La régionalisation est l'un des chantiers majeurs que le Maroc entreprend dans la perspective de la gouvernance démocratique et du développement économique et social en phase avec les mutations qu'il connaît et les impératifs d'un développement global et intégré. A l'heure où la réflexion et le débat sur la régionalisation sont engagés, et après la remise à Sa Majesté le Roi par la Commission Consultative de la Régionalisation (CCR) de l'important rapport sur un projet de découpage territorial, des études ont été menées à ce sujet, dont celle de la Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF) relevant du ministère des Finances. Cette étude « s'essaye à mettre en relief la configuration économique des régions, selon le découpage proposé, via un indicateur synthétique de la comptabilité nationale, en l'occurrence le PIB. C'est dans ce cadre qu'elle explore les dynamiques régionales, en diachronie sur la dernière décennie, ainsi que les locomotives sectorielles qui sont derrière ces dynamiques avant d'appréhender les spécialisations sectorielles et les vocations « en devenir » des régions. La question des disparités régionales en matière de contribution à la croissance économique sera appréhendée et les « gains » découlant du nouveau découpage mesurés, sans que cela évacue la grande problématique des inégalités intra et interrégionales qui interpelle des choix, des mesures et un modèle de péréquation fondé sur une vision adaptée des finances locales au regard des défis en matière d'OMD. (objectifs du millénaire). L'analyse comparative des valeurs ajoutées sectorielles régionales selon le découpage actuel à 16 régions et le découpage proposé à 12 régions permettra de dresser le schéma de passage entre les deux, et ce, en captant davantage l'émergence de pôles économiquement forts et les changements économiques survenus sur les régions dont une province a été retranchée ou ajoutée. Cette démonstration passe par une représentation synthétique restituant une partie importante de l'ensemble de l'information (78,8%). Cette dimension synthétique offre ainsi un référentiel intéressant pour appréhender d'éventuelles mutations des appareils productifs locaux. En effet, en 2009, la segmentation des régions suivant leur similarité en termes de structure des valeurs ajoutées par secteur a confirmé une homogénéité de leurs économies en restituant quatre méga-régions : • Casablanca-Settat dont la position revient à l'importance de l'activité secondaire et tertiaire. • Souss-Massa qui présente une économie diversifiée articulée autour du secteur primaire et de la transformation de ses produits, en plus du secteur du tourisme. • Rabat-Salé-Kénitra dont la position revient plus à l'importance des activités eau et électricité, du BTP et des services non marchands. • Marrakech-Safi qui présente une économie diversifiée regroupant l'industrie extractive, les activités du secteur primaire, du tourisme et le BTP. Ces résultats rejoignent le principe fonctionnel lié à la polarisation urbaine appliquée lors du nouveau découpage au domaine atlantique, méditerranéen et intermédiaire constitué par des espaces de très fortes densités humaines et qui sont dotés d'armatures urbaines hiérarchisées, de grands ports et de métropoles régionales (cf. paragraphe 32.5 du premier livre de la CCR). Dans un contexte de mondialisation avancée, ce principe cherche à promouvoir l'atout métropolitain dans la délimitation de ces espaces régionaux. A l'instar des méga-régions, un groupe de régions intermédiaires a été constitué, selon le même principe de fonctionnalité, par les régions: Tanger-Tétouan, Oriental-Rif, Fès-Meknès et Béni-Mellal-Khénifra. Par ailleurs, l'étude révèle un groupement homogène des régions à caractère saharien et désertique situé au domaine ultra-atlasique connu par une structure fragile et une faiblesse de ses locomotives urbaines. Ce groupe est formé, selon le principe d'homogénéité jugé judicieux pour ce domaine, des régions de Guelmim-Oued Noun, de Darâa-Tafilalet, de Laâyoune-Saguia Al Hamra et Ed-Dakhla-Oued Ed-Dahab. En se référant à l'ancien découpage, il ressort que la région du Grand Casablanca a été renforcée par l'accolement des provinces d'El Jadida et de Berrechid soutenant ainsi la connotation industrielle de la nouvelle région de Casablanca-Settat. Cette dernière a profité de l'apport de la valeur ajoutée primaire émanant des provinces précitées et de celles de Ben Slimane et Settat, sans toutefois remettre en cause son leadership industriel. En retranchant la province de Tata, la région de Souss-Massa se spécialise davantage dans les activités des branches de l'agriculture, la pêche et le tourisme. La province de Safi a permis à la région de Marrakech-Safi d'améliorer son positionnement sur la cartographie économique nationale en se rapprochant des régions spécialisées en activités du secteur primaire et de l'industrie extractive. En effet, la région a profité de la valeur ajoutée du secteur de la pêche dont la structure moyenne sur la période 1998-2009 est passée de 1,3% pendant le découpage actuel pour atteindre 3,5%. Ainsi sa part dans l'agriculture s'est améliorée d'un point pendant la même période (de 7,7% à 8,7% dans la valeur ajoutée agricole nationale). La région de Marrakech-Safi a également tiré profit du site d'extraction des phosphates de la province Youssoufia qui s'est rattachée, à la région, augmentant ainsi sa part dans la VA de l'industrie extractive selon le découpage actuel de 14,9% à 26,4% en 2009. De même, la région de Rabat-Salé-Kénitra, qui a intégré la grande partie de l'ancienne région du Gharb-Chrarda-Bni Hsen, a vu son positionnement s ‘améliorer en renforçant sa vocation administrative par les activités de services non marchands d'une part, et en s'enrichissant, d'autre part, des apports des régions caractérisées par la prééminence d'activités industrielles, du BTP, des services non marchands et dans une moindre mesure des activités agricoles. La région de Tadla-Azilal, devenue Béni-Mellal-Khénifra avec l'intégration des provinces de Khouribga, de Khénifra et de Midelt, a gagné des points en valeur ajoutée pour se rapprocher relativement du groupe spécialisé en activités agricoles et minières profitant ainsi du site d'extraction des phosphates de Khouribga. Une analyse de la dispersion à travers le coefficient de variation2 du PIB régional, a fait ressortir sur la période 1998-2009 une valeur de 84,1% contre 62,8% pour le découpage actuel. Sachant que, théoriquement, ce coefficient devrait baisser en réduisant le nombre de régions (ce qui n'est pas le cas), il y a lieu de noter que le découpage proposé est constitué de régions plus diversifiées que le découpage actuel. Ce résultat confirme l'orientation de la Commission Consultative de la Régionalisation, qui a choisi l'adoption d'un découpage visant à faire émerger des pôles abritant des territoires urbains économiquement torts. Ces derniers joueront le rôle de locomotive en alimentant les espaces limitrophes par une croissance plus importante. Ce découpage permet également de créer des espaces non polarisés constitués, d'une part, de régions capables de soutenir leurs propres croissances en exploitant davantage les ressources naturelles et humaines locales, et d'autre part de régions à caractère désertique et oasien nécessitant un appui en matière de solidarité nationale. Concentration du PIB régional dans quatre régions La région de Casablanca-Settat a réalisé la part moyenne la plus importante du PIB durant la période 1998-2009 en y contribuant à hauteur de 24.5% suivie par les régions de Rabat-Salé-Kénitra (15,8%), Marrakech-Safi (11 %) et Souss-Massa (10,5%), soit 61,9% du PIB national pour ces quatre régions reflétant ainsi la concentration du PIB régional et traduisant un héritage historique appelé à être résorbé selon des dynamiques en cours ou à partir d'autres trajectoires que la nouvelle gouvernance régionale pourrait favoriser. Par ailleurs, les régions de Ed-Dakhla Oued Ed-Dahab, de Laâyoune- Saguia Al Hamra, de Marrakech-Safi et de Tanger-Tétouan ont été les plus dynamiques en réalisant des taux de croissance annuels moyens plus importants que la moyenne nationale (6,1 %) durant la période 1998-2009, soit respectivement 9%, 8,5%, 7,5% et 7,3%. Par contre, le recul du rythme de croissance de l'activité secondaire a fortement imprimé l'évolution du PIB de la région de Rabat-Salé-Kenitra qui n'a été en moyenne que de 4,4% durant la même période. En dépit des différences constatées entre les régions par rapport au PlB par habitant en moyenne pendant la période 1998-2009, ce demier révèle une certaine homogénéité entre les douze régions. En effet, la région de Laâyoune-Saguia Al Hamra a réalisé le PIB par habitant (PIB/hab) le plus important avec 23.689 dirhams pendant la période 1998-2009 suivie par les régions de Souss-Massa (23.400), de Casablanca-Settat (21.590), de Ed Dakhla-Oued-Ed-Dahab (20.043) et Rabat-Salé-Kénitra (19.578). Vient en dernier rang la région de Fès- Meknès avec 11.908 dirhams/hab. Cependant, en termes de dynamiques, la région de Marrakech-Safi a connu la croissance la plus soutenue du PIB/hab avec un taux annuel moyen de 6,5%, suivie des régions de Darâa-Tafilalet (5,8%), de l'Oriental Rif (5,8%), de Tanger Tétouan (5,6%) et de Béni-Mellal Khénifra (5,6%). Par contre, l'évolution du PIB/hab a été moins remarquable pour les régions de Souss Massa et de Rabat Salé Kenitra où elle n'a été en moyenne que de 3,8% et 2,9% respectivement. Concernant la structure des économies régionales, elle semble relativement homogène avec toutefois, certaines exceptions notamment pour les régions Souss Massa, Oriental-Rif et Béni-Mellal-Khénifra pour lesquelles le secteur primaire est surreprésenté3 par rapport au niveau national (17%) avec des parts respectives de 48%, 30% et 28%. De la même façon, les régions de Casablanca Settat et de Tanger Tétouan enregistrent une surreprésentation du secteur secondaire qui demeure une spécificité des dites régions. Egalement, la région de Laâyoune Saguia Al Hamra, caractérisée par l'importance de l'industrie alimentaire, notamment celles des produits de la mer, reste surreprésentée par le secteur secondaire Valeurs ajoutées régionales par activité : Le secteur primaire Le secteur primaire constitue en moyenne 16,1% de la valeur ajoutée globale, sur la période 1998-2009, dont 14,8% revient au secteur de l'agriculture, chasse et services annexes. Ce secteur revêt une importance particulière sur le plan social à travers le poids de la population active occupée, évalué à 45,2% en moyenne sur cette période. Les enjeux de ce secteur, et particulièrement celui de l'agriculture, apparaissent également dans l'engagement des pouvoirs publics dans des réformes structurantes dont le Plan Maroc Vert, mis en place en 2008 pour assurer une croissance dynamique et équilibrée des différentes filières du secteur. La région de Souss-Massa a réalisé la part moyenne la plus importante de la valeur ajoutée primaire durant la période 1998-2009 en contribuant à hauteur de 31,7% dans la constitution de la valeur ajoutée primaire nationale. La région de Rabat-Salé-Kénitra vient en deuxième lieu avec une contribution moyenne de 17% suivie de la région de l'Oriental et Rif avec 13,8% et Béni-Mellal-Khénifra avec 12,4%. La volatilité de la valeur ajoutée agricole a imprégné l'évolution de la valeur ajoutée primaire au niveau régional. Les régions de Rabat-Salé-Kénitra et de Fés-Meknès ont été les plus impactées en enregistrant des taux annuels respectifs de 0,4% et de 3,4% qui sont plus bas que la moyenne nationale (4,6%). Ainsi, la régression du secteur de la pèche dans la région de Souss-Massa a été compensée par la performance du secteur agricole pour atteindre un taux de croissance de la valeur ajoutée primaire de 4,3%. Quant aux régions dont la structure du secteur primaire est majoritairement dépendante de la pèche, elles ont presque gardé les mêmes taux de croissance de ce secteur. Il s'agit notamment des régions Ed-Dakhla Oued Ed-Dahab avec 7,8% et Laâyoune-Saguia Al Hamra avec 7,3%. Le coefficient de variation de la valeur ajoutée du secteur primaire, révèle une forte dispersion de cet agrégat entre les régions aussi bien pour le découpage actuel que pour le découpage proposé avec des niveaux différenciés et dépassant 100%, soit respectivement 123,7% et 110,7% en moyenne sur la période 1998-2009. Ce constat, sans être en contradiction avec l'analyse développée plus haut pour le PIB régional global, trouve sa justification dans le rattachement de certaines provinces à connotation agricole à des régions où le secteur agricole est faiblement représenté. En effet, à l'exception de la province d'Ouezzane, la région du Gharb-Chrarda-Bni-Hsen s'est retrouvée entièrement intégrée dans la région Rabat-Salé-Kénitra selon le découpage proposé, soit un transfert de l'ordre de 15,2% de la valeur ajoutée primaire nationale. En outre, la région de Casablanca-Settat, qui était une région exclusivement spécialisée dans les activités des secteurs secondaire et tertiaire, s'est appropriée une valeur ajoutée du secteur primaire importante, en provenance des provinces de la région de Chaouia-Ouardigha (découpage actuel) à spécificité agricole; soit un apport de 2,8% de la valeur ajoutée nationale du secteur primaire. Par conséquent, une légère réduction des disparités interrégionales de la valeur ajoutée primaire a été repérée pour le découpage proposé par rapport au découpage actuel. Valeur ajoutée régionalisée de l'agriculture Les valeurs des variables explicatives de la valeur ajoutée agricole pour les régions de Laâyoune-Saguia Al Hamra et de Ed-Dakhla-Oued Ed-Dahab ne sont pas disponibles. Il n'a donc pas été possible d'apprécier le niveau de la production agricole dans ces régions. Celle-ci est toutefois peu importante compte tenu des conditions climatiques qui sévissent dans ces régions. Ainsi, il s'avère que la région de Souss-Massa a réalisé la part moyenne la plus importante de la valeur ajoutée agricole durant la période 1998-2009 en contribuant à hauteur de 30,8% à la valeur ajoutée agricole nationale. La région de Rabat-Salé-Kénitra vient en deuxième position avec une contribution moyenne de 18,4% suivie de la région de l'Oriental et Rif avec 14,7%. Cette structure ne révèle pas l'évolution différenciée enregistrée par la valeur ajoutée agricole au niveau régional alors qu'elle a enregistré un taux de croissance annuel moyen de 4,7% au niveau national. La pluviométrie importante qui a marqué l'année 2009 a profité à l'ensemble des régions du Royaume qui ont enregistré des taux dépassant la moyenne nationale. Les taux les plus importants ont été enregistrés dans les régions de Marrakech-Safi, de Tanger-Tétouan et de Casablanca-Settat avec respectivement 8,8%, 7,6% et 7%. Néanmoins, les inondations survenues pendant cette année ont impacté négativement les récoltes de certaines régions, essentiellement celles de Rabat-Salé-Kénitra, Fès-Meknès et Souss-Massa qui ont affiché les taux de croissance les plus bas, soit respectivement 0,3%, 3,4% et 4,9%.