Hassan Rohani, religieux modéré soutenu par le camp réformateur, a été élu président dès le premier tour en Iran, infligeant une cuisante défaite à des conservateurs divisés quatre ans après la répression du mouvement de contestation contre la réélection jugée frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad. Des milliers d'Iraniens sont descendus dans les rues de Téhéran à l'annonce samedi de la victoire de Hassan Rohani, qui ne devrait toutefois pas bouleverser, au moins dans l'immédiat, le programme nucléaire de la République islamique ni modifier la politique de soutien au régime syrien de Bachar al Assad, autant de domaines relevant exclusivement du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei. Ce succès sans appel d'un partisan de la «realpolitik» sur le plan diplomatique pourrait toutefois fournir une marge de manoeuvre supplémentaire aux Etats-Unis et à leurs alliés européens dans les négociations sur le nucléaire iranien. Sur le plan intérieur, il pourrait aussi favoriser les partisans d'un assouplissement politique après huit années de présidence de Mahmoud Ahmadinejad marquées par une répression sans faille contre les voix dissidentes. «Cette victoire est une victoire de la sagesse, une victoire de la modération, une victoire de la croissance et de la conscience et une victoire de l'engagement sur l'extrémisme et les mauvais esprits», a déclaré Hassan Rohani à la télévision d'Etat, en tendant la main aux vaincus, les «principlistes», soutiens indéfectibles du guide suprême.«Je serre chaleureusement la main de tous les modérés, de tous les réformateurs et de tous les principlistes», a-t-il dit. Le nouveau président a aussi immédiatement usé d'un ton nouveau envers la communauté internationale, alors que l'Iran est frappé de sanctions onusiennes mais aussi américaines et européennes en raison de la poursuite de son programme nucléaire. Hassan Rohani a fait état d'une donne nouvelle «sur la scène internationale» pour «ceux qui respectent véritablement la démocratie, la coopération et la libre négociation». Réagissant à son élection, les Etats-Unis se sont dits prêts à «nouer une relation directe avec les autorités iraniennes pour parvenir à une solution diplomatique à la crise liée au programme nucléaire de l'Iran». A Paris, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, indique que la France prend acte du résultat de l'élection et salue «l'inébranlable aspiration à la démocratie du peuple iranien.» «Les attentes de la communauté internationale à l'égard de l'Iran sont fortes, notamment sur son programme nucléaire et son engagement en Syrie», souligne-t-il dans un communiqué. «Nous sommes prêts à y travailler avec le nouveau président iranien.» Une foule en liesse s'est rassemblée devant le siège de campagne du nouveau président dans le centre de Téhéran, mais aussi en d'autres endroits du pays. «Vive la réforme, vive la réforme», ont scandé ses partisans, selon des témoins sur place. «Bye bye Ahmadi», ont-ils aussi repris en allusion à Mahmoud Ahmadinejad. «Téhéran a explosé de joie. Je n'avais jamais vu autant de personnes si joyeuses», a dit Negin, photographe de 29 ans. Certains ont effectué le V de la victoire et ont scandé des slogans en faveur de Mirhossein Moussavi, candidat du camp réformateur en 2009 qui, selon ses partisans, a été volé de sa victoire par des fraudes en faveur de Mahmoud Ahmadinejad. «Moussavi, Moussavi, j'ai repris ton vote» et «Moussavi, Moussavi, bravo pour ta victoire», ont crié ses partisans. En larmes au téléphone, un autre témoin prénommée Mina a déclaré à Reuters: «Je n'avais pas été aussi heureuse depuis quatre ans. J'ai le sentiment que nous sommes finalement parvenus à obtenir une partie de ce pourquoi nous nous battons depuis les dernières élections. Ils ont finalement respecté notre vote. C'est une victoire pour les réformes et pour nous tous réformistes.» Hassan Rohani deviendra officiellement président en août.