Devenue le phénomène «folk» par excellence ces dernières années, la musique gnaoua fait le tour du monde, et l'on voit toute sorte de fusion musicale basée sur ses rythmes envoûtants. Mais on ne se saurait se limiter uniquement à l'aspect musical des gnaouas. Gnaoua étant un terme générique qui regroupe plusieurs aspects de la «culture» gnaoua : la confrérie, l'héritage africain, berbère et arabo-musulman, et puis la transe thérapeutique pratiquée dans le cadre du rite de possession (possession par les mlouks ou jnouns) ou «lila de derdeba». Au Maroc, les gnaoua se répartissent en deux catégories : les gnaoua des villes impériales qui célèbrent le rite de possession, la «derdeba», et dont l'instrument principal est le guenbri, et les gnaoua des pays berbères, que l'on désigne par les termes de Abid Lala Krima. Ces derniers utilisent des tambours (ganga) et des crotales (qraqeb ou qraqech) en fer pour leurs tournées aumônières et pendant la réunion de leurs adeptes où se produisent des transes. Mais ils n'organisent pas de rite de possession selon le modèle gnaoua des anciennes villes impériales. La musique gnaoua a été vouée pratiquement à la disparition puisqu'elle n'était pratiquée qu'à petite échelle et d'une manière traditionnaliste, vraiment non valorisée ni valorisante. Le salut est venu à travers Essaouira et son festival Gnaoua et Musiques du Monde. Dès les premières éditions, le nom d'Essaouira et des Gnaoua ont jailli au grand public et au grand jour. La renaissance de la musique gnaoua fut lancée. Elle sera renforcée grâce aux fusions avec la World Music qui apportèrent aux Gnaouas et à leur musique une audience qui dépassa la ville d'Essaouira et les frontières du Maroc. Depuis lors, la musique gnaoua ne cessa de conquérir le monde, d'avoir des fans aussi bien dans sa version originale (pure et dure) que dans sa version moderne avec les fusions musicales dont certaines sont extraordinaires. 15 années de travail et de quête de créativité, et le Festival Gnaoua et Musiques du Monde continue d'être un moment très attendu par des milliers de mélomanes et de passionnés de ce rendez-vous chargé de fraîcheur et d'optimisme. «Le Festival Gnaoua et Musiques du Monde n'est pas seulement le théâtre d'une fusion rêvée et éphémère, il est porteur de valeurs d'universalité que nous nous attachons à défendre de manière continue. Avec comme point nodal, la reconnaissance d'un art unique au monde dont les racines africaines séculaires ont permis son éclosion maghrébine et que nous souhaitons aujourd'hui voir inscrit au patrimoine oral et immatériel de l'UNESCO », dira Neila Tazi, directrice et productrice du festival. Les Gnaoua, précise Neila, reviennent de loin, descendants d'anciens esclaves, leur histoire récente avec ce festival et l'Association Yerma Gnaoua est le récit de la reconnaissance d'une minorité trop longtemps marginalisée. L'histoire d'hommes à l'esprit éveillé qui ont su retrouver leur dignité et leur place dans la société. Et c'est au nom de cette quête que le CNDH a accepté de soutenir ce forum, mais aussi parce que les sujets en débat sont ouverts à tous et concernent des notions concrètes et réalistes de notre quotidien, des sujets déterminants pour notre avenir. Grâce à ce festival, les Gnaoua sont enfin reconnus comme des vrais artistes, du moins aux yeux du public. Au delà de l'apport musical et culturel ramené à Essaouira par le Festival Gnaoua, on ne peut occulter l'apport grandement positif de promotion touristique formidable lancé à Essaouira qui lui a valu un décollage touristique et économique qui continue de plus belle. Les souiris et les amis d'Essaouira qui avaient misé sur la Culture pour développer la ville peuvent être fiers de cette approche qui ne cesse de donner ses fruits d'année en année. Très bonne continuation au charme d'Essaouira. Le Festival Gnaoua c'est Essaouira. Essaouira c'est aussi le Festival Gnaoua.