La lecture des données afférentes à la situation hydrologique nationale font état d'un contexte qui, en termes de précipitations et de distribution, demeure dominé par des irrégularités annuelles conjuguées à une variabilité interannuelle très prononcée. Selon les spécialistes du domaine, une autre particularité de ce contexte réside dans le fait d'une alternance de séquences de forte hydraulicité et de séquences de sécheresse d'intensité et de durée plus ou moins variables. Ce qui fait que, généralement, les moyennes annuelles des précipitations atteignent plus de 1000 mm (1 million de m3 par km2) dans les zones montagneuses du Nord (Rif Tangérois et Côtiers Méditerranéens Ouest) et moins de 300 mm (300.000 m3 par km2) dans les bassins de la Moulouya, du Tensift, du Souss-Massa, des zones sud-atlasiques et de la zone saharienne, soit pratiquement près de 85% de l'ensemble de la superficie du Royaume. Et dans le temps, le nombre de jours pluvieux varie lui aussi et se situe à 30 au Sud du pays et à près de 70 au Nord. Ceci pour dire que c'est justement ce genre de contrainte, de plus en plus consacrée par une répartition inégale de précipitations pluviométriques, qui a été à l'origine de la construction de grands barrages qualifiés de réservoirs pour stocker les apports des années humides en vue de leur utilisation en années sèches. Quitte à procéder à des transferts d' eau des régions favorisées vers les régions déficitaires en eau dans le but de tendre à une sorte d'équilibre économique et social qui profiterait à l'ensemble du territoire du Royaume. Aussi, faut - il constater que sur l'ensemble des ressources en eau de surface disponibles qui sont estimées à environ 29 milliards de m3, seuls 19 milliards de m3 sont mobilisables dans des conditions techniques et économiques qualifiées d'acceptables. Et la situation journalière des principaux grands barrages du Royaume évoque, jusqu'au 3 avril de l'année en cours, des réserves en eau de l'ordre de 10, 7 milliards de m3, soit un taux de remplissage de l'ordre de 68,4% contre 12,6 milliards de m3 et un taux de 80,3% une année auparavant. Ceci pour dire que le niveau des précipitations observé jusqu'ici n'a pas été à la hauteur des espérances des agriculteurs qui, au vu des conditions de démarrage de l'actuelle campagne, comptaient sur un ciel beaucoup plus clément et généreux. Les choses étant ce qu'elles sont, la sécheresse continue de présenter un risque quant au devenir de l'actuelle saison d'autant plus que les précipitations pluviométriques tant espérées au mois de février n'ont pas été au rendez-vous. Et l'espoir, porté sur le niveau de celles du mois de mars qui, probablement, pouvaient sauver le peu qui reste encore sauvable, s'est transformé en une amère déception. En attendant que le département de tutelle dresse un premier bilan et/ou répertorie les zones sinistrées, ce qui aurait quand même le mérite de fournir aux opérateurs agricoles une meilleure visibilité et de permettre aux agriculteurs déclarés sinistrés, ayant souscrit une police d'assurance, de prétendre à une quelconque indemnisation, nul besoin de rappeler l'impact d'une telle situation tant sur la qualité que sur les quantités des produits de terroirs, sans parler des opportunités d'emploi qui risquent de s'évaporer au niveau du monde rural dont le manque à gagner ou la facture à payer risque d'être des plus lourds. Il est tout à fait vrai qu'en vue de venir en aide au monde rural, un programme de soutien a été mis au point et en vertu duquel une enveloppe budgétaire de 1,53 milliard de dirhams a été allouée, principalement à la sauvegarde du cheptel dans les zones touchées. Et ce, parallèlement aux mesures afférentes à l'exonération des importations de l'orge des droits de douane, la mise en œuvre du programme d'aide au cheptel, l'approvisionnement en semences, y compris la révision à la hausse de la subvention accordée aux semences certifiées et l'activation de l'indemnisation des agriculteurs disposant de l'assurance multirisque agricole et dont les cultures de céréales et de légumineuses ont subi des dommages. Il est tout aussi vrai que le Gouvernement se dit mobilisé pour assurer un suivi continu de la situation sur le terrain et apporter plus de soutien aux agriculteurs et au monde rural d'une manière générale, s'il s'avère nécessaire. Or, il s'avère de plus en plus certain qu'avec le déficit pluviométrique observé jusqu'ici et à défaut d'une amélioration des conditions climatiques, la campagne agricole 2011/2012 serait une campagne difficile. Le spectre de la sécheresse risque de faire son apparition et même les zones irriguées risquent d'en pâtir dans la mesure où, par individu, le volume d'eau disponible risque d'être revu à la baisse. Ce qui fait que de nombreuses filières tendent à subir les effets d'une telle situation dont la filière céréalière qui se trouve sérieusement menacée. Au niveau de la production, en tout cas. Pour rappel, avec une superficie de 5,3 millions d'hectares, le Maroc produit, en moyenne, 50 millions de quintaux par an. Ce qui représente une contribution de 10 et 20% au PIB agricole et un chiffre d'affaires de 15 milliards de dirhams. Et ce, parallèlement au fait que bon an, mal an, le Maroc importe l'équivalent de 6 milliards de dhs. Or, les prévisions de la campagne céréalière, jusqu'ici disponibles, évoquent, dans le meilleur des cas, et sur la base de l'indicateur pluviométrique une prévision de la production céréalière de l'ordre de 38 millions de quintaux. Il reconnaître que le cumul pluviométrique observé jusqu'au 10 mars, de l'ordre de 163 m, en baisse de 50% par rapport à la campagne précédente et de 54% par rapport à une campagne moyenne, est à l'origine de cette contreperformance qui, sans nul doute, sera atténuée, autant soit peu, par les toutes dernières pluies, ne serait-ce qu'en terme d'amélioration du couvert végétal et d'amélioration de la nappe phréatique. Déjà, les dernières données publiées par le Centre Royal de Télédétection Spatiale, relatives à la dernière décade de février, révèlent que la partie Ouest du Royaume au Nord d'Essaouira, le Rif, l'extrême Est de la côte méditerranéenne et le Saïs, n'ont pas connu durant le mois de février, caractérisé par une pénurie pluviométrique, une baisse de l'activité chlorophyllienne du couvert végétal qui continue à se trouver dans un bon état. Ce qui n'a pas été le cas, dans les régions situées au Sud d'Essaouira qui ont connu une légère dégradation de cette activité. C'est dire l'utilité des précipitations qu'a connues tout récemment le pays. Les pluies qui ont touché de nombreuses régions du Royaume au Maroc, de manière plus ou moins intense à compter du jeudi 29 mars, auront au moins le mérite, à défaut de sauver la campagne, de limiter les dégâts, d'améliorer l'état des parcours, de freiner la tendance au renchérissement des cours du fourrage et de renfoncer la retenue en eau souterraine, ô combien utile dans les zones Sud surtout.