Bourita reçoit la ministre centrafricaine des AE, porteuse d'un message destiné au Souverain    Afrique : Une lettre au roi Mohammed VI de la République Centrafricaine    Central African Republic's Foreign Minister delivers letter to King Mohammed VI    Les albums photo d'un officier français plongent dans le Maroc de l'époque coloniale    Digitalisation des commerçants : Attijariwafa bank et le gouvernement signent une convention    L'ONU alerte sur la montée du « sectarisme antimusulman »    Casablanca : 30 gendarmes condamnés dans une affaire de drogue    Maroc : De retour d'une mission dans la bande de Gaza, un médecin livre son témoignage    Sénégal : Le Parlement autorise le président à ratifier une convention judiciaire avec le Maroc    Représentants de la CAF à la FIFA. Fouzi Lekjaa meilleur élu    DGAPR: Le portail numérique « Ziara » généralisé à tous les établissements pénitentiaires    Senegal approves judicial agreement with Morocco for detainee transfers    Attijariwafa Bank and government partner to digitize merchants    Morocco-Israel offshore oil deal in Sahara sparks Canary Islands concerns    Ramadan : Avec 37,7% de PdA, Al Aoula est la chaîne publique la plus regardée au Maroc    "Rouge Tangerine" par Hanane Oulaïllah, un kaléidoscope de destins brisés    Blanche-Neige, revisité en live-action, dans les salles de cinéma à partir du 19 mars    Ligue des Champions : Le Borussia Dortmund met fin au rêve de qualification du LOSC    190 464 dirhams pour l'assistance technique de quatre projets d'agriculture solidaire dans le Gharb    Démantèlement d'un réseau d'espionnage lié aux renseignements algériens en France    Temu : L'application qui transforme l'expérience shopping au Maroc    14e AGE de la CAF: Le vote consacre la forte présence du Maroc en Afrique (Fouzi Lekjaa)    Malgré une chute drastique en volumes, les produits de la pêche rapportent plus    Le Maroc élu à l'unanimité à la présidence de la 57eme session de la CEA et de la Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique    Reprise du trafic maritime entre Tarifa et Tanger après une courte suspension    AGE de la CAF : Qui sont les candidats déclarés pour le renouvellement ?    Bruxelles riposte à Donald Trump par des taxes "proportionnées" dès avril    Affaire «Doualemn» : la justice donne un avis favorable à l'expulsion de l'influenceur algérien    Météo : Fortes pluies et chutes de neige attendues de mercredi à samedi    Le déficit budgétaire à 21,1 MMDH à fin février    Extradition de Mohamed Boudrika : La justice allemande donne son feu vert    Immobilier : de bonnes perspectives se dessinent en 2025    Le ministre de l'Intérieur français qualifie le régime algérien de "junte dictatoriale" qui ne se soucie pas de la souffrance de son peuple    Fouzi Lekjaa continue de représenter le Maroc à la FIFA en étant réélu pour un deuxième mandat au sein du comité exécutif    Quand Hakimi fait polémique à Anfield    Fouzi Lekjaa réélu au conseil de la FIFA et au Comex de la CAF    La couverture des activités royales : Une performance médiocre nuit à l'image et au prestige    Amina Bouayach élue présidente de l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'Homme    Les températures attendues ce mercredi 12 mars 2025    Le temps qu'il fera ce mercredi 12 mars 2025    HCP : perspectives favorables pour les services marchands non financiers au T1 2025    Bourse de Casablanca : ouverture en territoire positif    Chambre des représentants : la commission de la justice et de la législation examine le projet de loi sur la procédure pénale    Débat autour du concept de liberté dans les contextes arabe et occidental    Soutien à l'édition et au livre : ouverture des candidatures pour l'année 2025    «Basmat al-Tourath» : Le Maroc en animation, une histoire qui bouge !    Célébration de la journée mondiale du théâtre: un programme national couvrant les différentes régions du Royaume    El Jadida : Quand Kabour illumine la nuit des jeunes filles rurales à Ouled Hamdane !    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Réédition du premier livre de collecte et de traduction des quatrains publié en 1896
Les quatrains de Sidi Abderrahmane el Mejdoub : Le succès story d'une œuvre majeure du patrimoine oral marocain
Publié dans L'opinion le 18 - 01 - 2014

Qui ne connaît pas les quatrains de Sidi Abderrahman el-Mejdoub ? C'était le livre oral le plus populaire au Maroc mais aussi au Maghreb. Pendant quatre siècles, il aura circulé de bouche à oreille, mémorisé grâce aux conteurs et troubadours des places publiques comme Jamaa Lafna. Grâce aussi et surtout à la force d'attrait exercé aussi bien par le contenu des quatrains fait de sagesse, fruit d'une profonde expérience humaine que par la musique avenante pour l'oreille fondée sur l'assonance et l'allitération grâce aux quatre hémistiches donnant lieu au procédé mnémotechnique connu pour aider à la transmission par mémorisation. La mémoire collective retient aussi et surtout ces quatrains de Sidi Abderrahmane el Mejdoub parce qu'ils incarnaient la voix des opprimés avec des thèmes pour dénoncer le mal, l'injustice, les fléaux du siècle causés par l'Homme et la nature, la bêtise, l'hypocrisie, la souffrance, la misère etc. Pour dénoncer aussi le pouvoir despotique en usant de la satire, de l'humour noir, de l'imprécation. Le mejdoub c'est une forme de mystique, fou de Dieu, qui porte son regard de moraliste sur la société pour la décrire librement, la prendre à partie avec une prise de parole exceptionnelle.
«Quiconque parle de la vérité on lui défonce le crâne».
«Celui qui tient à parler selon la justice / Doit mettre un bâton dans sa ceinture».
«J'ai crié un cri à faire pitié / J'ai réveillé tout ce qui dormait / Les gens compatissants se sont levés / Les brutes ont continué à dormir».
Bien avant les salafistes réformistes du XXème siècle, Sidi Abderrahman el Mejdoub s'en prend au culte des saints :
«Labourez votre grain et criblez-le / En été faites le prélèvement de la dîme / Donnez votre aumône (aux pauvres) ne la faites pas attendre / A aucun saint si ce n'est au Prophète ne donnez d'offrande religieuse».
La forte présence de ce livre oral dans le Maghreb ne manquera pas d'interpeller la curiosité et de susciter l'intérêt. Ce fut le cas du Comte Henry De Castries (1850-1927), un Français qui rencontre au XIXème la présence des quatrains si bien implantés dans la culture orale populaire en Algérie, qu'il commence à les rassembler et à les étudier en apprenant l'arabe classique et l'arabe parlé. Ce faisant, il fait la connaissance d'un auteur marocain digne d'intérêt, un moraliste ayant vécu au XVIème siècle, mort et enterré à Meknès et dont l'œuvre est si particulièrement présente partout dans le Maghreb occupant une bonne place dans le patrimoine oral. L'ensemble de la recherche s'effectue donc en Algérie sous colonisation française et l'ouvrage paraît regroupant 156 quatrains en 1896 à Paris sous le titre «Les Gnomes de Sidi Abderrahman El Mejdoub». Pour la première fois, les quatrains sont reproduits en arabe marocain et traduits, expliqués en français dans le même livre de manière érudite en relevant des similitudes avec le fond culturel du pourtour méditerranéen. L'auteur en effet ne manquera pas de faire le lien avec la culture grecque, les Livres sapientiaux, d'où son choix du terme Gnome pour parler de quatrains lapidaires souvent fruits d'improvisation pour donner une pensée brève, une morale concise mais frappante. Dire beaucoup avec une économie de mots extrême.
En décrivant les quatrains, Castries relève les thèmes récurrents du Mejdoub :
«... les vérités sur lesquelles il revient le plus volontiers sont la fragilité de la destinée humaine, l'infidélité de l'amitié dans le malheur, le mépris qui s'attache à la pauvreté, comme tous les moralistes atrabilaires, le mejdoub maudit les vices de son temps...».
Cet ouvrage pionnier, en inspirera d'autres bien plus tard. D'abord un chercheur algérien, Mohammed Ibn Azzouz El Hakim qui rassemble les quatrains et les traduit en espagnol («Pensamientos y maxims de Sidi Abderrahman el Mejdoub» Institut de los estudios Africanos, Madrid, 1956). Ensuite «Les quatrains de mejdoub le sarcastique» de Jacqueline Scelles-Millié (1966 Maisonneuve Larose) avec la collaboration de Boukhari Khélifa. Un travail qui replonge toujours du côté de l'Algérie. Ce nouveau travail de recherche reprend en partie le travail de Castries et l'autre travail de traduction des quatrains en espagnol par Mohammed Ibn Azzouz El-Hakim. En 1967, Tayeb Saddiki crée la pièce «Diwan Sidi Abderrahmane Mejdoub» qui fait date et où les quatrains du Mejdoub sont remis au goût du jour. Il publie la pièce de théâtre en 1973. Il y eut enfin «La Tradition orale du mejdoub, Récits et Quatrains» d'A. L. de Prémare (1986 Edisud) où la recherche est cette fois-ci entièrement dirigée en territoire marocain dans la tribu des Masmouda dont Sidi Abderrahmane el Mejdoub est originaire. A. L. de Prémare, sur 201 quatrains rassemblés, ne reprend qu'une vingtaine des auteurs précédents, De Castries et Scelles-Millié, ce qui fait qu'il présente pas moins de 180 quatrains du Majdoub inédits, donc jamais relevés par les chercheurs précédents.
A chaque fois, les chercheurs découvrent de nouveaux quatrains et établissent un corpus des «quatrains reconnus» différenciés des apocryphes, nombreux témoins du succès du style fascinant du Mejdoub.
Toute cette traversée du livre oral vers l'écrit et la traduction est rappelée à l'occasion de la réédition des «Gnomes de Sidi Abderrahman El Mejdoub» de Henry de Castries par Abdelhaï Sadiq, enseignant chercheur (Université Cadi Ayyad Marrakech) (entretien ci-contre). En effet, Sadiq dans une présentation de la réédition offre un éclairage intéressant sur cet intérêt international pour une œuvre majeure du patrimoine oral marocain inscrite dans une dimension maghrébine, africaine et méditerranéenne. Le livre de Castries n'a jamais été réédité depuis 1896 date de sa première édition, nous précise Abdelhaï Sadiq.
En plus des trois travaux de recherche cités, il y a bien sûr la présence de l'édition populaire qui circule depuis des décennies, un opuscule avec sur la couverture le dessin d'un errant, cheveux longs, muni d'un bâton, une image populaire consacrée du mejdoub.
Sidi Abderrahmane el Mejdoub a vu le jour à Tit, ancien bourg atlantique situé entre El Jadida et Azemmour. Il meurt à Meknès où se trouve son mausolée. Il avait vécu une période des plus troubles et particulièrement sombre du Maroc, le XVIème, juste après la chute de Grenade et les expulsions des Andalous et l'occupation des côtes marocaines par les Ibériques, avec un pouvoir central au Maroc déchiré entre les Wattassides au nord à Fès et les Saadiens au sud. Il est probable que les quatrains doivent leur particularité en grande partie à la spécificité de l'époque. Aujourd'hui, l'œuvre qui passionne les chercheurs et artistes et qu'on ne finit pas de redécouvrir, demeure intemporelle parce que très humaine et universelle, prônant amour, amitié, patience et appelant au dialogue.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.