En ce début d'année scolaire, le récent discours royal du 20 août 2013, consacré au secteur de l'éducation nationale, est plus présent que jamais dans la réflexion politique sur les questions relatives à ce secteur, promettant par sa haute teneur, ses remarques et ses orientations pertinentes de constituer une plateforme pour la poursuite de cette politique conformément à ces orientations. Sa Majesté y a soulevé des questions majeures auxquelles est confronté ce secteur, dont celle « pressante qui demeure posée » : « ...comment se fait-il qu'une frange de notre jeunesse n'arrive pas à réaliser ses aspirations légitimes aux niveaux professionnel, matériel et social ? « Le secteur de l'éducation est en butte à de multiples difficultés et problèmes, dus en particulier à l'adoption de programmes et de cursus qui ne sont pas en adéquation avec les exigences du marché du travail. Ces écueils sont imputables également aux dysfonctionnements consécutifs au changement de la langue d'enseignement dans les matières scientifiques. Ainsi, l'on passe de l'arabe, aux niveaux primaire et secondaire, à certaines langues étrangères dans les branches techniques et l'Enseignement supérieur. Ce changement implique, à l'évidence, l'impératif d'une mise à niveau linguistique de l'élève ou de l'étudiant pour qu'il puisse suivre utilement la formation qui lui est dispensée. SM le Roi a précisé que la situation actuelle du secteur de l'éducation et de la formation nécessite de marquer une halte pour un examen de conscience objectif permettant d'évaluer les réalisations accomplies et d'identifier les faiblesses et les dysfonctionnements existants. Il convient à cet égard de rappeler l'importance de la Charte nationale d'Education et de Formation, qui a été adoptée dans le cadre d'une approche nationale large et participative. SM le Roi a affirmé que les gouvernements successifs se sont attachés à mettre en œuvre les préconisations de cette charte, surtout le gouvernement précédent qui a déployé les moyens et les potentialités nécessaires pour mener à bonne fin le Plan d'urgence, dont il n'a, d'ailleurs, entamé la réalisation qu'au cours des trois dernières années de son mandat. Malheureusement, les efforts nécessaires n'ont pas été entrepris pour consolider les acquis engrangés dans le cadre de la mise en œuvre de ce Plan. Pire encore, sans avoir impliqué ou consulté les acteurs concernés, on a remis en cause des composantes essentielles de ce plan, portant notamment sur la rénovation des cursus pédagogiques, le programme du préscolaire et les lycées d'excellence. Pour toutes ces considérations, le gouvernement actuel aurait dû capitaliser les acquis positifs cumulés dans le secteur de l'éducation et de la formation, d'autant plus qu'il s'agit d'un chantier déterminant s'étendant sur plusieurs décennies. En effet, il n'est pas raisonnable que tous les cinq ans, chaque nouveau gouvernement arrive avec un nouveau plan, faisant l'impasse sur les plans antérieurs, alors qu'il ne pourra pas exécuter le sien intégralement, au vu de la courte durée de son mandat. Par conséquent, le secteur de l'éducation ne doit pas être enserré dans un cadre politique stricto sensu, pas plus que sa gestion ne doit être l'objet de surenchères ou de rivalités politiciennes. Nous avons cité ces extraits du discours royal du 20 août 2013 qui tracent quelques lignes essentielles des orientations royales dans le domaine de l'éducation. Nous avons présenté, dans notre édition du week-end dernier, la première partie de l'étude du Conseil Economique et Social et du Conseil supérieur de l'enseignement (Instance nationale d'évaluation) intitulée « Employabilité des jeunes : Les voies et les moyens, - Agir sur le chômage et s'engager pour l'emploi qualifié » Cette étude se situe dans le cadre des réflexions et analyses menées dans les domaines de l'éducation, de la formation et de l'emploi, questions évoquées dans le discours du 20 août 2013. Nous avons écrit que de telles réflexions sur ces questions fondamentales se situent dans la continuité des politiques et actions à mettre en œuvre et la logique de la consolidation, du renforcement et de l'évaluation de celles-ci tout en procédant aux réexamens et reformulations nécessaires à propos de plusieurs hypothèses et concepts établis. L'étude du CESE/CSE emprunte des voies rationnelles pour arriver à son objectif et révèle dans ses phases essentielles des constats sur lesquels il convient de jeter un éclairage et de rappeler, à la lumière de l'analyse qui les dégage, avec les recommandations formulées au terme de celles-ci. Dans la première partie de l'étude intitulée « Le Maroc en projet », la perspective poursuivie par celle-ci prend en compte les changements liés au contexte à la fois international et national et rappelle qu'au niveau international, il y a lieu de considérer les principes déclinés dans l'Agenda de l'OIT relatifs au concept de travail décent. Elle note qu'au plan national, la nouvelle Constitution, votée le 1er juillet 2011, place, pour la première fois au Maroc, le principe d'emploi décent et l'engagement des pouvoirs publics à assurer les conditions d'une « vie décente » à l'ensemble des citoyens au cœur du corps des « libertés et droits fondamentaux » (article 31). S'agissant de la deuxième partie relative à l'examen de la question de l'emploi des jeunes, l'étude commence par un réexamen de la question du chômage et de l'employabilité des jeunes au plan à la fois théorique et méthodologique. Nous en donnons, ci-après, le contenu. Le concept d'insertion suggère l'hypothèse que les mouvements constatés sur le marché du travail des jeunes sont spécifiques et qu'ils nécessitent non seulement un cadre d'analyse et un système d'observation adaptés, mais aussi des politiques publiques spécifiques. Théoriquement, le caractère spécifique de l'emploi des jeunes n'est pas démontré. Cela nécessiterait la mise en œuvre de tests de segmentation du marché du travail par générations sur les quels la littérature demeure encore fort controversée. Les travaux de recherche spécifiques aux jeunes sont plutôt le fruit d'un consensus autour de deux constats: la complexité progressive du processus d'insertion d'une part, le besoin d'évaluer l'intervention publique en matière d'aide à l'insertion de l'autre. L'un des buts de l'étude du CESE/CSE est d'examiner les facteurs qui dégradent le capital humain des jeunes et contribuent à la formation de « barrières» à l'accès aux «bons» emplois, décents et bien rémunérés. Dans ces conditions, l'insertion est évaluée par l'appréciation ou la dégradation du capital humain et non par le taux et la vitesse d'insertion. Le salaire peut d'ailleurs devenir une variable clé dans cet exercice. Le problème des barrières à l'entrée sur le marché de l'emploi revêt des caractéristiques particulières pour la population concernée: celle des sortants du système de formation professionnelle comprenant une majorité de jeunes ayant échoué ou abandonné l'enseignement scolaire. La formation professionnelle est, en l'occurrence, censée permettre le développement de leurs compétences et de leur assurer une employabilité durable et de qualité. Dans ces conditions le système de formation professionnelle peut être assimilé à une série de mesures d'aide à l'insertion adaptées aux profils et aux niveaux des sortants de l'enseignement scolaire. Il s'agit alors de savoir si ces mesures sont efficaces au maintien et à l'amélioration du niveau du capital humain initial ou, à l'inverse, si elles ne sont qu'une alternative au chômage et à l'inactivité contribuant, au même titre que ces états, à la dégradation de la situation des jeunes. Les résultats de la présente étude montrent que «l'investissement» dans la formation professionnelle n'implique pas nécessairement d'effets significatifs en termes d'amélioration de la qualité des emplois. Et, en règle générale, on aboutit à un effet vraisemblablement opposé aux objectifs de la politique d'emploi des jeunes. Le passage par la formation professionnelle crée des « effets de retour négatifs » (voir plus loin) et contribue au renforcement des barrières à l'entrée des «bons emplois». La formation professionnelle intervient, en effet, comme un second filtre et confirme celui opéré par le système éducatif. Cette conclusion fait écho au constat plus général quant à la consistance du filtre auquel aboutissent des systèmes éducatifs comme le notre. On définit l'insertion comme un processus dont l'analyse nécessite des données longitudinales et une extension de modèles non linéaires à ces dernières. L'objectif est de démontrer que l'accès des jeunes à l'emploi s'explique par les conditionnements complexes qui existent entre leur mobilité professionnelle en début de vie active et leurs acquis scolaires. Les variables explicatives d'un processus d'insertion renvoient, par conséquent, à l'usage de deux types d'informations: initiales et longitudinales. Ce qui permet de tenir compte d'une éventuelle liaison directe entre conditions initiales et insertion plusieurs années après la fin de la formation initiale. Les débats théoriques opposent sur ce terrain la théorie du capital humain et la version dualiste de la théorie de la segmentation sur la valeur du diplôme et les conséquences du comportement «stratégique» ou «subi» en matière des premières insertions. Ils concernent la question empirique suivante: pourquoi deux individus qui disposent, au départ, du même capital humain observé, se retrouvent-ils ensuite dans des positions différentes sur le marché du travail? La description de la position peut être multidimensionnelle : chômage, chômage de longue durée, emploi et ses attributs (type de contrat, salaire, stabilité, qualité du travail, contenu en formation, perspectives de carrière). Plusieurs arguments, opposés, peuvent être avancés pour privilégier soit le déterminisme par le marché du travail, soit déterminisme par le capital humain initial observé et non observé. On peut, bien évidemment, souligner que c'est la partie non observée du capital humain ou les capacités individuelles non observables qui vont faire la différence dès la première insertion. Mais on doit signaler que des capacités individuelles différentes, pour deux individus possédant un même diplôme, peuvent ne pas jouer un rôle déterminant auprès de l'employeur. D'un autre point de vue, la partie non mesurée du capital humain peut être soumise à une dégradation rapide, surtout dans le contexte marocain, par les effets de retour négatifs dus à certains états parcourus sur le marché du travail. En forçant le trait, on peut même envisager deux cas de figure opposés: dans le premier, on peut soutenir l'idée selon laquelle le rôle du capital humain initial et le capital humain non observé diminuent au fur et à mesure que le temps passe. Dans le second, le capital humain non observé serait le facteur primordial expliquant à la fois le niveau de scolarité et, en permanence, les états parcourus sur le marché du travail. Adoptant une position intermédiaire, on peut penser que les capacités individuelles ou le capital humain non observé seront progressivement «absorbés» par la trajectoire des jeunes diplômés sur le marché du travail, le diplôme et la trajectoire donnant l'information suffisante pour que l'entreprise prenne la décision d'embauche et de niveau de salaire correspondant. En tout état de cause, la question centrale est de savoir si les «dépendances entre états» sur le marché du travail peuvent progressivement épuiser le rôle que jouerait la formation initiale, à travers ses effets permanents sur la trajectoire d'un jeune diplômé. Autrement dit, y a-t-il des situations pour lesquelles les différents « états » vécus par une population de jeunes sur le marché du travail soient les seuls déterminants de son processus d'insertion? La « dépendance d'état» a un effet déterminant si, par exemple, la transition par le chômage, dans le passé, explique le chômage actuel. Dans ce cas, il y a lieu d'envisager des mesures générales consistant à réduire le risque du chômage pour l'ensemble de la population. L'hétérogénéité individuelle est prédominante si les caractéristiques individuelles observées et/ou non observées (en termes de capital humain, de milieu familial, etc.) expliquent le risque pour certains jeunes de se retrouver dans des états précaires en début de vie active. Dans ce cas, l'Etat doit cibler les politiques publiques en matière d'éducation et de formation. L'insertion en termes de temporalités Penser le processus d'insertion en termes de temporalités rejoint ces préoccupations. Les temporalités sont au nombre de quatre: (a) archéologique pure (hétérogénéité non observée), (b) archéologique (acquis scolaire), (c) processuelles (les états parcourus par l'individu sur le marché du travail), (d) structurelle (le poids de la conjoncture économique). Ainsi, un jeune doté d'un ensemble de caractéristiques personnelles (a), sort du système de formation avec un ensemble de caractéristiques scolaires (b), dépendantes de (a). L'ensemble des variables (a) et (b) constitue le « donné archéologique» de l'individu au moment de son entrée sur le marché du travail. Au moment de l'évaluation de sa probabilité d'être au chômage, par exemple, il a acquis sur le marché du travail un nouvel ensemble de caractéristiques décrivant les états successifs qu'il a traversés. Ces nouvelles caractéristiques relèvent de l'ensemble (c), dépendant de (a) et (b). Elles constituent « l'acquis processuel» de l'individu. Dans la mesure où connaît à la fois le parcours des jeunes depuis leur sortie de l'école et le type de qualification qu'ils ont acquis dans le dispositif de formation, il devient possible d'évaluer l'effet des variables (b) et (c) et de vérifier l'effet des deux instances d'orientation que sont l'école et le marché du travail. Cette évaluation doit, bien entendu, tenir compte de l'état de la situation économique (d). Toutes ces interrogations nécessitent la mise en œuvre d'une approche longitudinale du processus d'insertion. Si la double influence de la scolarité initiale et de l'expérience professionnelle semble acquise en matière de détermination des salaires, elle est, en revanche, moins évidente dès lors qu'il s'agit de la probabilité d'être en emploi au sens où l'expérience est maintes fois retenue comme seul élément déterminant de l'insertion professionnelle. Certains travaux obtiennent comme résultat que la détention d'emplois temporaires s'explique plus par l'âge et le secteur d'activité que par le diplôme. Les auteurs utilisent l'âge comme une variable proxy de l'expérience sur le marché du travail. Ils constatent que « l'effet du diplôme s'estompe progressivement avec l'âge» et que l'ancienneté dans l'emploi occupé est aussi faiblement expliquée par le diplôme. Toutefois, ces résultats ne prennent pas en compte l'hétérogénéité individuelle non observée, ni l'effet des conditions initiales sur les acquis successifs sur le marché du travail. En effet, dès lors que l'on souhaite expliquer la probabilité pour un jeune d'être dans un état à différents moments de son itinéraire, estimer autant de modèles que de dates retenues empêche de prendre en compte l'hétérogénéité individuelle non observée et/ou non observable. Lire la trajectoire des jeunes à travers les résultats des ces différents modèles ne permet pas d'en saisir véritablement le sens : la relation séquentielle entre les différentes variables tout au long du parcours sur le marché du travail n'est pas appréhendée. Si l'on se borne, en outre, à expliquer un état du marché du travail à la dernière des dates retenues, l'effet des variables changeant dans le temps (mobilité en début de vie active par exemple) a tendance à être surestimé par rapport à l'effet des variables constantes dans le temps. En fait, plus la date à laquelle on décide d'expliquer le risque de se retrouver dans un état particulier s'éloigne de la date de sortie du système de formation, plus l'effet des variables ne variant pas dans le temps (diplôme par exemple) tend à s'estomper. La porte est alors ouverte à des interprétations tendant à minimiser le rôle de la formation initiale délivrée par le système éducatif. Mais une telle interprétation repose sur une mauvaise appréciation des effets combinés des variables mises en jeu, résultant d'une mauvaise spécification du modèle statistique. L'estimation d'un modèle unique, qui viserait à expliquer la probabilité d'être dans un état aux différentes dates choisies, mais qui ne tiendrait pas compte de l'hétérogénéité individuelle non observée et/ou non observable aboutirait, de même, à des interprétations faussées. En effet, postuler l'homogénéité individuelle reviendrait à émettre une hypothèse implicite d'indépendance des effets des variables omises par rapport aux variables explicatives du modèle. L'hétérogénéité individuelle non observée et/ou non observable est considérée comme faisant partie du résidu, indépendant des variables explicatives du modèle: tel ne saurait -a priori- être le cas. Cette hypothèse, généralement non vérifiée mais nécessaire pour l'estimation de modèles sur données en coupe, conduit inévitablement à des estimateurs biaisés. Or, l'un des avantages des données longitudinales réside précisément dans la possibilité de décomposer le résidu du modèle: alors qu'une partie relève de l'hétérogénéité individuelle, l'autre est purement aléatoire et indépendante des variables explicatives. Il devient alors possible de contrôler l'effet des variables omises pour aboutir à une évaluation satisfaisante des effets des autres variables. C'est en partant de ces remarques intuitives que nous avons jugé nécessaire d'adapter les modèles à variables qualitatives au cas longitudinal. Seule cette piste peut permettre, en effet, une évaluation satisfaisante du rôle respectif de l'acquis scolaire et de l'expérience sur le marché du travail dans le processus d'insertion des jeunes diplômés. Segmentation du marché du travail: les coûts d'entrée Dans la version dualiste de la théorie de la segmentation, c'est le fonctionnement de la structure du marché du travail qui explique les barrières à l'entrée des emplois localisés dans le primaire donnant lieu à une segmentation du marché à long terme. L'originalité de cette théorie réside moins dans la reconnaissance de différenciations entre types d'emplois et catégories de main-d'œuvre, ou d'une concentration de catégories infériorisées sur des «mauvais emplois», que dans l'existence de barrières constituant des obstacles pour accéder aux« bons emplois» et se renforçant au fil du temps. Ainsi d'une période à une autre, la structure dualiste du marché est reproduite. De là procède la nécessité d'utiliser des données longitudinales pour prendre en compte la trajectoire des jeunes sur le marché du travail. Cependant, à supposer que l'on partage ce point de vue, force est de constater que la mise au point d'un test pour démontrer l'existence de telles barrières sur données longitudinales pose, au préalable, des problèmes délicats et parfois insolubles de spécification et d'estimation. De manière générale, on peut recenser trois approches, différentes des propositions alternatives des modèles d'appariement, qui permettent d'expliquer le dualisme. La première renvoie à l'étude du mode de fonctionnement des marchés internes. La deuxième correspond aux « effets de retour négatifs» auxquels l'individu est exposé lors de son passage par le marché dit secondaire ou des «mauvais emplois ». La troisième combine les deux précédentes. La notion d' « effets de retour négatifs» permet d'envisager l'explication de l'allocation de la main-d'oeuvre ex post et le phénomène des barrières à l'entrée dans les emplois de qualité. Ces effets de retour renvoient à la relation existant entre la première expérience d'un individu sur le marché du travail et son dernier comportement observé. L'existence des barrières est une réponse à l'argument de la théorie du capital humain relatif à la possibilité, pour des individus occupant des emplois « secondaires», d'accéder aux emplois stables et bien rémunérés par l'amélioration de leur stock de capital humain. Dans cette optique, les programmes d'aide à l'insertion paraissent inadéquats et peu susceptibles d'éliminer ces barrières. La solution efficace résiderait plutôt dans des politiques de soutien aux revenus associés aux emplois précaires afin de stabiliser la demande globale d'une économie et arrêter l'extension du marché de ce type d'emplois. Les barrières dont il est question sont endogènes: elles sont créées par l'existence du « marché secondaire» (emplois précaires et instables) et traduisent l'existence « d'effets de retours négatifs» sur ce dernier. Ces effets renvoient à une causalité dont le mécanisme fonctionne dans le sens «mauvais emplois (implique) mauvais travailleur» : les emplois instables ne peuvent que contribuer à la dégradation de la qualification des travailleurs. L'emploi dans le « marché primaire» (emplois stables et mieux rémunérés) étant rationné, les entreprises y embauchent, à partir d'une « file d'attente », des travailleurs n'envoyant pas de « signaux» négatifs quant à leur qualification. Le «marché secondaire» ne récompense pas le capital humain et ne permet pas aux travailleurs d'accéder à la formation ou d'avoir une expérience professionnelle transférable et reconnue sur le marché du travail. Le niveau du salaire y est faible et peu sensible aux acquisitions éventuelles du capital humain. Un passage préalable par les emplois offerts sur ce segment va augmenter la probabilité future pour que l'individu se retrouve dans une situation de précarité. Au bout du compte, les travailleurs «coincés» dès le début de leur vie active dans les emplois de ce secteur ne parviennent plus à rattraper en termes de salaire et de qualification, ceux ayant pu obtenir un emploi stable et mieux rémunéré associé au « marché primaire. » Ne disposant guère de modèle à même de déterminer le niveau de mobilité professionnelle ou salariale qui soit compatible avec l'hypothèse de la théorie du capital humain ou avec celle de la segmentation, on est forcé de procéder, dans la plupart des cas, à des approximations. De manière générale, il s'avère difficile de tester rigoureusement les « effets de retour. » On peut, cependant, faire l'hypothèse, beaucoup plus simple à tester, que la fonction d'utilité d'un individu dépend, de façon retardée, de son expérience sur le marché du travail. En termes économétrique, cela revient à tester l'existence d'une dépendance d'états : la situation d'un ndividu, à un moment donné, s'explique par les états parcourus dans le passé. On considère alors que l'expérience a des effets qui perdurent dans le temps. Sous cet angle, on considère que le modèle du capital humain peut être interprété comme un modèle d'effets de retour. Car, comme tout autre bien durable, l'introduction du capital humain dans un modèle implique que les événements du passé influencent le comportement de la période courante. Il reste cependant très difficile d'identifier, de manière séparée, l'effet du capital humain en tant que tel, surtout s'il ne prend pas une forme bien explicite (exponentielle, par exemple), et l'effet de retour qu'implique le passage par les emplois. De façon schématique, on peut considérer qu'un effet de retour négatif peut refléter une situation dans laquelle un individu est censé accumuler du capital humain (un emploi précaire, une mesure d'aide à l'insertion) mais qui se solde par un impact négatif sur son salaire ou qui aboutit à une dégradation de sa chance de retrouver un emploi de «bonne qualité». D'autres difficultés apparaissent quand il s'agit de tester la segmentation à partir de l'estimation de fonctions de gains distinctes. Elles sont exposées dans ce qui suit, le but ultime étant d'aboutir à une démarche plus appropriée et plus flexible. La théorie de segmentation ne semble pas avoir aujourd'hui pu définir des hypothèses «empiriquement testables» pour l'identification des segments du marché du travail. Les tests qui sont fondés sur des estimations de fonctions de gains distinctes présentent certaines ambiguïtés qui n'ont pas toutes été levées. Ces ambiguïtés renvoient, en particulier, à la formulation du test du dualisme et à tous les problèmes qu'il faut signaler à propos de la relation éducation salaire. En effet, les premiers travaux dans ce domaine ont, tout d'abord, consisté à appliquer la méthode des moindres carrés ordinaire (OLS) sur deux sous échantillons d'une population et à tester l'égalité des deux fonctions de gains pour accepter la dualité en cas de rejet de l'hypothèse nulle. Le critère retenu pour la séparation des deux segments peut être le seuil de salaire qui permet d'échapper à la sphère de pauvreté. Généralement, les coefficients des fonctions de gains sont significatifs dans ce type d'approche et révèlent souvent des valeurs différentes, parfois paradoxales, selon le segment considéré. Certaines expérimentations, ayant appliqué rigoureusement la méthode d'estimation et de test, n'ont pas manqué de soulever une contradiction: l'hypothèse du dualisme est acceptée alors que les rendements éducatifs les plus élevés sont localisés dans le secteur secondaire. Ce paradoxe provient souvent d'un problème statistique en amont. Découper un échantillon sur la base de la variable dépendante et effectuer deux régressions séparées conduit à un grave biais de sélection, si une seule fonction de gains peut décrire l'ensemble des salaires de la population. En effet, la proportion des individus appartenant à la partie inférieure ou secondaire du marché (es individus à bas salaires) diminue avec l'augmentation du niveau d'éducation. La relation éducation salaire pour ce sous échantillon est, par conséquent, biaisée en raison de la corrélation négative entre les résidus de la fonction de gains et la scolarité, même si cette dernière est exogène sur l'ensemble de la population. Une première méthode permettant de tester le dualisme revient alors à effectuer le même découpage entre les deux secteurs, à corriger des biais de sélection et à examiner si les coefficients des deux fonctions de gains sont différents. Cependant ce test n'est valable que si la forme fonctionnelle de l'équation de gains, sous l'hypothèse nulle (marché concurrentiel), est connue pour la population étudiée et que la variable de scolarité est exogène. On retrouve l'une des difficultés de l'analyse empirique qui doit être fondée sur un modèle correctement spécifié. Rien n'indique, par exemple, que la relation éducation salaire soit linéaire, contrairement à ce qui est posé dans les fonctions de gains sous-jacentes aux approches en termes de dualisme. Après application d'un test de segmentation, les conclusions en faveur du dualisme pourraient alternativement révéler un problème d'erreur de spécification. Une seconde manière de tester la même hypothèse nulle est de voir si une seule fonction de gains, effectuée sur l'ensemble de l'échantillon, peut prédire le segment des bas salaires. Il suffit de vérifier si les coefficients d'une fonction de gains sont proportionnels aux coefficients d'un modèle Logit, par exemple, déterminant la probabilité d'appartenir à l'un des deux secteurs. L'une des critiques de ce type d'approche concerne également le caractère arbitraire du critère de sélection retenu et de son découpage. En se donnant comme premier objectif d'éviter la sélection ad hoc des segments du marché, certains auteurs estiment un modèle à changement de régime endogène avec règle de séparation inconnue. Le principe est d'écrire une vraisemblance où chaque individu peut, a priori, appartenir au segment primaire ou au segment secondaire. La probabilité individuelle d'appartenir à un segment particulier est ensuite calculée a posteriori, conditionnellement à l'information fournie par les salaires. Le modèle proposé par les auteurs n'est cependant qu'un cas particulier d'un modèle à changement de régimes plus général. On peut, en effet, estimer un modèle à changement de régimes avec règle de séparation imparfaite dans lequel tout modèle à changement de régimes devient un cas particulier. Cela consiste à construire la fonction de vraisemblance sur la base d'une matrice de transition entre un indicateur de séparation et une variable dichotomique latente. Il est certes extrêmement réducteur de ramener la distinction entre segments d'emploi à un seul indicateur. Il est cependant tout aussi problématique de faire l'hypothèse totalement inverse. L'intérêt d'un modèle à changement de régimes imparfaits est de pouvoir tester les différentes configurations, les unes contre les autres (règle de séparation parfaite, imparfaite et inconnue). La mise en évidence empirique d'équations de salaire distinctes ne permet pas d'invalider l'hypothèse d'un fonctionnement concurrentiel du marché du travail : la présence d'une forte hétérogénéité de la main-d'œuvre confrontée à une demande elle-même différenciée peut ainsi générer des disparités salariales importantes dans un contexte néanmoins concurrentiel. Du côté de l'offre, les employés se distinguent entre eux par les compétences qu'ils ont acquises au cours de leur éducation et/ou au sein de l'entreprise. Cette compétence, décrite, en partie seulement, par des informations telles que l'expérience et l'éducation est le résultat d'un investissement qui engendre un coût justement compensé par le différentiel de salaire obtenu. De même, considérer les équations de salaire comme des fonctions de demande inverse permet de justifier dans un cadre concurrentiel des coefficients/prix attachés aux variables de capital humain mécaniquement plus élevés dans l'un des deux segments. En effet, si on suppose qu'un segment a besoin d'embaucher une forte proportion d'employés qualifiés, il doit attirer plus de travailleurs ayant les compétences adéquates - ou un avantage comparatif - en valorisant davantage le capital humain et en pratiquant, de fait, une politique salariale source de disparités avec l'autre secteur. Au total, révéler l'existence d'imperfections sur le marché, au travers des disparités salariales, n'est valable que si des différences de salaire non compensatrices - au sens où les différences font plus que compenser le coût d'investissement en capital humain - sont exhibées. Pour ce faire, une démarche préalable passerait par l'appréciation de toute l'hétérogénéité individuelle, c'est-à-dire par l'identification de toutes les caractéristiques productives observables et non observables qui différencient les salariés entre eux. Une troisième catégorie de test admet que des coefficients distincts de fonctions de gains ne sont pas révélateurs d'un dualisme, si les emplois du segment primaire ne sont pas rationnés et que les individus sont libres de choisir leur segment d'emploi. Partant de ce principe, certains auteurs proposent un test de l'hypothèse nulle d'un non rationnement, tout en supposant que les individus maximisent leurs gains sans coûts de mobilité et que la distribution des non observables des deux fonctions de gains est connue. Sous cette hypothèse, les coefficients de l'équation de changement de régime devraient être proportionnels à la différence des coefficients des variables des équations de gains des deux segments du marché. Avec le rejet de la proportionnalité, si les contraintes du modèle sont vérifiées, on accepterait alors l'hypothèse de segmentation. Certains arguments fragilisent ce test. Le premier renvoie directement au dualisme en tant que description très pauvre du marché du travail. Décomposer le marché du travail en deux segments distincts demeure finalement une description fort schématique et peut biaiser le résultat du test si l'un des deux segments, au moins, est lui-même hétérogène. Le deuxième argument renvoie à l'hypothèse discutable, et pouvant être levée de l'inexistence de coûts de mobilité entre les deux segments. Conditions d'entrée au marché du travail Au terme de ce bref panorama des modèles empiriques, une approche qui semble plus adaptée au marché de l'emploi marocain, consiste à s'intéresser aux conditions d'entrée sur chacun des segments, conditions fondamentalement différentes selon que la main-d'œuvre se porte sur le segment primaire (emplois qualifiés et mieux rémunérés) ou sur le segment secondaire (emplois précaires, instables et moins bien rémunérés). Sur le premier marché, les règles de formation des salaires, qu'elles soient dictées par la logique du salaire d'efficience ou par le pouvoir des insiders, instaurent des salaires élevés et rigides et engendrent des phénomènes de rationnement. Parallèlement, l'existence de barrières d'accès au segment primaire peut s'illustrer par l'entrée dans la file d'attente, les demandeurs ne pouvant y accéder qu'à l'issue d'une durée attente plus ou moins longue. Tandis qu'une vision standard du marché du travail tend à considérer le salaire comme le facteur exclusif d'accès aux emplois, un coût d'entrée vient en fait s'ajouter et entamer le salaire obtenu pour certains emplois. La révélation de coûts d'entrée sur certains marchés de l'emploi, pouvant influencer la décision des jeunes diplômés, est, en revanche, une manière de valider la thèse de la segmentation et de l'hétérogénéité des trajectoires individuelles ainsi que le montrent certains travaux mettant en évidence la disparité salariale comme résultant d'une forte hétérogénéité de la main-d'oeuvre. En conclusion, on peut dire que l'ensemble des analyses précédentes plaide en faveur d'un recours à un dispositif analytique multidimensionnel pour appréhender correctement la problématique de l'insertion des jeunes et de leurs trajectoires d'emploi. Il convient dès lors de disposer de données longitudinales décrivant, de façon détaillée, le parcours des individus au sein du système scolaire et/ou de formation, ainsi que leurs trajectoires sur le marché du travail. De ce point de vue, la spécification de modèles économétriques robustes constitue une étape décisive dans la démarche d'investigation. Enquêtes de cheminement Le système national de production de données relatives à l'emploi est caractérisé par des porosités, notamment quand il s'agit des populations spécifiques, celle des jeunes en l'occurrence, et par une faible cohérence des dispositifs existants. Certes, l'enquête sur l'emploi effectuée par le Haut commissariat au Plan (HCP) reste l'un des dispositifs les plus exhaustifs fournissant des indicateurs sur l'emploi au niveau national. Cependant, des limites sont à souligner quant à l'utilisation de ces données tant au niveau des restrictions imposées par le choix des catégories observées (activité, inactivité, chômage) qu'au niveau de la mesure de la dynamique d'emploi. En effet, les données des enquêtes emploi ne donnent qu'un aperçu ponctuel (trimestriel) et ne permettent guère d'appréhender la dynamique d'une cohorte d'une sous population spécifique. A l'opposé, les données produites par le département de la formation professionnelle sur le cheminement de ses lauréats permettent une meilleure analyse dans le temps du processus d'insertion et une meilleure caractérisation des différents parcours professionnels que peuvent emprunter les sortants du système de la formation professionnelle. Hormis les enquêtes d'insertion de courte durée réalisées par quelques universités, on déplore l'absence de dispositifs pouvant renseigner, à un niveau fin, les parcours professionnels individuels des sortants du système d'éducation et de formation. L'insertion, considérée dans la présente étude, comme un processus complexe de passage du système éducatif au système productif» ne peut être correctement appréhendée par les indicateurs classiques utilisés en général pour décrire l'analyse des situations d'emploi et d'activité de populations adultes. Elle repose quant à sa mesure sur un ensemble d'indicateurs et une caractérisation des états de départ et de fin de processus qui diffèrent selon les pays. D'un côté, la date de début peut être appréhendée selon différents angles: diplôme final, fin des études initiales, etc. De l'autre, la fin du processus d'insertion est marquée par des éléments objectifs comme l'emploi stable (contrat à durée déterminée) ou subjectifs basés sur la déclaration individuelle des individus sur leur insertion. Le taux d'insertion est mesuré, selon le département de la Formation professionnelle, par la part des lauréats ayant accédé à un emploi ou à un stage, quelque soit sa nature ou sa durée, au cours de la période allant de la date d'obtention du diplôme à la date de l'enquête. L'analyse de l'insertion des jeunes lauréats de la formation professionnelle (chapitre 4) requiert, par conséquent, une conceptualisation plus appropriée et plus fine incorporant les concepts d'épisode (succession d'états: emploi, chômage, stage ou inactivité), de transition (passage d'un état à un autre: de l'emploi vers le chômage, du chômage vers l'inactivité, etc.), de trajectoire d'insertion (processus temporel retraçant les différents états vécus par un individu depuis sa sortie du système d'éducation et de formation). Dans la même optique, le temps passé en emploi est une méthode utilisée pour appréhender le phénomène de la stabilisation en emploi et, plus généralement, pour caractériser les trajectoires professionnelles des jeunes lauréats de la formation professionnelle. Il s'agit de la proportion du temps passé dans l'emploi par rapport à la durée totale depuis l'entrée sur le marché du travail. - Part du temps passé en emploi = durée d'emploi : durée totale d'observation x 100 L'analyse du temps passé chaque année en emploi fait apparaître le processus conduisant, au fil des ans, les sortants de la formation soit vers l'emploi, soit vers le non emploi, soit vers un régime intermédiaire combinant emploi et non emploi. Elle permet d'appréhender la stabilité dans l'emploi en relation avec l'âge, le genre, par âge, le niveau de formation, etc. Parallèlement, le temps passé au chômage est défini par rapport à la durée totale (4 ans après la sortie du système scolaire). - Part du temps passé en chômage = durée de chômage : durée totale d'observation x 100 Un croisement avec le genre, l'âge et le niveau de formation, etc. permet d'identifier la population la plus exposée au chômage. Le croisement avec le nombre d'épisodes de chômage permet d'analyser le phénomène de la récurrence du chômage. Cette dernière peut être vue sous deux angles: - Elle est un processus d'apprentissage dans un parcours fait de situations instables et aboutissant à l'emploi durable. - Le chômage répété peut devenir un élément de stigmatisation et d'exposition au chômage de longue durée (Plus d'une année). La durée de chômage avant de trouver le premier emploi est aussi la durée de recherche du premier emploi. Elle mesure la vitesse d'occupation d'un emploi sur le marché du travail. Enfin, la trajectoire simple ou mono-état concerne les lauréats n'ayant connu qu'un seul état (emploi, chômage ou inactivité) durant toute la durée d'observation. Approches en termes de trajectoires et de générations Les enquêtes de cheminement, réalisées tous les deux ans par le département de la Formation professionnelle ont pour objectif, on l'a déjà souligné, d'analyser la nature longitudinale du processus d'insertion et de mesurer le degré d'adaptation du système de formation aux besoins du marché de travail. Ces enquêtes suivent le cheminement des Jeunes par rapport aux caractéristiques sociodémographiques (sexe, âge, situation familiale, milieu de résidence des parents et profession du père) et professionnelles (niveaux et modes de formation), aux situations (quarante huit mois ou trente six mois après l'obtention du diplôme) ou séquences de la trajectoire (emploi, chômage, inactivité, stages ou études). Elles permettent ainsi de retracer, à partir des calendriers individuels, le parcours de l'ensemble de la génération tout au long des trois années qui suivent la sortie du système de la formation professionnelle. Dans le questionnaire, le lauréat doit décrire son premier et son dernier emploi et indiquer le type d'emploi, sa fonction, sa rémunération, le type et la taille de l'entreprise qui l'a embauché, le secteur d'activité et les moyens par lesquels il à pu trouver son emploi. Les lauréats au chômage doivent mentionner les causes du chômage et les moyens utilisés dans la recherche d'un nouvel emploi. Le questionnaire décrit les caractéristiques des projets crées par les lauréats tel que la forme de l'installation, le montant investi et le nombre d'employés. Le lauréat est amené à mentionner s'il est disposé à s'installer pour son propre compte et à préciser les difficultés rencontrées dans la création de son entreprise. L'appréciation de la formation reçue se fait à travers la mesure du degré de satisfaction du lauréat, d'adaptation de la formation à l'emploi occupé et des avantages tirés par le lauréat de sa formation. Enfin, une rubrique du questionnaire est réservée aux situations de post formation. Les résultats des différentes enquêtes, menées depuis 2001, montrent que le taux d'insertion des Jeunes diplômés de la formation professionnelle atteint environ 64%. Ce taux a peu évolué au cours de la période 2001-2008 passant de 62% à 64%. Toutefois, une hausse plus importante a été enregistrée en 2005, soit un taux d'insertion de l'ordre de 66 %. Entre 2001 et 2008, le taux d'insertion des garçons se situe à un niveau nettement supérieur à celui des filles. L'écart est de 13 points en 2009 (69% pour les garçons contre 56% pour les filles). Par ailleurs, le taux d'insertion varie selon le niveau de diplôme. En 2008, le taux d'insertion des lauréats issus du niveau Spécialisation a atteint 67% contre 64% pour le niveau Qualification, 65% pour Technicien et 61 % pour Technicien spécialisé. Les données qui viennent d'être examinées concernent une période de 9 mois, trop courte pour appréhender correctement les taux d'insertion. Couvrant une période de 12 ou 16 trimestres, les enquêtes cheminement sont, dès lors, plus pertinentes. Calculés sur cette base, les taux d'insertion s'avèrent, en effet, plus élevés: 76,6% contre 64% pour les enquêtes insertion. L'analyse en termes de genre fait ressortir les mêmes tendances. Les garçons enregistrent des taux d'insertion plus élevés que ceux des filles, avec un écart de 10 points en moyenne pour les promotions 2000, 2002, 2004 et 2006. Toutefois, la décomposition des taux d'insertion selon les différents diplômes révèlent des disparités en fonction du type d'enquête (enquête insertion ou cheminement). Les sortants de la formation professionnelle, ayant un diplôme de spécialisation et de technicien spécialisé, accèdent plus facilement au marché du travail. Ils enregistrent les taux d'insertion les plus élevés avec, respectivement, 77,4% et 81,5%. Les autres diplômes (qualification et technicien) enregistrent des taux légèrement plus faibles. Notons, toutefois, que les taux d'insertion calculés à partir des deux types d'enquêtes et selon la définition retenue par le département de la Formation professionnelle, surestiment la dynamique d'intégration des jeunes sur le marché du travail pour deux raisons: Le calcul du taux d'insertion intègre les différentes formes de travail, qu'elles soient rémunérées ou non (les stages sont inclus) ; Il recense les situations d'insertion quelque soit leur durée. Il ne peut donc servir d'instrument pour évaluer l'employabilité des jeunes et la qualité de leur insertion. Par ailleurs, la mesure de l'insertion professionnelle ne peut pas se faire uniquement sur la base d'indicateurs conventionnels comme le taux d'insertion, le taux d'activité ou encore le taux de chômage. Compte tenu de la complexité du processus d'insertion professionnelle des jeunes, il semble plus judicieux d'inclure des indicateurs permettant d'élaborer une typologie plus sophistiquée et plus proche de la réalité complexe de l'insertion des jeunes. Les indicateurs examinés dans la présente étude mettent en évidence les disparités des situations d'insertion des diplômés de la formation professionnelle. En effet, il existe différentes typologies d'insertion des lauréats de la formation professionnelle. On peut distinguer deux grandes catégories de trajectoires d'insertion: les trajectoires simples ou mono état et les trajectoires hétérogènes ou composites. Les trajectoires simples intègrent différentes situations mono état : chômage, emploi, inactivité, stage, etc; Les trajectoires hétérogènes ou composites, c'est-à-dire les trajectoires qui sont jalonnées par le passage d'un état donné à un autre au cours de la période d'observation (par exemple le passage du chômage à l'emploi ou inversement). Ces mises en garde nous conduisent à proposer (chapitre 4) des indicateurs d'analyses plus appropriés et plus approfondies du processus d'insertion.