Gargantua, venu à l'endroict du bys de Vede, feut advisé par Eudemon que dedans le chasteau estoit quelques restes des ennemys, pour laquelle chose sçavoir Gargantua s'escria tant qu'il peut : «Estez vous là, où n'y estez pas? Si vous y estez, n'y soyez plus; si n'y estez, je n'ay que dire» (...). Ponocrates l'adivisa que n'estoient aultres mouches que les coups d'artillerie que l'on tiroit du château. Alors chocqua de son grand arbre contre le chasteau. Par ce moyen feurent tous rompuz et mis en pièces ceulx qui estoient en icelluy.» – «Morceaux choisis du XVIe eu XIXe siècles», Ed. Librairie Delagrave, 1922. «L'histoire de du roi Seif du Leisel», roman anonyme populaire et épique antique arabe remonte par les faits évoqués relatifs au prophète Abraham (XIXe av. J.-C.), légende dont les périples et les aventures du héros Seif du Leisel, élevé par une gazelle, après avoir été abandonné dans les bois par sa mère régicide et reine du pays par la suite. Il participe tant au monde céleste (par le biais de prophète Khadir...), au monde des démons qu'à celui des hommes, avec l'aide de créatures démoniques (‘Aqisa, Aïrud, les magiciens Sqardis et Sqardiun...), dans la traversée magique et fulgurante des lieux, dans ses guerres saintes avec pour alliés et adversaires d'autres rois incrédules, des magiciens et des chevaliers sabéens, dans le but de sauver des vies ou la récupération d'objets sacrés et miraculeux, jusqu'au triomphe final des stratagème de sa mère et la récupération du son trône paternel. Cela rappelle paradoxalement le roman breton des Chevaliers de la Table ronde de Chrétien de Troyes (1130-1180), «Perceval» (1189). Il conte les aventures de Perceval, élevé comme un sauvageon dans les bois par sa mère, qui veut le tenir à l'écart du risque des tournois et des combats de la chevalerie. Un jour cependant Perceval voit passer dans la forêt des chevaliers du roi Arthur. A leur suite, il se rend à la cour du roi Arthur. Il accomplit des exploits. Il reçoit l'instruction de la courtoisie. Puis, il part à l'aventure. Arrêté au bord d'une rivière, Perceval y voit un pécheur qui l'invite chez lui. Il s'engage sur la route indiquée, mais n'aperçoit nulle habitation. Soudain se dresse devant lui la haute tour d'un château : il passe le pont-levis; des serviteurs s'empressent autour de lui et le mènent dans une salle somptueuse où l'accueille un vieillard infirme [v. le prophète Khadir de du Liezel, ci-dessus], celui qui tout à l'heure péchait. Le lendemain, lorsqu'il s'éveille, le château est désert. Il franchit le pont-levis et entre dans la forêt et rencontre une jeune fille qui s'étonne de le voir frais et dispos, alors qu'il n'existe pas de château dans ce lieu. A la réponse de Perceval, elle comprend qu'il a été reçu chez le roi Pécheur et a vu la Lance qui saigne et le Graal [La survie du Christ]. – «Moyen-Age», Ed. Magnard. «Dib Lgartit kaygatatha a'la dyab kulha» (Le loup à la queue coupée coupe celles de tous les loups), conte populaire ancien marocain appartenant à la série animale ayant pour héros des animaux pour l'instruction des enfants, des hommes et des princes. Dans celui-ci, le loup affamé s'était laissé aller sur la trace des hommes braconniers pour leur voler le gibier qu'ils attrapaient dans leurs pièges. Mais par mégarde, il se fait prendre la queue dans un piège. Il avait beau tirer dessus, le piège tenait ferme. Tandis qu'il essayait de se tirer d'affaire sans mal, le braconnier arrive sur les lieux. Le loup pour sauver, tira tellement fort qu'il se coupe la queue et s'enfuit. Il était devenu reconnaissable parmi les loups et lieu de tous les soupçons. Pour échapper à cette marque infâmante, celui-ci organise le tournoi du loup le plus fort. Il attache solidement les loups de son clan par la queue à un arbre géant, car le plus fort sera celui qui se détache la queue le premier. Mais au lieu de suivre la règle du concours, il se mit à crier : «Les braconniers! Les braconniers!». Pour s'échapper, ils avaient eu tous la queue coupée comme lui. De la sorte, le loup à la queue s'était lavé de tout soupçon. Le conte analogue médiéval occidental, du loup à la queue tranchée, héros du «le Roman de Renart», est inspiré de l'ouverture d'immenses débouchés commerciaux du côté de l'Orient par les Croisades. On lui impute aussi pour origine les fables latines de Phèdre (15e-5e siècles, Av. J.-C.), Esope (VIIe -VIe siècle Av. J.-C.), ou l'indien ou persan Piplay (Baïdaba), arabisé par le persan islamisé Ibn al-Moqafae (mort vers le milieu du VIIIe siècle). De la branche III du roman, on peut citer en vieux français par analogie : «Renart voit, sur la route, une voiture chargée de poissons. Il contrefait le mort et les marchands, tout joyeux, chargent le cadavre pour en vendre la peau. Le goupil se gave de harengs, se passe autour du corps trois colliers d'anguilles et tire sa révérence aux marchands ébaudis. Rentré chez lui, il prépare une succulente friture quand frappe à la porte de son castel Ysengrin le loup, affamé comme toujours : attiré par l'odeur, il vient quêter pitance. Mais il faut, pour être admis au festin, qu'Ysengrin entre au préalable dans la confrérie de moines à laquelle appartient maintenant Renart (...). Fort en colère, Ysengrin se résigne pourtant à passer la «nuit d'épreuve» qui doit marquer la fin du noviciat. Ysengrin [le loup] et Renart, cheminant de concert, arrivent auprès d'un vivier dont l'eau est gelée. Qu'Ysengrin s'attache un seau d'eau à la queue: on fera passer le seau par un trou qu'ont ménagé dans la glace les bergers pour faire boire les troupeaux – au matin, dit Renart, le seau sera plein de poissons. Ysengrin s'accroupit, le seau à la queue et Renart le regarde goguenard : «son groin entre ses pieds». Au matin, l'eau a gelé. Ysengrin est prisonnier. Des chasseurs surviennent et Renart détale. Ysengrin par maladresse d'un des chasseurs, a la queue tranchée net et s'échappe en hurlant, jurant bien qu'il tirera vengeance de Renart.» - «Moyen-Age. C'est aussi le cas de la littérature active des temps modernes transculturels entre les deux rives de la Méditerranée. II. La transculturalité littéraire active des temps modernes entre les deux rives de la Méditerranée : Il est à remarquer avec I. Hunke que malgré les vicissitudes de l'histoire, cette transculturalité s'ancre profondément dans son héritage arabe en constatant : «Deux siècles durant, les Arabes resserrent si fortement leur étau autour de l'Italie que celle-ci semble bien destinée à partager le sort de l'Espagne. Après la Sicile, appelés à l'aide par Naples et les comtes Bénévent, ils occupent l'Apulie et la Calabre, menacent Rome et même la puissante Venise. En dépit de certaines vicissitudes, ils demeurent jusqu'en 915 les maîtres de l'Italie du Sud. Entre-temps toutes les îles de la Méditerranée occidentale étant passées sous la domination arabe, la Méditerranée elle-même est devenue une mer arabe, à l'exception de sa partie orientale où Byzance maintient sa souveraineté.» Cela se préfigure à précisément travers : 1. La transculturalité littéraire active des temps modernes dans la littérature philosophique entre les deux rives de la Méditerranée : On saisit plus particulièrement cette transculturalité à travers cette notion des temps modernes, définie par Marcel Braunschvig en ces termes : «Depuis la Renaissance et la Pléiade [XVIe siècle] la croyance à la supériorité des anciens était comme un dogme dans notre littérature [européenne]. Mais vers la fin du XVIIe siècle une réaction se produit contre cette admiration superstitieuse du passé : c'est la Querelle des anciens et des modernes (...). Mais (...) il y a eu au XVIIe siècle des attaques isolées contre les anciens : cette opposition à l'antiquité se rencontre soit chez des philosophes [v. Descartes, Pascal...] qui, posant la question du progrès, en viennent à mettre en doute la supériorité jusque-là incontestée des anciens; soit chez des littérateurs qui, pour des raisons d'esthétique et de morale, revendiquent le droit d'employer dans leurs œuvres le merveilleux chrétiens [en Occident] au lieu du merveilleux païen [v. arabe]...» – «NOTRE LITTERATURE étudiée DANS LES TEXTES I, DES ORIGINES A LA FIN DU XVIIe SIECLE», Ed. Lib. A. Colin, 1962. Voyons ainsi : «Le doute méthodique» chez le philosophe Al Ghazzali (1058-1111) est nommé ainsi parce qu'il ne s'arrête pas au doute en soi, mais parce qu'il a été trouvé à l'origine par ce dernier pour servir de point d'appui en vue d'atteindre la certitude, c'est-à-dire qu'il constitue un procédé transitoire à travers lequel nous orientons vers la vérité, la vérité certaine non partielle – «Achchaku al minhajiu min al imam Ghazzali ila dikart. Mais il conclut, selon R.P. Chenu, à la vérité mystique projetée par Dieu dans son cœur [l'égo]. «Ghazzali, maître en tasawuf (soufisme), écrit-il, cherchait l'équilibre de l'expérience religieuse et de ‘l'intelligence' de la foi, l'accord de la foi et de la raison. Ce qui l'amena à se dresser aussi contre les ‘philosophes', contre les théologiens du kalam, destructeurs à son avis de la vivification de l'esprit [dupe du recours à la connaissance incertaines des sens, de la raison ou des dogmes]. - «La coexistence culturelle de la civilisation arabe maghrébine et de la civilisation occidentale au Moyen Age», in «Confluent». «Le doute méthodique» chez le philosophe Descartes (1596-1650) est défini dans le «Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences, II» (1637). «...Descartes après avoir mis systématiquement et provisoirement en doute toutes les opinions reçues jusque-là dans son esprit [connaissance incertaine des sens, de la raison et des dogmes], note M. Braunschvig, (à l'exception cependant des opinions religieuses, politiques et morales), essaye de reconstruire l'édifice de sa vie intellectuelle, en s'appuyant sur la première proposition certaine qu'il rencontre [le cogito/ le moi] : «Je pense, donc je suis.» - «NOTRE LITTERATURE étudiée DANS LES TEXTES I, DES ORIGINES A LA FIN DU XVIIe SIECLE. Geber, Djâbir ibn Hayyan (721-825) appuyant le groupe religieux Ikhwan as-Safa (IXe siècle) et Blaise Pascal (1623-1662) le groupe religieux de Port Royal (XVIIe siècle) montrent la transculturalité philosophique active moderne entre les deux rive de la méditerranée. En effet, «les Rasâla'il al-Ikhwan al-afâ' (Les Épîtres des frères de la pureté), indique un article de Wikipédia, sont composées de cinquante deux épîtres (...) incluant (Al-Risâla al-jâmi'a) (...). Les auteurs [de ces épîtres] vivaient à Bassora en Irak et étaient liés à la da'wa shî'ite ismaélienne. C'est dans cette période complexe pré-fâtimide que Jâbir ibn Hayyân [721-825] (...) a écrit de nombreux traités [farcie d'une propagande ismaélienne incorporée des épîtres] sur l'alchimie et la science mystique (...). Les Ikhwan al-Safâ' sont restés un groupe anonyme, mais quand on a demandé à Abû Hayyân al-Tawhîdî de les identifier, il a énuméré certains d'entre eux : Abû Sulaymân al-Bustî, Älî b. Hârûn al-Zanajânî, Muhammad al-Nahrajûrî ...– «Ikhwan al-Safa». Ils développent leurs épîtres des thèmes liés à l'homme en tant que microcosme, le développement des âmes dans le corps, la limite de connaissance, la mort, le plaisir, l'intelligence et l'intelligible, la résurrection, l'appel à Dieu, la hiérarchie, la politique, etc. – «Ikhwan as-Safa»,»Le soleil d'Allah brille sur l'Occident». Blaise Pascal [1623-1662], entré à Port-Royal [foyer des jansénistes partisans de la prédestination de l'homme voué, dès sa naissance, au salut ou à la damnation, en lutte contre les jésuites partisans de la grâce suffisante de l'homme doué, en naissant, d'une volonté humaine dans l'œuvre du salut], en janvier 1655, selon M. Braunchvig, il ne tarde pas à être mêlé à la lutte. Le Grand Arnault [membre janséniste du groupe de Port-Royal] écrit, le 24 février et le 10 juillet, ses deux Lettres à un duc et pair (le duc de Luynes), pour protester contre le refus des sacrements par le curé de Saint-Sulpice au duc de Liancourt, simplement coupable de faire élever sa petite-fille à Port-Royal. A la suite de ces lettres Arnault est exclu de la Faculté de Théologie (janvier 1656). C'est alors pour soumettre le cas à l'opinion publique, il [Arnault] prie Pascal d'intervenir (...). Et Pascal compose, du 23 janvier 1656 au 24 mars 1657, ses dix-huit Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte [Blaise Pascal lui-même] à un provincial de ses amis et aux RP. PP. Jésuites sur le sujet de la morale et de la politique de ces pères. Le miracle de la sainte Épine, le 24 mars 1656, soutint l'énergie de Port-Royal, qui crut y voir la preuve que Dieu se prononçait en sa faveur. L'ouvrage de Pascal, condamné par le pape et par la Sorbonne, lacéré et brûlé par Arrêté du Conseil d'État, n'en fut pas moins un grand succès pour la cause janséniste et un rude coup porté aux jésuites. De plus, Pascal traite comme Jâbir et Ikhwna al-Safa, dans les Pensées, de la place de l'homme dans le monde, de la vérité, du bien et du mal ou du bonheur, de l'imagination, de la raison, du divertissement, des prophéties, de l'intelligence, de la grâce, de la volonté, de la croyance, de Dieu...». Ainsi est-il de la littérature savante entre les deux rives de la Méditerranée : La transculturalité littéraire active des temps modernes dans la littérature savante entre les deux rives de la Méditerranée : Pour souligner cette transculturalité, S. Hunke remarque notamment : «Depuis trois siècles, les Arabes fournissaient en manuels toutes les universités d'Europe. Les incomparables biens spirituels d'un ennemi qui, bien que militairement vaincu [depuis 1492], n'en restait pas moins profondément admiré n'exerçaient-ils pas plus que jamais leur attrait, et ceci bien que l'aveu d'une trop vive sympathie risquât d'être dangereuse?». On relève dans ce sens notamment par exemple: «Le chirurgien andalou Abou-Qasim (mort en 1013), écrit-elle, n'enrichit-il pas considérablement la médecine par sa description de l'hémophilie dont il a observé plusieurs cas dans une même famille? Sept cents avant Percivall Pott (1713-1788), il poursuit des recherches sur la tuberculose des vertèbres, maladie qui parut plus tard, sous le nom de mal de Pott, perpétuera la mémoire du savant anglais. En plus de ses nombreuses innovations en matière de chirurgie générale (cautérisation des plaies, destruction des calculs de la vésicule, dissections et vivisection), il contribue largement au développement de la gynécologie, spécialité que les Grecs avaient laissé stagner, et cela grâce à de nouvelles méthodes et de nouveaux instruments. Abou-Qasim invente également de nouveaux procédés de manipulation et d'intervention obstétricales destinés à donner au fœtus une présentation normale. Il est le premier à recommander pour l'accouchement une position à laquelle Soranus comme ses prédécesseurs s'étaient fortement opposés et que l'on nomme aujourd'hui la «position Walcher» du nom d'un gynécologue de Stuttgart (1856-1935) : allongement sur le dos, jambes écartées et surélevées. Il la recommande d'ailleurs pour toute intervention obstétricale (...).Il enseigne le traitement des malformations de la bouche et de la mâchoire (...). Quant à la ligature des artères qui fit la renommée du grand chirurgien français Ambroise Paré (1517-1590), le premier dit-on à l'avoir entreprise en 1552, en réalité Abou-Qasim l'effectuait déjà six cents ans plus tôt dans les cas d'amputation, ouvrant de ce fait à cette opération une ère de progrès considérables. Son professeur d'anatomie, Michel Servet (1511-1553], Sylvius compose en 1545 un commentaire aux ouvrages de Rhases (...) [854-925]. Entre 1486 et 1542, seulement paraissent cinq éditions complètes du Contens [al Hawi], la volumineuse œuvre maîtresse de Rhases, pourtant si onéreuse, sans compter de nombreux tirages de certains extraits de l'ouvrage. Son Traité sur la variole et la rougeole est imprimé plus de quarante fois entre 1498 et 1866 : voilà donc un ouvrage qui a réussi à retenir l'attention et la faveur des érudits un millénaire durant! Aujourd'hui encore [en 1963], il est considéré comme un classique. A vrai dire, sur le plan de l'expérience chimique personnelle, Roger Bacon [1214-1294] L'influence directe des Arabes sur la pharmacopée occidentale survécut à l'humanisme et à la Renaissance [XVIe siècle]. Elle poursuivit son action jusqu'au XIXe siècle. En 1758 parut une nouvelle édition d'une partie de l'ouvrage de pharmacologie d'Ibn al-Baïtar (...) [1197-1249]. En 1830, les nouvelles pharmacopées européennes continuaient encore à puiser aux sources arabes. En 1832, parut une nouvelle édition du manuscrit arabo-persan de l'Arménien Mechithar, datant du XIIe siècle.» -»Le soleil d'Allah brille sur l'Occident ».. 3. La transculturalité littéraire active des temps modernes dans la littérature de fiction entre les deux rives de la Méditerranée : Concernant cette transculturalité, il siérait d'évoquer avec S. Hunke l'amour de pure fiction du troubadour provençal imitant l'amour sincère du poète arabe originel : «Il y a néanmoins une différence essentielle : ce qui chez les Arabes est sincèrement et profondément ressenti n'est en Occident qu'une mode. Lorsqu'un troubadour provençal proclame que rien ne pourrait le rendre plus heureux que d'être «le serviteur et l'esclave obéissent et soumis» de sa dame, que d'être «entièrement en son pouvoir», si elle voulait seulement daigner «l'accepter pour esclave», il sacrifie à une fiction purement poétique [imitation factice], une nouvelle forme de galanterie dénuée d'authenticité qui vise seulement à décrire le plaisir d'un jeu mondain auquel s'adonne le chevalier et sa dame.» - «Le soleil d'Allah brille sur l'Occident. Il en est-t-il de même de : «La saison poétique en enfer d'Abu al Ala' al Ma'ari (995-1081) et Dante d'Alighieri (1265-1321), comme furent des exemples éloquents de cette transculturalité littéraire active des temps modernes dans la littérature de fiction entre les deux rives de la Méditerranée. Dans «Risalatu al-Ghufrän» (l'Épitre) al Maâri expose ses opinions critiques littéraires. Il y dicte en réplique à l'un de ses contemporains, Ali ben Mansour al Halabi, surnommé ibn al Qarih, une épître composée de deux parties : la première narre le voyage céleste d'ibn al Qarih au paradis et en enfer; la seconde la réplique d'al Maâri à ibn al Qarih. Il expose dans l'épître des questions linguistiques, des confrontations entre les poètes défunts : al Aâchâ (530-629), al Nâbigha Djaâdî, Qaïs ben Abdallah, Imru'u al Qaïs (m. en 540), Abû Nawas (762-813). Il campe Djaâdi jugeant al Aâchâ : «T'infatues-tu car des ignorants te comptent le quatrième des quatre grands poètes arabes? Tes électeurs ont menti. Je suis plus prolifique que toi, plus entreprenant, ayant atteint un nombre de vers que nul arabe n'a atteints avant moi.» – «Al Adabu wa al Nusûs, V», Maktabatu al Rachad, 1971. L'italien Dante d'Alighieri (1265-1321), a par la suite écrit la Divine comédie (la Commedia : en1555) sous forme d'un poème en témoignage de la civilisation médiévale, en s'inspirant du sanglant conflit qu'il a lui-même vécu en Italie entre les Guelfes (Guelfi) et les Gibelins (Ghebellini) (1125-1300). Il se réfère à l'Éneide à l'Apocalypse de Paul comme récit de voyage, selon Wikipédia, non à un contemporain immédiat arabe al Maâri, passé sous silence, sur la rive Sud méditerranéenne. Le poème est divisé en trois parties : inferno (l'Enfer), Purgatorio (le Purgatorio), et Paradisio (le Paradis). Le poète narre un voyage à travers les trois règnes supraterrestres qui le conduira jusqu'à la vision médiéval du monde. Dante, selon Philippe Sollers, insiste sur l'exception qui permet de dévoiler la règle (Virgile – poète latin rencontré), dans l'Éneide, fait de même : Énée était conduit aux enfers par la Sibylle (organe signifiant), et Dante précise que le langage de Virgile est la clef de son pouvoir sur le monde d'en-bas (...). Outre Virgile son guide, il y rencontre les poètes : Stace (45-96 Apr. J.-C.), Cavalcanti (1225-1300) et Béatrice [1265-1290] (langue latine/ langue italienne). «C'est peu dire, en effet, ajoute Sollers, que de constater l'appel constant de la Comédie au lecteur (...) : «O toi qui lis tu entendras un jeu nouveau»/ de l'enfer.» – «Divine Comédie»-»L'écriture et l'expérience des limites», Ed. du Seuil, 1968. De «Haï ibn Yaqdan» d'Ibn Tofaïl (m. en 1185) à «Robinson Crusoé» de Daniel Defoe (660-1731) ou l'homme à l'état de nature. Dans le récit utopique «Haï ibn Yaqdan», Ibn Tofaïl conte la vie d'un enfant nommé Haï ibn Yaqdan (le Vivant fils l'éveillé) qui grandit seul sur une île, symbolisant l'homme en rapport avec l'univers et la religion. Sa naissance demeure une énigme, mais la version la plus répandue est qu'il l'enfant de la sœur du roi de l'une des îles indiennes et d'un de ses parent nommé Yaqdan, le fruit d'un mariage secret interdit par le roi. A sa naissance, elle met l'enfant dans une boîte et le jette à la mer. La boîte dérive sur le rivage de l'île environnante d'al Waqwaq. Une antilope ayant perdu son petit entend ses pleurs et l'allaite et l'adopte. A sept ans celle-ci meurt et en la disséquant, il découvre le sens de la vie et de mort, la diversité des êtres, le feu, l'espace, l'âme et le corps, pour aboutir à la foi en Dieu. Le conte conclut à la compatibilité entre la raison et la foi englobant des opinions philosophiques et mystiques dans le texte. De la même manière, le roman «Robinson Crusoé» (1719) de l'anglais Daniel Defoe (660-1731) raconte la vie et les aventures étranges de Robinson Crusoé, un marin qui allait vivre 28 ans sur une île déserte. Robinson quitte York, en 1659, en Angleterre pour naviguer, contre la volonté de ses parents qui voulaient qu'il devienne avocat. Le navire arraisonné par les pirates de Salé (les fameux Sallee Rovers) et Crusoé devient l'esclave d'un Maure. Il parvient à s'échapper sur un bateau et se fait sauver par un navire portugais sur la côte ouest de l'Afrique. Il devient propriétaire d'une plantation au Brésil. Lors d'une expédition partie à la recherche des esclaves africains, il est naufragé par la tempête sur la côte de l'Amérique du Sud, près de l'embouchure du grand fleuve Orénoque. Il est le seul survivant avec quelques outils et armes récupérés dans l'épave. Il réussit à survivre grâce à sa créativité, ses découvertes et son ingéniosité. A la visite des cannibales à l'île Désespoir, il adopte et instruit un de leur prisonnier évadé, qu'il nomme Vendredi. 28 ans plus tard, il est sauvé par un navire anglais, en prenant le contrôle d'une mutinerie à bord et retourne en Angleterre – «Robinson Crusoé». En conclusion à ce bref panorama de «la transculturalité littéraire et savante active entre les deux rives de la Méditerranée», des littératures philosophiques, savantes, populaires et de fiction, des âges classiques aux temps modernes, il siérait alors à notre sens de poser la pierre angulaire des échanges universitaires autour ces deux rives ouvertes sur le passé, le présent et l'avenir de cette communauté méditerranéenne antique et moderne que nous appelons de tous nos vœux aujourd'hui, en avisant avec M. Naïmi dans cette perspective : «Intense entre Européens, la coopération universitaire est fort limitée au Sud et entre les deux rives. Que faire? Ces thèmes, rarement abordés, sont traités par Salvino Busuttil, coordinateur du plan d'action pour la Méditerranée, depuis 1991, ancien directeur de l'Unesco (1977-1987), puis directeur de la Fondation pour les études internationales (Malte). Son étude intitulée «Vers un projet Averroès des universités» insiste sur le droit des universités méditerranéennes d'exercer une influence décisive des sociétés vivant sur les deux rives [de la Méditerranée].» - «La Méditerranée réinventée, in «Maroc Europe».