La Corée du Nord a confirmé lundi le limogeage de l'influent Jang Song-Thaek, oncle et éminence grise du numéro un Kim Jong-Un, et diffusé les photos de l'arrestation humiliante de celui considéré jusqu'à peu comme le numéro deux du régime. Selon l'agence de presse KCNA, l'un des principaux canaux de la propagande du régime communiste, Jang a été démis pour avoir commis «des actes criminels» et dirigé «une faction contre-révolutionnaire». La mise à l'écart de ce dignitaire, ainsi que l'exécution de deux de ses proches conseillers, avaient été annoncées la semaine dernière par le renseignement sud-coréen. Près de deux ans après l'accession au pouvoir du jeune Kim Jong-Un, âgé d'une trentaine d'années, cette purge au sommet devrait lui permettre de resserrer les rangs autour de lui face à la Corée du Sud et aux Occidentaux qui accusent Pyongyang de développer des missiles intercontinentaux à capacité nucléaire, avancent des experts. «Jong-Un a construit un socle solide pour son pouvoir ces deux dernières années et il n'a plus besoin d'un régent qui paraissait de plus en plus puissant et menaçant», déclare Paik Hak-Soon, expert à l'Institut Sejong. La télévision d'Etat -- la seule existant en Corée du Nord -- a diffusé deux photos de Jang Song-Thaek, où on le voit extirpé de son siège par deux hommes en uniforme, lors de ce qui semble être une assemblée politique, sous les regards de marbre de hauts dignitaires. Il est extrêmement rare en Corée du Nord de rendre publiques des images montrant l'humiliation de très hauts dirigeants. Kim Jong-Un a succédé à son père Kim Jong-Il à la mort de ce dernier en décembre 2011. Kim Jong-Il présidait lui-même aux destinées de la Corée communiste depuis le décès en 1994 de son père Kim il-Sung, fondateur de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) en 1948. Epoux de la soeur de Kim Jong-Il, Jang Song-Thaek, 67 ans, était considéré comme le régent pendant la période de transition, au service de son neveu, et numéro deux officieux du régime. Le Parti des travailleurs réuni dimanche a confirmé avoir «éliminé Jang et purgé son clan», selon KCNA. Dans un communiqué aux accents de mise en garde, le régime a précisé que Jang avait formé un groupe séditieux à l'intérieur du parti et nommé des fidèles à des postes stratégiques afin de servir ses ambitions politiques. Jang entretenait des «relations inappropriées» avec les femmes et était devenu «affecté par le mode de vie capitaliste», poursuit le communiqué. «Malade idéologiquement, extrêmement oisif et nonchalant, il consommait des drogues et gaspillait des devises étrangères dans les casinos alors qu'il était soigné à l'étranger aux frais du parti», a détaillé KCNA. Jang était vice-président de la Commission de défense nationale, considéré comme l'organe de décision le plus puissant du pays. Des rumeurs avaient déjà évoqué sa disgrâce en 2009, 2010 et 2011. En 2004, il avait été contraint à une longue «rééducation» dans une aciérie sous l'accusation de corruption, habituelle dans les jeux de pouvoir en Corée du Nord, avant de revenir sur le devant de la scène l'année suivante. Il avait considérablement étendu son influence après l'attaque cérébrale de Kim Jong-Il en 2008, puis à sa mort trois ans plus tard. Pour Paik Hak-Soon, de l'institut Sejong, «cette fois, Jang est parti pour de bon. Il ne pourra pas revenir». «Il va y avoir un mouvement de purges à travers le pays (...) et Kim Jong-Un va se retrouver le seul et unique centre de pouvoir contesté par personne», prédit pour sa part Yang Moo-Jin, professeur à l'université des Etudes nord-coréennes à Séoul. Pour Kim Yong-Hyun de l'université Dongguk à Séoul, Jang était «la personnalité la plus encline à militer agressivement pour la mise en place de réformes et l'ouverture du régime nord-coréen». «Il a visité la Corée du Sud où il a pu se faire une idée de la société capitaliste, et il a aussi assisté aux changements survenus en Chine». Pékin, seul allié de poids de Pyongyang, a estimé que ce limogeage était «une affaire interne» à la Corée du Nord. Signe supplémentaire de la disgrâce de Jang Song-Thaek, la télévision étatique --la seule existante en Corée du Nord-- a expurgé un documentaire sur le jeune dirigeant des séquences où figurait son oncle. Et toute information sur Jang, sa femme ou ses deux conseillers ont été retirées du site internet de l'agence KCNA.