Contenue dans 80 pages, écrite en arabe et en français, la publication de l'Association Marocaine des Critiques de Cinéma (A.M.C.C.), "L'oeuvre cinématographique de Farida Belyazid" se veut un hommage à l'une des premières cinéastes marocaines, celle qui a donné une touche bien féminine à notre modeste cinématographie. A travers les nombeux témoignages, rédigés par des critiques plus ou moins connus sur la place, on essaie de cerner l'expérience de cette réalisatrice pionnière, définir son style, détecter les messages contenus dans les nombreux films qu'elle a réalisés, courts et longs, films et téléfilms. Car il s'agit d'une personnalité riche qui mérite bien ce livre. C'est une journaliste qui a investi de sérieuses publications, d'abord en France puis au Maroc, usant d'un style franc et direct pour dénoncer la segrégation féminine dans les régions sous-développées, en particulier le Monde arabe et l'Afrique. Militante de la première heure, elle utilise ce sujet comme cheval de bataille pour conquérir toutes les tribunes libres. Ce n'est pas suffisant. Quand on est authentiquement militant, on ne se limite pas à user d'une seule arme. Le cinéma a fini par la tenter au début des années 80. Elle prolonge la bataille sur le plan du cinéma, non en tant que réalisatrice, elle n'en a pas encore l'expérience technique requise, mais en qualité de productrice, après une première expérience autour de "Brèche dans le mur", encouragée par la récente instauration du fonds d'aide. "Poupées de roseau" est le titre de son premier scénario dont elle confie la réalisation à Jilali Ferhati. Ce film, à petit budget, mais dont l'impact fut énorme, en particulier en dehors du Maroc par manque de distribution locale, va finir par marquer un tournant sur le plan de la thématique traitée, également sur le style utilisé, direct et réaliste à outrance. Bien qu'elle ne fut que scénariste, son nom est poussé sur la scène cinématographique au meme titre que le réalisateur qu'elle a sorti de l'anonymat. Evidemment, après un tel succès, on ne s'arrète pas au milieu d'un si bon chemin. Avec beaucoup de retard, elle s'initie à la réalisation soutenue par le producteur tunisien Hassan Daldoul qui produisit son premier long métrage :"Une porte sur le ciel". Ironie et déception à la fois. Ceux qui voyaient en Farida Belyazid une cinéaste engagée, ne vont pas croire ce qu'ils voyaient sur l'écran. Un discours idéologique contradictoire très en-deçà des attentes. Et poutant la cinéaste résiste en alimentant régulièrement ses chroniques journalistiques dans un style tout aussi opposé. La critique, si virulante à cette époque, va lui pardonner cette première bavure cinématographique, gagnée par le cas de "Poupées de roseau" . Les films suivants de Belyazid, tous soutenus par le fonds d'aide, vont lui permettre de forger un style personnel, non pas le plus approprié hélas, mais juste nécessaire pour diversifier la production. "Ruses de femmes", "Casablanca, Casablanca", "Juanita de Tanger", mélange de biographies, de légendes et de dénonciations, enveloppées dans une naiveté renversante. D'ailleurs, la plupart des festivals vont les ignorer. C'est ce qui va pousser Belyazid à se replier sur la télévision, plus tolérante en matière de thèmes et de style, pour laquelle Farida Belyazid va se conformer en réalisant un bon nombre de téléfilms. Elle a finalement trouvé une consolationsans sans pour autant lacher prise.