Marrakech, 24 oct. 2013 -(MAP)- Des experts de différentes nationalités ont plaidé, jeudi à Marrakech, pour la réhabilitation et la préservation des techniques traditionnelles de mobilisation des ressources en eau, telle la technique ancestrale Khettara (galeries souterraines de drainage d'eau), particulièrement adaptée aux zones semi-arides au Maroc et dans plusieurs autres pays arabes. Réunis dans le cadre d'un séminaire international sur "les techniques traditionnels de mobilisation des ressources en eaux'', les experts se sont particulièrement intéressés aux réseaux des khettara dans les zones à climat semi-aride et les régions oasiennes où cette technique a prouvé, durant des centaines d'années, une utilisation durable des ressources hydriques et une gestion intégrée de cette ressource vitale particulièrement adaptée aux écosystèmes fragiles pré-désertiques. Les intervenants ont été unanimes à affirmer que, malgré les progrès réalisés dans le domaine de mobilisation de l'eau, la technique des Khettara est susceptible de continuer à jouer un rôle de grande importance dans la mobilisation des eaux dans les régions semi-désertiques. Ils ont appelé, à cet effet, à la réhabilitation des réseaux des Khettara, dont une grande partie a été vouée à l'abandon au profit des techniques modernes, onéreuses et à fort impact d'amenuisement sur les ressources en eau souterraines. Intervenant sur le thème "Leçons des Khettara de Marrakech, du Maroc et du monde arabe", M. Mohamed El Faiz, enseignant chercheur à l'université Cadi Ayyhad de Marrakech, a rappelé que l'usage de la technique des Khettara au sud du Maroc remonte au début du 11ème siècle et joué un rôle primordiale dans le développement de la cité ocre. Le premier réseau de Khettara a été conçu à Marrakech en 1106 par Oubid Allah Ibn Youssef, un ingénieux bâtisseur venu d'Andalousie, a-t-il souligné, précisant que ce système de drainage d'eau s'est rapidement développé durant le règne des Almohades et des dynasties qui lui succèdent. Selon M. El Faiz, au début du 20è siècle, les Khettara jouaient toujours un rôle essentiel dans la région et se trouvent régis par le Dahir de 1914. Les ingénieurs de la période coloniale ont même instauré le cadastre des Khettara. Le déclin de cette technique traditionnelle a commencé, selon M. El Faiz, dès les années 50 avec une orientation vers la grande hydraulique qui, malgré les progrès qu'elle avait permis en agriculture et urbanisation, a toutefois engendré une surexploitation de la nappe d'El-Haouz. Dans la région d'El-Haouz, l'on recensait au début du siècle dernier 130 Seguia et Khettara avec 5000 km de galeries et canaux qui permettent l'irrigation de plus de 150.000 ha, a-t-il rappelé. Et d'affirmer que la technique des Khettara est toujours viable actuellement et revêt un intérêt écologique certain puisqu'elle permet une exploitation rationnelle de la nappe, avec moins de perdition d'eau et un faible coût de réalisation. Il a ainsi appelé à recenser les réseaux des Khettara, dont la plupart ont disparu ou sont à l'abandon, à les réhabiliter et les préserver en tant que patrimoine du pays. Et d'appeler, à cet effet, à initier une coopération entre les pays arabes qui disposent d'un tel patrimoine. Pour sa part, Alexandre Otte, expert-consultant de l'Unesco, a souligné que 85 pc de la population mondiale vit dans la moitié la plus sèche du globe, que 780 millions d'êtres humains n'ont pas accès à l'eau potable, et que 6 à 8 millions de personnes meurent chaque année à cause de maladies liées à la salubrité des eaux. C'est pour cette raison que l'Unesco a déclaré 2013, année internationale de la coopération dans le domaine de l'eau, a-t-il dit. L'expert de l'Unesco a estimé que les techniques traditionnelles de mobilisation des ressources eaux, telle les Qanat ou les Khettara, ont fait leur preuves par le passé et qu'elles sont en mesure de jouer un rôle dans le présent et l'avenir. Qanat et Khettara constituent un moyen d'exploitation rationnelle et optimisé des ressources en eau souterraines dans les régions arides, a-t-il assuré, annonçant la création prochaine d'une chaire-Unesco sur les techniques traditionnelles d'exploitation des eaux. Pour sa part, M. Samir Bensaid, directeur de l'Institut International de l'eau et de l'assainissement (IEA, ONEE), a exprimé le souhait que cette rencontre contribue à une concertation entre experts de différentes nations pour évaluer la vulnérabilité des techniques traditionnelles (Khettara, qanat, aflaj, ) et envisager les mesures nécessaires pour la sauvegarde de ce patrimoine hydraulique parfaitement adapté aux besoins des régions semi-arides. Ces techniques traditionnelles offrent une alternative viable pour les régions semi-arides et permettent la lutte contre la surexploitation et la salinisation des eaux souterraines, a-t-il souligné. Il s'est félicité, à cette occasion, de la coopération avec les Pays-Bas à travers des recherches appliquées pour la modélisation hydraulique des Khettara et la recharge artificielle des nappes de la région d'Errachidia. Le séminaire, organisé par l'IEA et l'association international de l'eau (IWA), connait la participation d'experts universitaires et d'organisations internationales d'une vingtaine de pays. La rencontre s'assigne pour objectif d'apporter des réponses aux préoccupations critiques auxquelles font face les systèmes traditionnels de mobilisation des ressources en eaux. Les différentes questions de cette rencontre seront abordées dans une perspective interdisciplinaire couvrant les aspects technologique, social, culturel, économique et de gouvernance.