Pour ses collègues de la concession Maserati de Nice (dont son directeur Roland Giraud) ou pour sa fiancée Valérie Benguigui, il est Dino, un Italien caricatural avec costumes de prix et dégaine de séducteur latin. Personne ne sait qu'il s'appelle Mourad, ni qu'il est né en Algérie. Et ses parents croient qu'il mène une brillante carrière en Italie. Tout aurait pu continuer si son père ne lui arrachait le serment de suivre le ramadan, ce qui entraine une cascade de quiproquos, confusions et situations embarrassantes. Au commencement, le scénario de "L'Italien" n'était pas une comédie. Mais quand Olivier Baroux l'a reçu et en a parlé à Kad Merad, son complice de toujours y a reconnu bien des choses : son propre père, algérien, s'est longtemps fait appeler d'un prénom français dans son travail et il a lui-même raccourci son prénom de Kaddour en Kad, moins directement connoté maghrébin. Et, de fait, cette situation du type qui se fait passer pour un Blanc « normal » sans l'être a aussi inspiré des œuvres d'une noirceur atroce, comme "Danny Balint", film de Henry Bean (2001) inspiré d'une histoire vraie. Danny Balint (incarné par le saisissant Ryan Gosling) est un skinhead newyorkais de vingt-deux ans qui milite dans un groupuscule nazi et se livre avec furie à la violence antisémite. Quand un journaliste révèle son effarante histoire, il n'a d'autre issue que le suicide. Parfois un peu didactique, Danny Balint est une plongée dans les ressorts les plus secrets de la haine raciale et, à ce titre, a été couronné par le Grand prix du festival international de Sundance. Pour autant, ce pitch aux possibilités infinies a surtout inspiré des comédies. La plus chère au cœur des Français est sans doute "Les Aventures de Rabbi Jacob", classique des classiques de Gérard Oury (1973) avec Louis de Funès, grand patron raciste qui doit, pour sauver sa peau, endosser le chapeau, les papillotes et le rôle d'un rabbin. Grands moments de génie comme la danse hassidique (« silonce, silonce, rabbi Jacob elle va donser ! ») ou la célébrissime conversation avec le chauffeur Salomon (Henri Guybet) : « Vous êtes juif ? Comment Salomon, vous êtes juif ? Salomon est juif. Oh ! – Et mon oncle Jacob qui arrive de New York, il est rabbin. – Mais il est pas juif ? – Ben si ! – Mais pas toute votre famille ? – Si ! – Écoutez, ça ne fait rien, je vous garde quand même. » Sorti en pleine guerre de Yom Kippour, le film a sans doute fait beaucoup pour dédramatiser l'atmosphère de l'époque, tout en semant quelques graines d'amitié entre frères ennemis du Moyen-Orient. Plus récemment, "Agathe Cléry" d'Étienne Chatiliez (2008) s'amuse aussi d'une belle série de faux-semblants. Valérie Lemercier incarne une executive woman raciste, soudain victime de la maladie d'Addison, dysfonctionnement des glandes surrénales qui fonce la peau. Rejetée de partout puisque devenue noire, elle n'a pour seule solution que de se faire embaucher dans l'entreprise d'un businessman noir (Anthony Kavanagh) qui refuse d'embaucher des Blancs. Elle est pauvre et noire, il est riche et blanc. Pourtant, Daniel Auteuil tombe éperdument amoureux de Firmine Richard dans "Romuald et Juliette" de Coline Serreau (1989). Une comédie plus belle et plus grande que la vie elle-même, au point même que la critique a beaucoup parlé, à sa sortie, d'un conte de fée. Mais on reste longtemps attendri après le mot « Fin ». Presque aussi optimiste sur la capacité des humains à aller au-delà des différences de couleur de peau, le grand classique "Miss Daisy et son chauffeur" de Bruce Beresford (1989) avec Jessica Tandy en vieille dame riche, acariâtre et subtilement raciste, et son Morgan Freeman en chauffeur noir humble mais ferme. Une exemplaire histoire d'humanité, qui donnera à Morgan Freeman ses galons de grand acteur préposé aux grandes causes. Ainsi est-ce lui qui incarne Nelson Mandela en président de la nouvelle démocratie sud-africaine dans "Invictus", le récent film-hymne de Clint Eastwood (2010). Autre personnalité du cinéma américain, autre figure du combat contre l'apartheid, Denzel Washington incarne Steve Biko dans "Cry Freedom-Le Cri de la liberté" de Richard Attenborough (1987). Un destin à la fois dramatique et sublime, un acteur magnifique de puissance et de conviction.