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Une médication lourde mais pas entièrement remboursable Entretien avec Dr Khadija Moussayer, spécialiste en médecine interne et gériatrie et présidente d'AMMAIS : Quand le système immunitaire braque et détruit l'organisme
L'Opinion: Dans quel cadre situez-vous cette journée ? Dr Moussayer: C'est la principale manifestation de l'association depuis 3 ans pour les médecins et les patients concernés par les sujets débattus. On organise d'autres actions médicales, en particulier pour le Gougerot-Sjögren, une maladie qui assèche la salive et les larmes et qui attaque les femmes dans 9 cas sur 10. La journée de l'auto-immunité est une occasion de rappeler que ce sont des maladies où le système immunitaire qui, normalement, nous protège, se retourne contre nous et détruit les composants normaux de l'organisme. Il y a deux types de maladies auto-immunes : les maladies qui touchent un seul organe et tous les organes du corps peuvent être touchés : la thyroïde, la peau, le système nerveux, le foie, ce qu'on appelle les maladies spécifiques d'organes. Il y a aussi d'autres maladies qu'on appelle les maladies systémiques : une seule maladie touche plusieurs organes : les articulations, la peau, le rein, le système nerveux ; c'est l'archétype des maladies auto-immunes qui touchent de nombreux organes, c'est le principal thème d'aujourd'hui qui est le lupus érythémateux systémique. C'est une maladie de la femme par excellence qui se manifeste par une atteinte cutanée, une atteinte rénale, articulaire, cardiaque...Une maladie rare en somme. L'Opinion : Les maladies auto-immunes sont-elles incurables ? Dr Moussayer : Elles ne sont pas guérissables ; elles peuvent rester relativement bénignes comme provoquer des dégâts irréversibles. Ainsi, les maladies auto-immunes de la thyroïde peuvent n'engendrer aucun déséquilibre significatif au niveau du corps comme donner une hypothyroïdie (les hormones ne sont plus ou pas suffisamment secrétées par la thyroïde) ou une hyperthyroïdie (hyperstimulation de la glande). Des substituts thyroïdiens sont donnés dans la première situation et des freinateurs de la glande dans la deuxième. Les maladies auto-immunes, parfois, surviennent par poussées et donnent des crises, et par la suite elles disparaissent et se calment. Parfois, elles atteignent des organes qui sont « nobles » tels que le rein, le cerveau, le cœur... Si elles ne sont pas bien prises en charge, elles peuvent provoquer des séquelles sur l'organisme. En cas d'atteinte rénale, par exemple, cela peut aller jusqu'à l'insuffisance rénale ou la dialyse. Les maladies ne sont pas inguérissables. Si on prend le lupus, par exemple, on n'arrive jamais à le guérir, mais on contrôle la maladie. On parle de rémission dans le cas des maladies auto-immunes; on ne parle pas de guérison. Cela veut dire que la maladie est contrôlée mais on n'est pas sûr qu'elle ne va pas récidiver sous la même forme ou sous une forme plus grave ou qu'elle touche un organe autre que celui qu'on est en train de traiter ou de maîtriser. L'Opinion : Une femme atteinte d'une malade auto-immune est-elle condamnée à ne jamais tomber enceinte si elle est sous traitement ? Dr Moussayer : On peut permettre la grossesse en cas de lupus mais loin de la poussée. Il faut que la poussée soit maîtrisée, que la poussée soit ancienne, qu'elle date de plus d'une année pour permettre une grossesse. Durant la grossesse, il faut maîtriser le lupus s'il est là et si la patiente a une atteinte rénale au cours de la grossesse, il faut lui administrer des médicaments pour éviter que la poussée survienne. Il y a des maladies comme la gougerol-sjogren, citée précédemment, qui ne menace pas vraiment le pronostic vital, la vie des patientes qui sont touchées, à l'encontre du lupus qui peut être mortel pour la femme si elle n'est pas prise en charge, si elle n'est pas diagnostiquée. Le gougerol-sjogren, en général, est une maladie handicapante pour la femme. Elle touche la femme à 50 ans (pré ménopause et ménopause) alors que le lupus touche les jeunes femmes, entre 20 à 30 ans, en cours de l'activité génitale. En général, elle assèche les larmes et la salive et les sécrétions qui touchent les glandes exocrines (c'est pour cela qu'on l'appelle le lupus des muqueuses). Le cas ne se pose pas quand la maladie touche la femme à la cinquantaine car, en général, la femme à 50 ans ne tombe pas enceinte. Mais il arrive qu'il survienne chez la femme jeune. Dans ce cas, il faut surveiller le cœur du bébé car les substances que le corps fabrique pour attaquer les constituants de ce qu'on appelle les anti-corps passent à travers la barrière placentaire et endommagent le cœur du fœtus. Il faut donc une gestion particulière au cours de la grossesse ; il faut faire des dopplers et donner un traitement si cette attaque survient. On est parfois amené à placer un pacemaker au nouveau-né dès qu'il arrive au monde et qu'il va garder toute sa vie. D'où l'importance du dépistage de ces maladies et leur bonne gestion au cours de la grossesse. L'Opinion : Y a-t-il du nouveau dans le domaine de la recherche médicale ? Dr Moussayer : Il y a une trentaine d'années, les gens mourraient du lupus au bout de cinq ans dans 90 % des cas en France alors qu'aujourd'hui et grâce aux progrès médicaux, moins de 10 % en meurent. De plus, une véritable révolution s'opère actuellement avec le développement des « biothérapies » : utilisant des molécules biologiques naturelles dérivés d'organismes vivants (levures, ferments, certains microbes) ou de substances prélevées sur des organismes vivants (hormones, extraits d'organes ou de tissus), elles s'opposent aux médicaments classiques, synthétisés chimiquement. En ciblant précisément les molécules ou les cellules clé responsables de l'affection, elles autorisent déjà des améliorations significatives de l'état des personnes . L'Opinion : Qu'en est-il de la couverture médicale ? Dr Moussayer : Il existe des maladies auto-immunes remboursables. L'AMO a une liste des maladies qui sont couvertes. Le lupus fait partie de ces maladies ; par contre le Gougerol-Sjogren ne l'est pas. C'est pour cela que nous organisons chaque année une manifestation au mois de mai pour les malades, en arabe dialectal, et on milite pour que les médicaments utilisés dans le Gougerol-Sjogren soient remboursés. Le problème est qu'on ne dispose pas de beaucoup de médicaments pour soigner les maladies auto-immunes.