Il existe des contradictions évidentes entre l'enseignement islamique et les systèmes d'intermédiation financière qui ont vu le jour au cours des trois derniers siècles. En particulier, les prêts axés sur les intérêts constituent une composante clé de la pratique bancaire moderne, tandis que selon l'enseignement islamique, la perception de riba, montant supplémentaire ajouté au principal d'un prêt, relève de l'exploitation. Le simple fait de générer des revenus à partir des prêts accordés est inacceptable, le premier principe financier de l'Islam étant que le revenu doit récompenser l'effort. Les salaires et émoluments sont justifiés par le travail, les bénéfices constituent la rétribution légitime des risques commerciaux et les baux un droit découlant des responsabilités liées à la propriété. Les intérêts ne s'inscrivent dans aucune de ces catégories. L'enseignement islamique reconnaît que le risque financier est inévitable, étant donné qu'il a toujours existé des cycles commerciaux et que les acteurs du marché, notamment les investisseurs, commettent souvent des erreurs. Le deuxième principe islamique exige que les risques commerciaux soient mieux partagés afin d'éviter d'imposer des risques excessifs à l'une des parties. Un accent particulier est mis sur la solidarité ou la fraternité, les uns partageant le fardeau des autres. La plupart des contrats financiers islamiques prévoient le partage des risques, les responsabilités liées à la propriété étant assumées par les investisseurs afin de justifier leur revenu. Le risque ne doit pas être pris pour le plaisir, comme c'est le cas avec les jeux de hasard ou masir interdits, mais doit servir une cause juste et sociale. Le troisième principe financier islamique consiste à éviter les incertitudes contractuelles susceptibles de se traduire par l'exploitation de l'une des parties par l'autre. Ces pratiques constituent ce qu'il est convenu d'appeler gharar et qui est formellement interdit par l'enseignement islamique, tel que stipulé dans le Hadith, recueil des paroles et actes du Prophète. L'on estime que les accords verbaux ne sont pas satisfaisants, car ils entraînent souvent des litiges, les parties pouvant oublier les détails exacts des engagements pris. Les contrats écrits sont préférables, mais les formules trompeuses sont malhonnêtes ; d'où la nécessité d'établir des contrats clairs et transparents afin d'instaurer la confiance entre les différentes parties. On s'attend à ce que les parties aux contrats valables honorent leurs obligations contractuelles. Contrats financiers islamiques équitables Il existe une large gamme de contrats financiers islamiques qui servent chacun une cause particulière et veillent à l'équité des dispositions pour tous les signataires. Il incombe au financier ou investisseur de veiller à l'utilisation à bon escient des ressources en limitant le pouvoir discrétionnaire du bénéficiaire, l'objectif étant de garder un certain niveau de contrôle en vue d'éviter que le financement ne soit utilisé à des fins immorales. Les responsabilités contractuelles des parties atténuent les risques de corruption que favorisent les ambiguïtés et incertitudes. Les contrats financiers islamiques visent à assurer un niveau élevé de confiance entre les parties, réduisant ainsi les coûts de transactions à long terme et faisant mieux que compenser les frais supplémentaires liés au respect de la Charia. En cas de litige entre les parties contractantes, il incombe aux tribunaux nationaux de juger l'affaire, et non aux tribunaux de la Charia dont la compétence se limite aux affaires familiales et d'héritage dans la plupart des juridictions, notamment l'ensemble des pays d'Afrique du Nord. En général, le contrat précise l'autorité compétente en cas de litige. Il s'agit souvent d'instances de juridiction anglaise telles que Dubaï International Financial Centre (DIFC), qui dispose de ses propres tribunaux et centre d'arbitrage. Ses textes prévoient des dispositions concernant les sociétés à vocation spéciale, notamment celles qui gèrent l'émission des titres islamiques (sukuk). Pour des raisons de pertinence, les contrats financiers islamiques sont rédigés, en général, par des cabinets spécialisés dans le droit commercial au nombre desquelles figurent essentiellement des entités internationales de pointe telles que Norton Rose et Simmons and Simmons. Afin d'assurer le respect de la Charia, les institutions financières islamiques mettent en place un comité d'au moins trois experts de la Charia qui examinent tous les contrats et proposent des amendements, le cas échéant, avant de donner leur approbation sous forme d'une fatwa ou décision. Dans certaines juridictions, notamment la Malaisie, le Pakistan ou le Soudan, les banques centrales mettent sur pied leurs propres comités. Toutefois, cette pratique n'a cours nulle part ailleurs dans le monde arabe où il n'existe, du reste, pas de systèmes nationaux responsables du respect de la Charia. Cette privatisation inéluctable du respect de la Charia se traduit souvent par des écarts en ce qui concerne les normes adoptées par les différentes institutions financières islamiques, même au sein d'une même juridiction. Cependant, bien que l'on critique souvent ce manque de normalisation, celui-ci donne lieu à un débat salutaire et les clients sont libres, naturellement, de changer d'institution financière islamique s'ils ne sont pas convaincus de la validité de la fatwa. Dans la pratique, les contrats les plus courants proposés par les banques islamiques sont très similaires. Pour le financement des activités commerciales, la banque propose généralement un contrat de type mourabaha en vertu duquel elle achète les actions ou stocks au nom du client et les revend à celui-ci à un prix plus élevé qui comprend une marge bénéficiaire. Étant donné que les stocks appartiennent à la banque jusqu'à ce qu'elle les revende, celle-ci assume les risques liés à la propriété et si les biens revendus sont défectueux, le client est en droit de lui intenter un procès. Ainsi, les risques liés à l'achat sont partagés, ce qui justifie le bénéfice de la banque. En général, ces contrats sont valables pour une durée maximum d'une année, bien que des périodes plus longues soient parfois accordées, le client effectuant l'achat sous forme d'une série de paiements mensuels différés. Les différences entre les contrats reflètent, dans une large mesure, les besoins et situations des clients, et non des considérations liées à la Charia. Les banques islamiques proposent de plus en plus les idjara ou contrats de bail. Dans le cadre de ces contrats, la banque possède un actif donné pendant la durée du contrat et le client paie un loyer.La banque assume les responsabilités liées à la propriété et, s'il s'agit d'un bien immobilier ou d'équipements, elle est tenue de prendre en charge l'entretien et l'assurance. Le crédit-bail qui transfère tous les risques au client est inadmissible au titre de la Charia. En revanche, l'idjara constitue un bail d'exploitation en vertu duquel les risques sont partagés. Les banques islamiques assurent également le financement des partenariats sous forme de contrats moudaraba et moucharaka.Dans le cadre de moudaraba, seule la banque finance l'autre partenaire – l'entrepreneur ou le chef d'entreprise – qui apporte, en retour, son temps et ses efforts. Les bénéfices sont partagés, mais la banque, en tant que financier, assume la responsabilité de toutes pertes, étant donné qu'en cas de difficulté pour l'entreprise, le chef d'entreprise ne reçoit aucune rémunération. Par ailleurs, vu que l'autre partenaire n'a apporté aucune contribution au capital initial, il serait trop cruel de lui imputer la responsabilité des pertes. Les contrats de type moucharaka, au contraire, constituent une sorte de coentreprise en vertu de laquelle tous les investisseurs partagent tant les bénéfices que les pertes. Il n'est guère surprenant que les banques islamiques accordent la priorité aux contrats moucharaka pour le financement, utilisant les contrats moudaraba essentiellement pour les dépôts.