Le seul fils de Benazir Bhutto, Bilawal, a lancé jeudi sa carrière politique devant des centaines de milliers de partisans réunis pour le cinquième anniversaire du meurtre de sa mère, une opposante farouche comme lui au fondamentalisme qui mine le Pakistan. Benazir Bhutto, Première ministre à deux reprises (1988 à 1990, 1993 à 1996), avait été assassinée le 27 décembre 2007 après un meeting à Rawalpindi, ville jumelle de la capitale Islamabad, peu après son retour d'exil et à la veille d'élections. Des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans le village de Garhi Khuda Bux, lieu du mausolée Bhutto, pour rendre hommage à la dernière d'une lignée de «martyrs» de cette riche famille de propriétaires terriens ayant donné au Pakistan son premier leader démocratiquement élu Zulfikar Ali Bhutto, le père de Benazir. Des femmes se frappaient la poitrine, d'autres touchaient et embrassaient la tombe de Benazir en criant «longue vie Bhutto», «il faut punir les meurtriers de Bhutto», dont l'assassinat n'a toujours pas été élucidé, et «Bhutto était vivant hier, Bhutto est encore vivant aujourd'hui». «Bhutto est une émotion, un amour... Benazir est vivante dans nos coeurs et elle le restera pour toujours. Mais pourquoi le sang de ceux qui aiment la démocratie est-il versé», a lancé à la foule Bilawal Bhutto-Zardari, accusant le pouvoir judiciaire de ne pas avoir jugé les assassins de sa mère. «Lorsqu'il n'y a pas de justice, les forces comme les talibans imposent leur loi», a déploré «Bilawal» reprenant le célèbre slogan de son grand-père Zulfikar, fondateur du Parti du peuple du Pakistan (PPP): «Roti! Kapra! Makan! (Du pain, des vêtements, un toit). Cinq ans après la mort de Benazir, le PPP était impatient de présenter une troisième génération de Bhutto, de surcroît à l'approche d'élections nationales prévues ce printemps. Sagesse et sagacité «Il a acquis suffisamment de sagesse et de sagacité pour prendre la responsabilité du parti», a déclaré le Premier ministre Raja Pervez Ashraf. «Il a terminé ses études et il est maintenant temps pour lui de commencer sa formation en politique», a déclaré son père, le président Asif Ali Zardari. Bilawal Zardari-Bhutto, diplômé d'Oxford, avait succédé il y a cinq ans à sa mère à la chefferie du PPP formation aujourd'hui à la tête de la coalition au pouvoir, mais ce titre n'était qu'honorifique. Miné par des allégations de corruption, le PPP pourrait mordre la poussière lors des élections nationales prévues au printemps à en croire les résultats de récentes élections partielles. Or le président Zardari ne peut diriger son parti lors de ces élections, car la constitution pakistanaise exige du chef de l'Etat une neutralité en la matière, et n'a pas l'aura et le prestige de sa femme, soulignent des analystes. Le PPP joue donc la nouvelle «carte Bhutto» pour espérer remporter la mise, selon des observateurs. «Bilawal a une valeur symbolique dans la famille Bhutto et Zardari veut profiter de cette symbolique» pour les élections, souligne Hasan Askari, spécialiste de la politique pakistanaise. La «carte Bhutto» aura un effet dans la province de Sind, fief du PPP, mais pas dans les autres régions du pays, selon Talat Masood, ancien haut gradé devenu commentateur politique. Bilawal, 24 ans, l'aîné des enfants de Benazir Bhutto et Asif Ali Zardari qui ont aussi eu deux filles, Bakhtawar et Aseefa, ne peut briguer un siège de député si les élections ont lieu au printemps car l'âge minimal d'un candidat est fixé à 25 ans. Il pourrait toutefois rallier la base traditionnelle de la formation, tenter d'incarner un «changement de l'intérieur», en étant mis à l'avant-plan lors de ce scrutin-clé pour la consolidation de la démocratie dans ce pays qui a vu trois gouvernements civils être renversés par des coups d'Etat depuis sa création en 1947.