Atténuer la pression exercée par les sanctions ou garantir une forme d'immunité pourrait bien être la seule façon, si tant est qu'il y en ait une, d'amener l'Iran à accepter l'enquête des inspecteurs de l'Onu sur son programme nucléaire. Une telle concession devrait probablement venir des grandes puissances qui tentent, par le biais de pressions diplomatiques répétées, de désamorcer le conflit à l'oeuvre depuis plusieurs années sur la nature du programme nucléaire iranien. La République islamique est soupçonnée par l'Occident de chercher à se doter de l'arme nucléaire sous couvert de son programme nucléaire civil. Téhéran dément et assure que son programme atomique est destiné uniquement à produire de l'électricité. Les cycles de discussions organisés depuis ces six derniers mois n'ont pas permis à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de convaincre Téhéran d'ouvrir l'accès à ses sites nucléaires, aux responsables concernés et aux documents dont l'agence onusienne a besoin pour mener son enquête. Les négociations en dents de scie n'ont fait par ailleurs que dévoiler à quel point les pouvoirs de l'AIEA sont limités, ce qui laisse supposer que Téhéran ne fera de concessions que s'il obtient quelque chose en retour. L'Iran pourrait notamment exiger que les inspecteurs n'utilisent pas contre lui les preuves qu'ils auront trouvées s'il leur accorde plus de liberté sur le terrain. Il n'a semblé utiliser jusqu'à présent ses discussions avec l'AIEA que pour se donner une marge de manœuvre dans ses rencontres séparées avec les grandes puissances. Le groupe des «Six» (Etats-Unis, Chine, Russie, France, Grande-Bretagne et Allemagne) souhaite quant à lui que l'Iran coopère totalement avec l'AIEA. Mais sa première volonté est que Téhéran stoppe toute activité nucléaire pour empêcher qu'il ne se dote de la bombe atomique. « L'énigme de la poule et de l'œuf » Pour Ali Vaez, membre du cercle de réflexion l'International Crisis Group, la relation entre l'Iran et l'AIEA est devenue «l'otage du jusqu'au-boutisme nucléaire» de Téhéran et du groupe des Six. A l'inverse des exigences des Six, l'Iran souhaite que soit reconnu son droit à enrichir de l'uranium et que les sanctions qui pèsent sur son économie soient levées. Une présentation détaillée de la position de négociation de Téhéran, publiée dans les médias iraniens, montre que l'Iran s'attend à un assouplissement des sanctions en échange d'une collaboration plus «transparente» avec l'AIEA. «La situation ressemble à l'énigme de la poule et de l'œuf. La crise du nucléaire iranien ne peut être résolue sans que l'AIEA ne fasse un bilan satisfaisant, mais ce bilan ne pourra intervenir que si la crise est résolue», a déclaré Ali Vaez. Les Etats-Unis et leurs alliés ont cependant exclu toute levée des sanctions si l'Iran continue à refuser de prendre des mesures concrètes pour apaiser leurs inquiétudes. «Il y a une autre école qui pense que l'Iran veut simplement gagner du temps et que c'est une manière de laisser la voie ouverte aux négociations, d'empêcher une intervention militaire et de permettre à son programme nucléaire d'avancer», a déclaré Shannon Kile de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI). L'AIEA « baladée » par Téhéran Le refus de l'Iran de collaborer avec l'AIEA et de restreindre son programme nucléaire a donné lieu depuis 2006 à quatre cycles de résolutions au Conseil de sécurité de l'Onu, ainsi qu'à des mesures séparées des pays occidentaux. Ces derniers ont récemment accru leur pression après qu'un rapport de l'AIEA a révélé l'an dernier que l'Iran mettait toutes ses capacités dans la recherche et le développement de technologies nécessaires à la conception de l'arme nucléaire. L'AIEA souhaite que la République islamique réponde aux questions soulevées par ce rapport et notamment aux expériences nucléaires qu'elle est accusée d'avoir menées sur le site de Parchin. Les experts de l'AIEA ont entrepris dans ce but trois visites à Téhéran depuis janvier. Mais alors que l'AIEA espérait conclure le mois dernier un accord sur la méthode d'enquête sur le terrain, l'Iran a proposé en lieu et place d'amender le texte pour limiter le travail des inspecteurs, ont déclaré des diplomates. L'Iran a «baladé» l'AIEA, a estimé un ambassadeur, faisant référence à l'échec du voyage du directeur général de l'AIEA, Yukiya Amano, en mai à Téhéran. Les responsables de l'AIEA «ont été tellement déçus et frustrés la dernière fois qu'ils n'ont pas envie de renouveler l'expérience», a ajouté un diplomate au sujet des perspectives de discussions à venir. Mais Téhéran affirme que d'autres rencontres auront lieu avec l'AIEA. «Il a pu y avoir un petit blocage mais les choses vont s'accélérer», a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères Ali Akbar Salehi, pour qui la perspective d'un accord est acquise.