Trois mois après une première tentative avortée, les dirigeants de l'Union européenne tentent de nouveau hier jeudi et aujourd'hui vendredi, à Bruxelles de s'entendre sur un budget pour les années 2014-2020, sur fond de divergences sur l'avenir de l'Europe. Instances et capitales européennes veulent croire cette fois à la possibilité d'un compromis, même aux forceps. Deux pour François Hollande et David Cameron, qui ont des visions radicalement différentes de l'Union européenne, de croiser le fer et pour Angela Merkel de jouer les arbitres. A la volonté du Premier ministre britannique de réduire l'Union à sa dimension de marché unique, le président français a répliqué mardi, devant le Parlement européen de Strasbourg, par un plaidoyer pour une intégration toujours plus poussée. Le premier agite la perspective d'un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'UE. Le second peut se prévaloir du soutien des eurodéputés et arrive à Bruxelles auréolé du succès de l'opération militaire française au Mali. La France est à la tête d'un groupe de pays comme la Pologne ou l'Italie, qui veulent préserver le budget de la politique agricole et les fonds de cohésion de l'UE, tout en la dotant d'instruments de soutien à la croissance et l'emploi. Le Royaume-Uni, partisan de coupes budgétaires importantes, revendique le soutien de l'Allemagne, de la Suède, des Pays-Bas, de l'Autriche, de la Finlande et du Danemark, pour lesquels l'UE ne peut pas s'exonérer des efforts de rigueur auquel chaque Etat membre s'astreignent pour réduire leur endettement. La Commission européenne proposait initialement un budget global de 1.060 milliards d'euros, hors Fonds européen de développement, à comparer avec 1.007 milliards pour 2007-2013. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, avait ramené en novembre cette enveloppe à 983,5 milliards, - montant jugé à l'époque comme le minimum acceptable par la France et le Parlement européen, qui brandit la menace d'un vote négatif à bulletin secret - mais encore trop élevé par Londres et Berlin. Comme toujours à la veille de tractations difficiles, les protagonistes ont fait monter la pression. «Les dépenses doivent être réduites encore davantage», a ainsi déclaré le porte-parole de David Cameron. «Si ça ne bouge pas, alors l'accord ne sera pas faisable.» La chancelière allemande a estimé qu'un accord à Bruxelles n'était pas certain, tandis que François Hollande a évoqué mardi à Strasbourg une situation «plus difficile» qu'en novembre. Le président français a ajouté cet avertissement : «Ceux qui sont les plus attachés à vouloir des coupes sont les pays qui ont le plus à perdre si on revient à l'annualisation du budget.» Sans accord sur le cadre financier 2014-2020, c'est en effet le budget annuel actuel qui sera reconduit. Hormis le Royaume-Uni, qui garderait le «rabais» sur sa contribution arraché en 1984 par Margaret Thatcher, les pays bénéficiant de telles réductions, comme l'Allemagne, perdraient leur «chèque». Selon une source proche de François Hollande, la France serait cependant prête à accepter encore quelques milliards de réduction si c'est le prix d'un compromis. Au-delà des déclarations officielles, les Britanniques, qui réclamaient encore en novembre 30 milliards d'euros de coupes supplémentaires, ne seraient plus aussi exigeants. «Ils ont tout gagné avant que le sommet commence. Ils ont obtenu des coupes et en auront d'autres, ils vont garder leur rabais et le reste leur est égal», souligne une source proche des négociations. Hormis l'enveloppe globale, sur laquelle Herman Van Rompuy fera une nouvelle proposition, les tractations butent aussi sur sa répartition et la question dite des «ressources» - c'est-à-dire des rabais, dont Paris demande une remise à plat. Les Français ont cependant conscience qu'ils n'auront pas gain de cause et se contenteraient d'une solution intermédiaire. «Je comprends bien qu'il n'est pas encore possible de mettre à bas l'ensemble de ces mécanismes», a déclaré mardi François Hollande. «Mais à tout le moins conviendra-t-il de plafonner les contributions d'un certain nombre de pays à leur financement.» Pour nombre de diplomates et responsables européens les positions des uns et des autres ne sont pas irréconciliables. François Hollande et Angela Merkel avaient mercredi soir une ultime occasion d'accorder leurs violons avant le sommet, en marge d'un match de football amical France-Allemagne. En tout état de cause, assure l'Elysée, «ce n'est pas un désaccord entre la France et l'Allemagne qui créera un blocage». Le ministre polonais des Affaires européennes, Piotr Serafin, s'est dit confiant - «L'impression est meilleure (...) et les espoirs d'accord plus grands.» «Je pense qu'un compromis sera trouvé», dit Benedicta Marzinotto, du think tank européen Bruegel. Un avis partagé par un porte-parole de la Commission européenne. «Tous les Etats membres ont compris qu'il fallait un accord, le temps a fait son travail», a-t-il déclaré. Il n'en a pas moins regretté par avance que le futur budget ne soit pas à la hauteur des ambitions initialement affichées : «C'est malheureux pour les villes et les régions d'Europe, pour les chercheurs, les ONG, les PME et les étudiants européens.» S'il y a accord sur l'enveloppe globale, le risque est en effet grand que ce soit aux dépens des crédits prévus pour la compétitivité, l'emploi et l'action extérieure de l'UE, en faveur des politiques «traditionnelles», comme l'agriculture.