Le parti islamiste Ennahda, au pouvoir en Tunisie, a réaffirmé lundi son rejet d'un gouvernement de technocrates proposé par le Premier ministre Hamadi Jebali, numéro deux du parti, comme moyen de sortir le pays de sa crise. «Nous restons attachés à la formation d'un gouvernement politique et de coalition qui tire sa légitimité des élections du 23 octobre 2011 et qui serait ouvert à des compétences nationales engagées à réaliser les objectifs de la révolution», a affirmé le Conseil consultatif du parti dans un communiqué. Ennahda souligne que le prochain gouvernement devra travailler sur la base d'»un programme politique portant sur la réalisation d'une transition, la rédaction rapide de la Constitution et l'organisation d'élections démocratiques». «Le Conseil estime que l'initiative d'un gouvernement de technocrates ne répond pas aux besoins de la période actuelle», insiste le communiqué. Le Premier ministre doit reprendre lundi ses consultations avec les partis politiques sur sa proposition. Selon la presse lundi, le Conseil consultatif d'Ennahda s'est réuni samedi et dimanche à Hammamet, station balnéaire à 60 km au sud de Tunis, et M. Jebali a assisté à une partie de ses travaux. Le Premier ministre s'est heurté, dès qu'il a lancé sa proposition le 6 février, le jour de l'assassinat de l'opposant de gauche Chokri Belaïd, au rejet de son parti de l'idée d'un gouvernement apolitique. M. Jebali a menacé de démissionner si son idée, bien accueillie par l'opposition laïque et l'opinion publique, était rejetée. Ennahda a organisé samedi une manifestation dans le centre de Tunis pour défendre son droit à gouverner et son chef, Rached Ghannouchi, a affirmé devant la foule que le parti, vainqueur des élections de 2011, ne cèderait pas le pouvoir tant qu'il avait la légitimité des urnes. Le CPR de Marzouki en crise Par ailleurs, plusieurs députés du parti du président Moncef Marzouki, le Congrès pour la République (CPR), allié aux islamistes d'Ennahda, ont annoncé quitter le parti et selon la presse tunisienne, le chef du mouvement, Mohamed Abbou, est sur le point d'officialiser son départ. Les députés Lazhar Chemli et Souhir Dardouri ont annoncé leur démission du parti, l'un dimanche aux médias tunisiens, l'autre lundi sur sa page Facebook, alors que laTunisie traverse une profonde crise politique. Les radios Mosaïque FM et Shems-Fm ainsi que le quotidien la Presse ont affirmé, citant des «sources bien informées», que le chef du parti s'apprêtait aussi à officialiser sa démission. Selon la Presse, Mohamed Abbou va former un nouveau parti avec les dissidents du CPR. «Le CPR compose avec une certaine diversité d'idéologies, ce qui est devenu une source de difficultés au lieu de richesses», a expliqué M. Chemli à La Presse. Mme Dardouri a pour sa part déclaré sur sa page Facebook qu'elle expliquerait «plus tard» les raisons de sa démission. Le Congrès pour la République s'était imposé comme la deuxième force du pays, derrière les islamistes d'Ennahda, en obtenant 29 des 217 sièges de l'Assemblée nationale constituante lors des élections d'octobre 2011. Il a ensuite formé une coalition tripartite avec les islamistes d'Ennahda et Ettakatol, un autre parti laïc de centre-gauche. Mais après des divergences au sein du parti et des conflits de personnes, le CPR a connu une grave scission en mai 2012 et la moitié de ses députés ont rejoint un nouveau parti, Wafa. La crise au sein du CPR intervient alors que le Premier ministre islamiste Hamadi Jebali réunit lundi soir l'ensemble des chefs de partis pour tenter de trouver un consensus sur la formation d'un gouvernement, alors que son propre parti, Ennahda, rejette l'idée d'un cabinet apolitique.