Depuis le début du XXème siècle, il est devenu raisonnable de dire que la culture est un domaine dont s'occupe l'ethnologie, comme la conscience pour la psychologie et la vie pour la biologie. Effectivement, en 1947 même, Stuart Chase a remarqué que le concept de la culture chez les anthropologues et les sociologues est conçu comme base des sciences sociales. On n'a cessé de dire que la culture est l'« histoire de l'esprit humain » ; seulement, on reste sceptique devant ce concept, car, selon certains anthropologues même, la culture n'est qu'« abstraction » ; elle se confond souvent avec la civilisation. Le concept de la culture Il est vrai que l'avenir du monde se base sur la culture ; en 1993, Samuel Phillips Huntington, dans The Clash of Civilisation, annonce qu'une période nouvelle dans l'histoire du monde a commencé. Dans cette période, les causes des conflits ne seront pas, en premier lieu, ni économiques, ni idéologiques, mais culturelles ». Toutefois, tout en admettant que notre avenir dépend de la culture, on doit reconnaître aussi que la race humaine est issue de cette même culture ; comme tous les hommes se ressemblent, toute culture trouve profondément ses racines dans la mentalité humaine, une mentalité conçue comme un mélange de la nature et de la culture, mais jamais une rupture entre les deux. Pour la plupart du temps, on définit la culture comme le contraire d'un autre concept ; c'est l'arme farouche, résistante et locale, qui combat le colonialisme ; c'est la force de la différence qui se heurte à la civilisation mondialisée ; c'est aussi l'énergie spirituelle qui défie avec ferveur la rationalité matérialiste ; c'est enfin le pouvoir humain qui surmonte, pour la dompter et la contrôler, notre nature bestiale. Cette arme farouche, cette résistance et ce défi nous indiquent, en apparence, que la culture se situe, effectivement, comme l'ennemie de la civilisation, et même de la nature ; seulement, on sait qu'elle est la fille de cette dernière et mère de l'autre. La culture, tout en engendrant la civilisation, est issue de la nature. Dès la première étincelle qui a déclenché la révolution du feu, l'homme s'est éloigné de la bête, tout en créant l'essence de la culture. Avec le temps qu'a duré cette révolution initiale, les sensations, les instincts et les passions, innés avec cette « bête humaine », ne se sont pas abolis avec la culture qui évolue, mais se sont adoucis par la pensée, la raison et les expériences acquises. La sociabilité et le sentiment religieux font leur apparition aussi durant ces millénaires balbutiants, annonçant déjà la diversité des races et des mythes, exprimés par des activités variées, dont l'art. De là, on peut dire que la culture, bien qu'elle surmonte la nature, cherche et doit chercher toujours son essence en elle. La culture, aussi, est incessamment révolutionnaire ; elle sera toujours symbolisée par cette étincelle des premiers temps, exprimée par l'art. Et enfin, deux forces initiales mais en perpétuelle évolution, la forment, l'animent et la consolident : la religion et l'ethnie. On peut aussi que dès la naissance des activités humaines, la culture est élaborée comme un ensemble symbolique où la connaissance, les croyances et les valeurs jouent un rôle essentiel. Seulement, certains spécialistes dans les sciences sociales délimitent la culture dans l'art dont les peintures pariétales forment la source ; ils préconisent aussi que seuls les arts majeurs, élitiques et destinés à la classe dominante, peuvent cerner la culture. Toutefois, on remarque que chaque société élabore sa culture propre, selon ses valeurs distinctes. On remarque, également, que chaque société bâtit un monde de symboles... pour y vivre. Selon cette perspective, la culture, coulant dans les veines d'un peuple donné, élève ce peuple à une place distinguée dans le monde. C'est en ce sens que Parsens, en parlant du patrimoine allemand, définit la culture comme un système de valeurs et d'idées exprimées par des symboles réalisés dans la religion et l'art. Dans cette culture, l'individu trouve nécessairement un but dans la vie et saisit en elle son identité. La culture comme un système symbolique Plus proche de lui, Clifford Geertz conçoit la culture comme un système symbolique de valeurs, qui commande une société donnée et qui se concrétise dans les rites et l'art d'élite. A travers ces deux définitions, on constate que la religion est la force motrice qui commande la culture, exprimée avec une haute spiritualité dans les rites et les arts ; à travers elle, la culture commande l'histoire et domine la nature. C'est cette identité culturelle qui rend les hommes humains. Camille Schuwer va encore plus loin dans cette idée ; selon lui, « la croyance religieuse est en même temps le centre et le relais où s'établit la commune relation des divers comportements : percevoir, sentir, interpréter, exprimer et produire ». (Voir les deux sens de l'art, 1962). Contre ceux qui prétendent que l'art est destiné seulement à l'élite, et par ce fait, constitue à lui seul la culture, il annonce que l'art « ne saurait être séparé des mœurs, des actes de la vie, des croyances. Peut-être est-il beaucoup plus que les sociologues ne l'ont vu, la pierre vive de la médiation affective par laquelle en dehors du langage et comme un autre langage, les hommes ont appris à communiquer et à communier ».