Toute ethnie, ayant pris racine dans son territoire, est imprégnée d'une originalité culturelle. Au sens étroit, comme la définissent les Anglo-Saxons, la culture englobe seulement le patrimoine spirituel, sous ses formes orales, écrites et artistiques. Cette culture, dite « non matérielle », a comme support la langue qui reflète l'expérience matérielle et historique de l'ethnie. Au sens large, la culture de l'ethnie englobe toutes les activités matérielles par lesquelles elle organise sa vie, en tant que groupe humain. Dans ses activités, on distingue les systèmes de production générateurs des formations sociales (économiques, techniques, mode d'organisation familiale et tribale, modes de propriété, ect). La culture forme l'esprit du membre de l'ethnie, à travers l'usage quotidien de la langue, et perfectionne sa vision du monde. Sans qu'il en soit conscient, cette culture, à travers son filtre, crée en lui et dans le groupe, en général, une personnalité de base, tout un complexe de perception, de sentiments et de valeurs. Ce sont cette personnalité de base et cet ensemble complexe qu'on nomme « conscience ethnique ». Le grand philosophe de l'histoire arabe au XIVème siècle, Ibn Khaldoun, voyait dans l'esprit de l'ethnie (açabiyya) « le ciment des peuples et la source de l'énergie qui anime leur entreprise nationale, et dont la force ou le tarissement sous-tendra leur projet, leur essor ou leur déclin ». Cet esprit de l'ethnie, du groupe, ou cette conscience collective ont trouvé, selon les langues, des expressions particulières. En Allemagne, par exemple, on distingue Volksbewusstein ou conscience du peuple, Volsgeit, ou esprit national, Volseele ou âme nationale. « L'histoire qui nous conte la grandeur et la décadence des Etats et des empires, est aussi tissée par la vie et la mort des ethnies », écrit finement Rolant Breton. Avec les souffrances dues à l'oppression, à la résistance, à la lutte contre l'envahisseur, et à la guerre contre l'ennemi, les individus participent à la collectivité, corps et âme ; c'est ce qui a mené les Etats modernes à exalter le patriotisme, au détriment de la religion, ou en parallèle avec elle, à travers les célébrations collectives, les manifestations des masses, les cultes et les fêtes, les festivals artistiques et sportifs, les monuments commémoratifs, les gestes et les costumes rituels, le salut aux emblèmes, la mise en valeur des symboles nationaux, des hymnes, des insignes et des médailles, l'incitation au sacrifice, au martyre, la création des tabous et des mythes, la division simpliste du monde entre les bons et les méchants... Race et culture Rudolf Virchow (médecin, anthropologue, biologiste et homme politique allemand, 1821-1902) s'est annoncé contre le darwinisme et le déterminisme racial, que certains penseurs défendent dans leurs études ethnologiques. Selon lui, la différence raciale n'implique nullement la différence culturelle dans les peuples. Il n'y a pas de relation nécessaire entre la race, l'identité nationale, la culture et la langue. Les disciples de Boas ont refusé les explications évolutionnistes selon lesquelles la différence raciale détermine ou commande la différence culturelle. C'est la culture qui nous forme et nous constitue, dira Boas, et non la biologie. Nous devenons ce que nous sommes à travers un cadre culturel distinct. Dans son ouvrage (le Système social, 1951), Parsens a classifié le monde des systèmes en trois classes : système social, système biologique et système culturel, des systèmes qui s'interpénètrent nécessairement. Dans les milieux des philosophes, des penseurs et des chercheurs en sciences sociales, depuis 1951, on a saisi, sans doute, que la culture s'est centrée principalement sur les capacités symboliques développées par l'homme. La culture se précise, alors, en tant que concept ; elle est, comme l'a annoncé Tylor, « l'héritage non biologique de la race humaine ». Caractérisée par le dialogue formé par la liberté consciente et la diversification, elle est aussi un ensemble symbolique de traditions, de rites, de modes de vie, de styles et de croyances, transmis de génération en génération. On doit se comporter, toutefois, avec toute culture historiquement, c'est-à-dire selon son évolution à travers les âges, et non en tant qu'une unité statique, car la culture a des rapports directs avec l'histoire. Même les primitifs les plus féroces ont une culture. La cueillette, la chasse et la pêche, les techniques et les croyances sont des éléments de la culture. Tous les éléments d'une culture, surtout spirituels, donnent un sens à la vie des hommes. Pour une diversification de la culture T. S. Eliot a parlé amplement de la culture, cherchant à la définir, tout en la comparant à la civilisation. Cet auteur anglais a défini la culture dans le mode de vie d'un groupe humain distinct vivant dans un même lieu ; cette culture apparaît dans son art, son système social, sa religion, ses traditions et ses coutumes, de sorte qu'elle englobe toutes les activités d'un peuple. La culture n'est pas seulement en relation avec la religion, elle l'affirme et la concrétise. Toute religion donne un sens à la vie, conçoit le cadre de la culture et protège l'humanité du désespoir. Seulement, la civilisation, selon toujours Eliot, est devenue plus complexe ; avec elle, les arts sont plus raffinés, mais sans développement réel. Pour cette raison, Eliot appelle au respect des autres cultures, même si elles apparaissent plus basses ou moins évoluées, comme nous l'avons souligné plus haut. Détruire une culture, quelle qu'elle soit, est comme considérer les hommes comme des bêtes. La diversification des cultures mérite la considération ; par contre, parler d'une culture universelle est une conception effrayante, car cette culture serait unitaire, c'est-à-dire une négation de la culture. Plus que cela, cette culture engendrera une humanité déshumanisée. Etre contre la diversification de la culture, c'est pousser aux conflits, car les religions confrontées signifient des cultures confrontées.