Quelque 2.600 océanographes réunis en Australie ont prévenu que les récifs coralliens dans le monde étaient en train de décliner rapidement et ont appelé à agir de manière urgente sur le changement climatique pour sauver ce qu'il en reste. Dans un appel inédit publié à l'occasion du Symposium international sur les récifs coralliens, à Cairns (nord-est), ces scientifiques parmi les plus réputés dans leur domaine soulignent que les moyens de subsistance de dizaines de millions de personnes sont en danger. Les récifs procurent travail et nourriture à nombre d'habitants des régions côtières dans le monde, génèrent des revenus via le tourisme et servent de brise-lames naturels en cas de fortes vagues et de tempêtes, indiquent-ils. Les scientifiques réclament des mesures urgentes pour parer aux dégâts croissants causés par la montée de la température des océans, l'acidification des eaux, la surpêche et la pollution venue des terres. «Nous avons une fenêtre dans le temps pour que le monde puisse agir sur le changement climatique, mais elle se rétrécit rapidement», a déclaré Terry Hughes, président du symposium, qui se tient tous les quatre ans en présence de scientifiques de quelque 80 pays. Aux Caraïbes par exemple, 75 à 85% de la surface occupée par les coraux a été perdue ces 35 dernières années, note Jeremy Jackson, océanographe au Smithsonian Institution (Etats-Unis). La Grande barrière de corail en Australie, qui est pourtant un des écosystèmes marins les mieux protégés au monde, a enregistré un déclin de 50% de ses coraux en un demi-siècle. «Ce qui est bon pour les coraux est aussi extrêmement important pour les gens, et nous devons nous réveiller», a déclaré M. Jackson. «L'avenir des récifs coralliens n'est pas la version marine du +il faut étreindre les arbres+, c'est un problème capital pour l'humanité». Stephen Palumbi, de la station marine Hopkins à l'université américaine de Stanford, souligne qu'il faut aussi résoudre les problèmes engendrés par un développement agraire anarchique et des pratiques de pêches intensives. Plus de 85% des récifs dans le «Triangle asiatique des coraux» sont menacés directement par des activités humaines, telles que le développement des régions côtières, la pollution et la surpêche. Le Triangle asiatique comprend l'Indonésie, la Malaisie, la Papouasie-Nouvelle Guinée, les Philippines, les îles Salomon, le Timor oriental. Il couvre près de 30% des récifs coralliens du monde et abrite plus de 3.000 espèces de poissons. L'appel commun aux 2.600 scientifiques n'est pas un effort supplémentaire visant à décrire la situation, a insisté le président de la Société internationale de l'étude des récifs, Robert Richmond. «La communauté scientifique a produit une énorme quantité de recherches montrant que nous avons un problème. Maintenant, nous sommes comme des médecins qui ont diagnostiqué la maladie du patient, mais sans donner des remèdes efficaces», a-t-il déclaré. «Nous devons être engagés de manière plus active et apporter aux autorités publiques des ordonnances permettant de réussir», a-t-il ajouté. La grande barrière de corail menacée par le boom de l'exploitation minière L'Unesco avait exhorté l'Australie à prendre des mesures urgentes pour protéger la Grande barrière de corail du boom de l'exploitation minière et du gaz, menaçant de l'ajouter à la liste des sites «en danger» du patrimoine de l'humanité L'Australie a lancé un programme d'investissements sans précédent dans l'exploitation des ressources énergétiques pour répondre à la demande croissante de l'Asie, avec un projet de pipeline de 450 milliards de dollars australiens (435 milliards de dollars). La plus grande barrière de corail du monde n'est pas encore suffisamment touchée pour être déclarée en danger, mais l'Unesco estime que le nombre et l'importance des projets, y compris ceux concernant le gaz naturel liquéfié (LGN), de tourisme et l'exploitaion minière représentent une réelle menace. La baisse de la qualité de l'eau et le changement du climat sont des enjeux majeurs mais il est «essentiel de freiner le développement économique qui menace la résistance de la barrière de corail», a déclaré l'Unesco. Le comité a menacé de classer le site «en danger» si certains des plus grands projets n'étaient pas abandonnés, accordant huit mois à l'Australie pour adopter une charte de développement plus soutenable. Le ministre australien de l'environnement Tony Burke a reconnu que la barrière de corail était exposée «aux risques du changement climatique et à l'impact du développement côtier» et que Canberra en était «tout à fait conscient». «Malgré la complexité de ces questions, nous sommes déterminés à y faire face en prenant une série de dispositions sur la côte et l'environnement marin», a ajouté M. Burke. Campbell Newman, le Premier ministre de l'Etat du Queensland, qui est localement responsable de la barrière, a rappelé lui que sa région vivait de l'exploitation du charbon et qu'il n'était pas question de mettre en danger l'avenir économique du Queensland mais qu'il protégerait l'environnement. Les défenseurs de l'environnement ont appelé à une prise de conscience du gouvernement, l'Australian Conservation Foundation (ACF) considérant que le risque d'être épinglé par l'Unesco serait une «honte nationale» pour le pays. Une mission de l'Unesco venue en mars estimer l'impact du projet d'exploitation de gaz naturel sur l'île Curtis a conclu à des conséquences sérieuses pour l'environnement du boom «sans précédent» du développement minier. Le port de Gladstone --un hub pour l'exportation du charbon vers le Japon, l'Inde, la Corée du nord et la Chine-- a entrepris d'énormes travaux d'expansion qui selon les défenseurs de l'environnement, détruise la vie marine. L'Unesco a estimé que les mesures environnementales prises par le gouvernement à Gladstone et sur l'île Curtis, avec un projet de LNG visant une production annuelle de 12 millions de tonnes, étaient nettement insuffisantes pour protéger le récif. M. Burke a admis qu'il y avait des «décisions significatives» à prendre concernant l'avenir de la barrière de corail, mais a rappelé que certains projets inquiétant l'Unesco avaient été revus à la baisse depuis leur visite.