, outre la coédition de Mes étoiles noires de Lilian Thuram, Ngayneteendi : un livre sur les animaux écrit en pulaar par le docteur vétérinaire Omar Bassoum ; un livre de contes en sérère, entre autres.