Le Brésil dont l'économie a été fortement libéralisée depuis 1990, faisant du pays la sixième économie mondiale, demeure également un des pays des plus inégalitaires au monde. Avec un PIB de 2 510 milliards de dollars en 2011 (Total GDP 2011, Banque Mondiale), une croissance en 2010 s'élevant à 7,5%, et un taux l'inflation inférieur à 6 %, le Brésil cache cependant des failles sociales sérieuses. Une importante population a été recensée comme pauvre (34 %), voire indigente (14 %), plus de 10% de la population ne sait ni lire ni écrire. Près de 16 millions de Brésiliens vivent toujours avec moins de 30 euros par mois. Et si la nouvelle classe moyenne consomme, c'est souvent à crédit. Les foyers brésiliens sont en effet parmi les plus endettés au monde. Cette situation qui marque le cas du Brésil montre que les réformes et le progrès économiques ne sont pas suffisants à eux seuls pour atteindre l'égalité sociale. Ainsi, parallèlement aux politiques de libéralisation permettant le progrès économique, le Brésil a mis en place la Bolsa Familia, programme de réduction de la pauvreté érigé au rang de priorité par le gouvernement de Lula. Fondements et finalités du système Compte tenu de son contexte social, de la pauvreté et des inégalités qui le marquent, le Brésil a mis en œuvre une politique sociale qui a pour objet l'amélioration des conditions de vie des populations pauvres dans une logique globale de développement économique et social. C'est ainsi que fut lancé en 2003 le programme Bolsa Familia par le Président Lula en tant que programme social phare pour appuyer son initiative « Faim Zéro », programme social ciblant les populations pauvres et extrêmement pauvres La Bolsa Familia est une dotation familiale conditionnée par une contractualisation avec les bénéficiaires qui sont les familles brésiliennes pauvres et extrêmement pauvres. Ces dernières bénéficient de ce programme de transferts monétaires à condition de scolariser leurs enfants et de suivre des parcours sanitaires (vaccination). Concernant la première condition, la présence scolaire est obligatoire et doit être d'un minimum de 85% pour les enfants de 6 à 15 ans, et de 75% pour les adolescents âgés entre 16 et 17 ans. Pour ce qui se rapporte à la santé, le suivi nutritionnel des femmes enceintes et allaitantes, ainsi que celui des enfants âgés de 7ans et moins, est obligatoire. Il est également exigé pour les familles bénéficiaires de faire le suivi pré et postnatal et de vacciner les enfants âgé de 7 ans et moins. Si la première finalité de ce programme est de contribuer à la réduction de la pauvreté et des inégalités en fournissant des transferts d'argent aux familles en situation de pauvreté et de pauvreté extrême, et de protéger de ce fait l'unité de la cellule familiale en contribuant à son développement, en préservant ses valeurs et en assurant son droit fondamental à la nourriture, sa logique globale dépasse cette visée. En effet, visant le développement économique et social du pays, le but ultime de la Bolsa Familia en tant que programme de transfert monétaire conditionnel est de rompre le cycle de transmission intergénérationnelle de la pauvreté, ce qui explique le fait de lier ces transferts au respect par les bénéficiaires de certaines conditions notamment la scolarisation des enfants. Les enfants étant mieux éduqués que leurs parents, sortent de la pauvreté et donc de l'assistance voire de l'« assistanat ». Mise en oeuvre du système Le Brésil a choisi de transférer les dotations aux familles à travers des sortes de cartes de crédit alimentées par les pouvoirs publics, cartes que les familles (plus précisément c'est la mère de famille qui reçoit la dotation) peuvent utiliser notamment dans les supermarchés. Afin de mener à bien le programme et d'éviter au maximum les risques de sa non répercussion sur les populations ciblées, un réel effort de coordination a été réalisé entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les autorités locales L'exécution du programme a en fait été décentralisée en confiant une partie de l'exécution du programme à chacune des autorités administratives du pays : - Le gouvernement fédéral : le ministère de développement social réglemente le programme et partage les coûts de fonctionnements avec l'administration provinciale et locale. Les ministères de la santé et de l'éducation sont responsables du contrôle des conditions au niveau fédéral. Les banques sont responsables du système de paiement. - Le gouvernement provincial : fournit un appui technique et de formation pour les municipalités, il fournit également les services publics, et émet la documentation nécessaire pour les bénéficiaires potentiels - Les autorités locales: identifient et enregistrent les familles nécessiteuses, fournissent les services publics, et assurent le suivi avec les familles quant à leur accès aux soins et à l'éducation. La mise en oeuvre du programme de la Bolsa familia varie par famille, par nombre d'enfants et par revenu. L'allocation par famille varie entre 17,8 et 134,44 dollars américains (entre 32 et 242 reals), la logique globale étant d'assurer un revenu d'aide supplémentaire aux familles ciblées. Deux catégories de familles sont concernées : les familles extrêmement pauvres qui sont celles dont le revenu mensuel par personne est limité à US$ 39 ; les familles pauvres qui sont celles ayant un revenu par personne limité à 78 US $. Le nombre d'enfants âgés entre 0 et 15 ans pouvant bénéficier de l'aide est limité à trois. Le nombre de jeunes âgés entre 16 et 17 ans pouvant bénéficier de l'aide est limité à deux. Le Brésil a donc choisi d'allouer différents montants de transfert mensuel selon le revenu de la famille et du nombre d'enfants. Ainsi trois types de transfert ont été identifiés : - Une allocation basique de 39 US $ par mois est allouée à chaque famille extrêmement pauvre. Cette dotation ne tient pas compte du nombre d'enfants. - Une allocation variable de 17.80 US$ par enfant et par mois est allouée à chaque famille pauvre suivant le nombre d'enfants âgé entre 0 et 15 ans, jusqu'à un maximum de trois enfants. - Une allocation variable de 21,12 US $ par famille pauvre destinée à chaque enfant âgé entre 16 et 17 ans jusqu'à un maximum de deux enfants. Le transfert moyen par famille est de 62 US $. Notons que le SMIC est d'environ 300 US $ par mois. Depuis le début du programme, la Banque mondiale s'est engagée dans un projet de partenariat de longue durée avec le gouvernement brésilien pour l'implémentation du programme Bolsa Familia ainsi que son suivi. Ce programme est soutenu par un prêt de 572 millions US$. Le soutien au projet qui est effectif depuis juin 2005 aide à renforcer les capacités du programme en vue de réduire la pauvreté par : - la fusion des programmes de transferts d'argent et la réduction des écarts et des duplications dans la couverture; - le renforcement du système d'identification des populations cibles ; - la mise en place d'un système de suivi et d'évaluation du BFP ;- le renforcement du fonctionnement institutionnel de base du programme ». Programmes complémentaires au système Bolsa Familia D'autres programmes d'assistance aux populations nécessiteuses sont mis en place parallèlement à la Bolsa Familia: L'aide à travers les restaurants populaires : les gouvernements achètent des produits agricoles aux plus petits agriculteurs et les vendent à des prix réduits (car ces produits ne rentrent pas dans le circuit d'un marché normal avec des intermédiaires) aux restaurants populaires au niveau desquels les repas coûtent environ 1 dollar. Bien qu'ils soient ouverts à tout le monde, les restaurants populaires sont implémentés de manière à ne bénéficier qu'aux personnes à faibles revenus et aux sans abris. Chaque restaurant du programme produit un minimum de 1000 repas par jour, respectant les habitudes et la culture locale. Un autre programme complémentaire est celui de l'achat de lait aux petits agriculteurs brésiliens, lequel, transformé au niveau industriel, est distribué aux familles nécessiteuses, dont le revenu total ne dépasse pas la moitié du SMIC par habitant. Le système d'achat de produits alimentaires aux petits agriculteurs permet de minimiser l'exode rural. En ce qui concerne l'achat de médicaments, le ministère de la santé paye aux pharmacies partenaires avec le gouvernement, 90% du prix public et le bénéficiaire paye les 10% restants. Les traitements des diabètes et de l'hypertension sont gratuits.