Le trafic des êtres humains à l'échelle internationale est devenu actuellement une grande problématique qui nécessite la réforme des lois du droit international, a souligné jeudi à Marrakech, la présidente du World Youth Parliament (WYP-Parlement international de la jeunesse), Sophie Ghilan, lors de l'ouverture de la 3ème édition de la conférence "Marrakech Model United Nations 2013" organisée sous le thème "le trafic des êtres humains à l'échelle internationale". Un rapport 2009 de l'UNODC ( un organisme de l'Onu sur la drogue et le crime) indique que, chaque année dans le monde, environ 12,3 millions de personnes, dont la plupart sont des femmes et des enfants, tombent entre les mains des trafiquants et deviennent ainsi victimes d'un marché ignoble. Ce rapport confirme que le commerce mondial d'êtres humains est aujourd'hui en hausse et qu'il génère des milliards de dollars au profit des trafiquants. Plusieurs pays en Afrique et dans le monde sont confrontés aux ravages de cet esclavage de l'époque moderne. Il importe d'abord de souligner que la question de la traite des êtres humains a commencé à attirer l'attention et à partir de la question de la traite des femmes. Elle était alors associée au phénomène de la « traite des blanches » qui avait été dénoncé avec vigueur par des réformateurs moraux et des féministes à la fin du XIXe siècle. Selon plusieurs analystes, le spectre de l'exploitation sexuelle des femmes serait réapparu en cette fin du XXe siècle mais, cette fois, sous une forme industrialisée et internationalisée. En d'autres termes, la « traite des blanches » se serait transformée en « trafic des femmes », l'accent étant mis sur les femmes du tiers- monde ou non-occidentales. Le stéréotype de la victime n'en demeure pas moins la jeune fille innocente séduite ou enlevée pour devenir une esclave sexuelle. Ces analystes, pour qui le travail sexuel en lui-même constitue une forme d'asservissement et de violence exercée contre les femmes, font appel à une lutte vigoureuse contre cette nouvelle forme de victimisation des femmes. Mais selon d'autres observateurs, le « trafic des êtres humains » ne saurait être assimilé unilatéralement à une forme moderne d'esclavage, ni réduit à la seule question de la prostitution. Tout simplement parce que cette idéation de la traite nie quelque forme d'autonomie chez les femmes. Du même coup, on rejette du revers de la main le travail dans l'industrie du sexe comme forme de gagne-pain et l'on réactive une fois de plus la différence entre les travailleuses du sexe et les autres femmes. EnDe plus, cette conception de la traite des femmes occulte les autres formes d'exploitation des femmes dans les secteurs du travail domestique, agricole, textile, des promises par correspondance, et des organes du corps humains. Enfin, si cette conception met en lumière l'exploitation sexuelle des femmes, elle ne prend pas en compte la question beaucoup plus large de la migration des travailleurs, hommes ou femmes . Il y aurait lieu de considérer la question de la traite des femmes dans l'ensemble de la problématique qui touchent les travailleurs migrants, hommes ou femmes.et par coDe prime abord on se heurten au débat autour des concepts de traite, d'entrée clandestine ( smuggling ) et même de crime organisé ou échanges d'êtres humains, marchandisation d'êtres humains etc. Autant de termes qui ajoutent à la confusion. D'où la nécessité pour plusieurs organismes gouvernementaux à faire le distinguo entre traite et entrée clandestine. Ils en veulent pour exemple la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée en 2000, et certaines conventions européennes. Une tendance observée au niveau des politiques et de l'adoption de mesures juridiques. Mais sur le terrain, nombre de chercheurs s'en détachent. Absence d'une définition consensuelle Notons enfin que si certaines définitions mettent l'accent sur la traversée de frontières dans le cadre d'activités de traite, d'autres considèrent que des individus peuvent être victimes de traite à l'intérieur même de leurs frontières nationales. L'absence d'une définition consensuelle de la traite est flagrante, au point que certains observateurs spécialistes de la question en ont recensé dans leurs études jusqu'à 22 définitions du concept de traite. Pour ne pas trop s'emmêler les pinces, on se limiterait à deux définitions : celle dite de de Wijers et Lap-Chew (1997) et celle de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (Nations Unies, 2000). Celle de Wijers et Lap-Chew (1997) touche spécifiquement à la traite des femmes et met en évidence la coercition comme élément pivot dans toute situation de traite. Formulée à partir d'une réflexion sur la traite des femmes, elle pourrait s'appliquer pour l'essentiel tant aux hommes qu'aux femmes. Qui plus est, elle distingue deux moments soit celui du recrutement et celui du contexte de travail : l'une et/ou l'autre peuvent faire l'objet de violence, de coercition. Ainsi, la traite des femmes s'assimilerait à tous les actes liés au recrutement et au transport d'une femme à l'intérieur et à l'extérieur des frontières d'un pays pour l'obliger à travailler ou à offrir ses services par le recours à la violence et aux menaces de violences, à la servitude pour dettes, à la duperie ou à d'autres formes d'asservissement. Alors que le travail forcé et les pratiques s'apparentant à l'esclavage pour leur part désignent le travail ou les services soutirés d'une femme, ou l'appropriation de son identité ou de sa personne physique, au moyen de violence ou de menaces de violence, d'abus de pouvoir ou d'une positon de domination, de servitude pour dette, de duperie ou d'autres formes d'asservissement. Celle de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée appelée aussi Convention de Palerme, renvoie à un contexte de lutte internationale contre les différentes activités du crime organisé parrainée par l'ONU. Pour elle, l'expression « traite des personnes » désigne le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation. L'exploitation comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes. Pour la Convention de Palerme, même le consentement d'une victime de la traite des personnes à l'exploitation envisagée, telle qu'énoncée ci dessus, ne peut être pris en compte lorsqu'il ya recours à l'un des moyens sus énoncés. Absence de cadre théorique A l'absence de consensus sur la définition, il y aurait lieu de déplorer l'absence d'un cadre théorique cohérent qui structurerait les réflexions et recherches empiriques sur la question. Mobilisés par l'absence cruelle d'information fiable sur la question et par l'indignation, beaucoup se limitent pour l'essentiel à décrire le phénomène, en précisant quels sont les acteurs et actrices impliquées, les routes, les pratiques, les conséquences et les moyens de lutte. Tandis que d'autres énumèrent les approches à partir desquelles le problème pourrait être abordé, en prenant soin de préciser qu'elles ne sont pas mutuellement exclusives. On en recenserait six approches : la traite pour fins de prostitution, dans un contexte de migration, comme enjeu dans le secteur du travail, comme problème criminel, comme un problème de droits humains, et finalement la traite des enfants. Certains chercheurs mettent en évidence que les approches choisies déterminent les stratégies qui seront utilisées pour faire face au problème. Elles identifient d'un côté les approches qui induisent des stratégies répressives et celles qui induisent des stratégies de renforcement du pouvoir. Lorsqu'on définit le problème de la traite comme un problème moral, criminel, de migration ou d'ordre public, on tend vers des solutions de contrôle ou de punition. Lorsqu'on définit le problème comme une question relative au travail ou aux droits humains, on peut répondre par des mesures positives. Elles font une mise en garde: s'inspirer de plus d'une approche à la fois peut entraîner des conséquences indésirables pour toute personne victime de traite. Mondialisation et délocalisation à l'index Quoiqu'il en soit, lorsque les auteurs font référence à une approche spécifique, ils en développent très peu les paramètres et rares sont ceux et celles qui campent bien leur analyse dans le cadre plus large du phénomène de la mondialisation et de son impact sur les populations. La littérature scientifique sur la migration des populations est également peu mise à contribution. Tout se passe comme si la question de la traite par sa nouveauté, son horreur et l'urgence de la combattre, se dressait unique, impossible à analyser à partir des schémas d'analyse déjà disponibles. Mais voyons les paramètres qui émergent de la littérature dans son ensemble. D'abord, nombre d'auteurs introduisent leur propos en signalant que le phénomène de la mondialisation constitue le cadre dans lequel s'est développée la traite des êtres humains depuis les 30 dernières années. Certains présentent un cadre d'analyse plus développé, et avertissent à escient que la production capitaliste a connu une restructuration globale durant cette période : le capital s'est déplacé vers les régions où la main-d'oeuvre est bon marché, les syndicats peu influents ou inexistants et les politiques d'emploi favorables au patronat. On a noté un accroissement marqué des emplois à temps partiel et du chômage tant dans les pays post-industriels que les pays « en développement ». Le pouvoir des gouvernements nationaux s'est érodé au profit des organismes internationaux comme la Banque mondiale, l'Organisation mondiale du commerce et le Fonds monétaire international. Plus d'un observateur met en exergue que les nouveaux arrangements internationaux ont mis à mal nombre d'économies nationales, entraîné le déplacement de populations rurales, provoqué une chute des salaires et augmenté la pauvreté. À travers cela, les programmes sociaux ont rétréci comme peau de chagrin pendant que les incitatifs à la consommation augmentaient... notamment au niveau de l'industrie du sexe, entre autres. Dès lors, si on ajoute à cela des contextes de restructuration politique, de guerre ou encore de terrorisme, on ne peut s'étonner des répercussions majeures parmi certains groupes de population, en particulier dans les pays du Tiers-Monde. Les femmes, note-on, sont particulièrement touchées si bien que l'Organisation internationale du travail estimait en 1996 que la féminisation de la migration internationale constituait l'un des phénomènes sociaux et économiques les plus notoire de ces dernières années. À partir de ce contexte général, il apparaît tout à fait pertinent de considérer la question de la traite à partir des paramètres associés à la migration des travailleurs et travailleuses. Il nous faut donc examiner d'une part les pressions exercées par les politiques et les conditions socio-économiques dans les pays du Tiers-Monde et, d'autre part, celles associées à l'attrait des pays riches et à leur demande en main d'oeuvre étrangère. Ici, on retrouve différentes analyses qui montrent bien comment les pays d'origine peuvent favoriser l'émigration et, de là, la traite, et comment les pays hôtes jouent à leur tour un rôle important au niveau du phénomène. Beaucoup tirent profit de la traite, même les Etats Ainsi, il y a lieu de signaler que la Thaïlande a encouragé l'émigration des travailleuses du sexe au Japon et en a récolté les fruits en terme d'entrées de devises. Le Philippine Women Centre of B.C. révèle une situation similaire pour les Philippines depuis les années 1970. De nos jours encore, le gouvernement philippin encourage toujours la migration des travailleurs et travailleuses. Mais il demeure toujours difficile de distinguer clairement la migration légale et la traite. Il semble plus économique et plus rapide, dans plusieurs région du monde de procéder à travers les canaux informels et souvent illégaux pour obtenir de la main-d'œuvre régulière, que de passer à travers les canaux officiels légaux. Il existerait, donc, une transition imperceptible entre le recrutement totalement transparent et documenté, et le mouvement des gens recrutés complètement à travers des réseaux criminels. Cela dépend d'une série de conditions du marché intérieur et extérieur. La même situation semble prévaloir en Europe pour l'obtention des services de travailleurs étrangers. Du côté des pays hôtes, les analystes notent que la consommation maintenant promue au statut de valeur suprême, a empesé la demande en biens et services. D'abord, en matière de services domestiques, dont les besoins se sont accrus en réponse aux exigences associées aux foyers à double carrière. En Europe, on a également enregistré une augmentation du recours au travail informel dans les secteurs agricole, textile, de la mode et de la construction, sans oublier l'industrie du sexe. Même aux États-Unis, on a noté la résurgence d'ateliers clandestins en agriculture, dans la production alimentaire, le développement des terres y compris la construction résidentielle et commerciale, le tourisme, l'industrie légère, le transport, le commerce au détail, la santé, les services domestiques et surtout l'industrie du vêtement. En d'autres termes, toute une économie parallèle recrute des immigrants illégaux afin d'assurer une production tout à fait légale et compétitive en matière de coûts. Les profits sont partagées par des organismes officiels ou semi-officiels, des groupes criminels ou encore par les trois. La traite profiterait donc à des secteurs non négligeables des économies du premier monde. On peut donc apprécier de façon globale les facteurs qui poussent vers l'émigration, les facteurs qui attirent des groupes de population vers des pays étrangers et les restrictions en matières de réseaux légaux d'émigration ou d'immigration. Ces paramètres favorisent l'organisation et le recours à des pratiques parallèles et de là, à l'exploitation et à la traite. Pour appréhender la question de la traite sur le terrain, la plupart des démarches de recherche ont mis l'accent sur le « trafic » comme activité commerciale (illégale). Une telle approche sert les analyses en termes de problèmes de migration, d'ordre public, d'activités du crime organisé, ou de conduites immorales. Certains chercheurs ont proposé un modèle d'analyse fondé sur cette approche et considèrent que la migration internationale est un commerce à grand budget qui procure des milliers d'emplois à travers le monde et qui est géré par des individus et des institutions qui ont tout intérêt à ce qu'elle progresse. Pour eux, la traite qui renvoie à la partie illégale de ce négoce, est un système intermédiaire qui favorise le mouvement entre les pays d'origine et les pays d'accueil. Ils mettent ainsi l'accent sur le processus de traite des individus et identifient trois étapes : celle de la mobilisation, dans le cadre duquel les immigrants sont recrutés dans les pays d'origine; celle de la mise en œuvre qui renvoie au processus de transport des individus et finalement celle de l'insertion et de l'intégration des personnes dans le pays d'accueil. Ce modèle d'analyse ne tient pas compte, du moins dans sa première formulation, de l'effritement des frontières entre les activités illégales et légales que plusieurs ont identifiées comme données importantes du phénomène. On retrouve également dans la littérature une dénonciation généralisée et vigoureuse du traitement inhumain réservé à nombre d'immigrants victimes de traite. Certains observateurs définissent d'ailleurs et avant tout le problème de la traite comme un problème associé au travail et au respect des droits humains. Ils documentent la vulnérabilité des immigrants devant les responsables de la traite bien sûr, mais aussi devant les différents acteurs sociaux (forces de l'ordre, employeurs etc.) du pays d'accueil et dénoncent le traitement qui leur est réservé. Pour certains, les pratiques dénoncées s'apparentent à des formes modernes d'esclavage Par ailleurs, en présentant la question à partir du sort réservé aux personnes ciblées par la traite, certains observateurs les présentent comme des victimes totales qui ont été le jouet d'individus profiteurs et sans scrupules. Cette approche manichéenne laisse les victimes sans voix pour expliquer le sens de leur démarche et réduit largement la portée du problème de la traite des personnes. Cette question est particulièrement cruciale en ce qui concerne le secteur des services sexuels où une polémique fait rage sur le sens à donner à la traite des femmes. Pour certains et certaines, la pratique même des services sexuels constitue une forme d'exploitation et donne un sens à l'expérience des femmes. D'autres, considèrent que les travailleuses de l'industrie du sexe ne sont pas victimes d'esclavage mais comme les autres travailleurs dans les secteurs informels et dévalorisés du monde du travail, elles doivent lutter contre différentes formes d'abus dans leurs conditions de travail. C'est d'ailleurs les lois contre les pratiques dans l'industrie du sexe qui augmentent leur stigmatisation et leur vulnérabilité.