L'Iran et les grandes puissances ont scellé dans la nuit de samedi à dimanche un premier accord historique pour contenir le programme nucléaire iranien, mais Téhéran et les Etats-Unis ont aussitôt étalé leurs divergences sur la question de l'enrichissement. Au terme de cinq jours de négociations marathon à Genève et d'un blackout médiatique total sur le climat et l'évolution des tractations, la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a annoncé "un accord sur un plan d'action" concernant le programme nucléaire iranien controversé. Elle était entourée du ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif et des six chefs de la diplomatie du groupe 5+1. Un accord préliminaire sur le nucléaire iranien a été conclu dimanche à Genève entre Téhéran et les grandes puissances, afin de réduire l'ampleur du programme atomique de la République islamique, en échange d'un allégement des sanctions qui pèsent sur elle. L'accord entre l'Iran, d'un côté, et l'Allemagne, la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et la Russie, de l'autre, a été conclu après plus de quatre jours de négociations et constitue un premier pas vers la sortie d'une impasse diplomatique vieille de plus d'une décennie. L'accord suspend les volets les plus controversés du programme atomique de l'Iran en lui imposant d'arrêter l'enrichissement d'uranium au-dessus de 5%, de neutraliser ses réserves enrichies à 20% et de stopper le projet de réacteur à eau lourde d'Arak. En échange, les six grandes puissances s'engagent à ne pas imposer de nouvelles sanctions au cours des six prochains mois, et les Etats-Unis estiment que l'allégement des restrictions existantes va permettre à Téhéran d'accéder à des milliards de dollars de revenus liés au pétrole, aux produits pétrochimiques, à l'or et au secteur automobile. Barack Obama, le président des Etats-Unis, a salué dimanche l'accord comme un «premier pas important» , mais a prévenu que Washington mettrait fin au bout de six mois à l'allégement des sanctions et «augmenterait la pression» si Téhéran ne respectait pas ses engagements. Dans le camp français, qui a manifesté son intransigeance lors de la précédente série de négociations au début du mois, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, s'est prudemment contenté de souligner que l'accord «exclut (...) tout accès à l'arme nucléaire» de la part de l'Iran. La présence à Genève des ministres américain, chinois, russe, français, britannique et allemand - John Kerry, Wang Li, Sergueï Lavrov, Laurent Fabius, William Hague et Guido Westerwelle - laissait croire depuis samedi à la proximité de l'accord. Satisfaction iranienne Le texte n'est que préliminaire et a pour but de permettre de rétablir pas à pas la confiance entre Téhéran et les grandes puissances après des décennies de tensions avec l'Occident. Les Etats-Unis et les pays européens soupçonnent l'Iran de chercher à se doter de l'arme nucléaire, alors que Téhéran dit que son programme n'a qu'une visée civile. Les négociateurs sont notamment parvenus dimanche à un compromis au sujet de la notion de droit à l'enrichissement d'uranium, revendiqué par l'Iran qui le considère comme une question de souveraineté nationale, et les diplomaties des différents camps ont chacune présenté comme une victoire le résultat final. Du côté iranien, Mohammad Javad Zarif, ministre des Affaires étrangères, a estimé que le programme atomique de son pays se voyait «reconnu» par l'accord, tandis que dans le camp américain, le secrétaire d'Etat John Kerry a souligné que l'accord ne faisait aucune mention d'un «droit» à l'enrichissement. John Kerry a en outre estimé que le texte rendait plus sûre la situation des alliés des Etats-Unis dans la région, notamment Israël, adversaire le plus ardent de l'Iran, dont le Premier ministre Benjamin Netanyahu a cependant dénoncé un «mauvais accord». Les efforts diplomatiques se sont accélérés après l'élection en juin du président Hassan Rohani, considéré comme un modéré, en particulier par rapport à son prédécesseur, le conservateur Mahmoud Ahmadinejad. «Le vote du peuple iranien pour la modération et un engagement constructif, plus les efforts incessants des équipes de négociation, vont ouvrir de nouveaux horizons», pouvait-on lire après l'annonce de l'accord sur un compte Twitter généralement reconnu comme la voix de Hassan Rohani. Israël dénonce un «mauvais accord» Alors que les relations américano-israéliennes traversent une crise, Kerry a affirmé qu''il n'y avait pas la moindre différence entre les États-Unis et Israël sur l'objectif final qui est que l'Iran n'aura pas de bombe nucléaire». La réaction de l'Etat hébreu ne s'est pas fait attendre: le bureau du Premier ministre Banjamin Netanyahu a dénoncé un «mauvais accord qui offre exactement ce que l'Iran voulait: la levée significative des sanctions et le maintien d'une partie significative de son programme nucléaire». Les cinq jours de négociations se sont déroulés dans un grand hôtel de Genève, où toutes les délégations résidaient. Les diplomates et experts du 5+1 ont négocié à partir de mercredi — après un échec près du but début novembre — avant d'être rejointes par chacun de leurs ministres. Avec l'Iran, les grandes puissances étaient en quête d'un accord intérimaire de six mois, apportant des garanties sur le caractère pacifique du programme nucléaire en contrepartie d'un allégement «limité» de sanctions qui étranglent l'économie iranienne. Le président Obama a assuré que les sanctions «les plus sévères continueront d'être appliquées», mais il a une nouvelle fois exhorté le Congrès à s'abstenir d'adopter de nouvelles mesures punitives contre Téhéran.