Peut-on évoquer l'exercice du libre choix que l'ensemble des citoyens sont invités à accomplir à l'occasion de l'échéance électorale en cours sans rappeler la signification du suffrage universel et la portée du vote citoyen ? En effet, un tel exercice ne s'apparente-t-il pas à ce que la pensée politique depuis l'antiquité jusqu'à nos jours considère comme étant le fondement du politique et l'exercice même de la liberté humaine ? L'association humaine comme chacun le sait ne peut s'affranchir du joug de la nécessité qui régit l'ordre de la nature qu'à travers la fondation de la cité et l'institution des lois. Ainsi l'humanité de l'être humain rime parfaitement avec la civilité et implique le droit de jouir des bienfaits de la sociabilité et le devoir de se soucier du destin commun de la part de tous. L'articulation du droit et du devoir tout en déterminant en partie le sens politique de l'exercice de la liberté, évoque en même temps la signification philosophique du libre arbitre. A cet effet, la liberté humaine s'entend comme étant à la fois l'expression de l'autonomie de l'homme et le signe de sa capacité créative infinie. Ce sont là deux caractéristiques fondamentales qui reconnaissent à l'être humain sa capacité d'agir, de savoir et de vouloir librement. La liberté conçue comme étant à la fois autonomie absolue et créativité infinie n'accède réellement à sa concrétisation qu'une fois l'être libre prend entièrement conscience de l'ensemble des nécessités qui régissent le monde et détermine le devenir de l'homme. Un tel devenir qui porte le signe de la sociabilité et se déploie au sein de la communauté humaine en tant que communauté politique se conjugue à la fois à l'exercice de la liberté, le respect du droit et l'acceptation volontaire du devoir. De la sorte, le suffrage universel incarne la quintessence du libre choix devant exprimer la volonté générale par le biais de laquelle la représentativité requiert ses lettres de noblesse et la gestion de la cité s'enrichit de l'apport de tous. Ainsi le droit de vote implique le devoir de choisir et surtout de bien choisir. C'est relativement à la nature de ce choix que l'aspiration au vivre en commun juste et équitable se concrétise ou bien s'éteint comme une frêle flamme. Le déroulement du processus en cours qui se couronnera par l'expression du vote populaire ne s'inscrit pas dans l'ordre de la conjoncture passagère. L'avenir aussi proche que lointain en portera la marque qui espérons le sera de bonne augure pour l'avènement de la société assurant l'émancipation de tous. A cet effet, l'implication de l'ensemble des protagonistes dans le parachèvement salutaire de cette entreprise citoyenne ne devrait pas se régler uniquement sur le mode de la rivalité aussi positive soit elle. Cette implication devrait prendre aussi l'aspect de l'association constructive qui se fonde sur le socle et les valeurs qui incarnent l'esprit de la loi suprême ayant bénéficié de l'adhésion populaire et traduit le consensus des forces vives. Ya-t-il besoin de rappeler qu'un tel élan nécessite l'instauration d'une nouvelle culture politique permettant l'établissement des pratiques fondatrices de la citoyenneté soucieuse du bien commun qui valorise le sentiment de l'appartenance à la patrie et le sacrifice en faveur de la communauté entière ? On le sait et nul n'est censé l'ignorer appartenir à une patrie et faire partie d'une communauté incarnent un double héritage devant être assumé et surtout nécessitant d'être bien transmis. Cette double responsabilité qui tend vers le meilleur permet aux nouveaux venants de jouir de ce que ceux qui les avaient précédé avaient inventé de meilleur tout en leur laissant la grande chance d'inventer leur propre monde. Ainsi le devoir envers la patrie s'arrime à la responsabilité envers le monde et envers tous ceux qui vont y séjourner aujourd'hui et demain. Cette responsabilité engagée véhicule quelque chose de grandiose ayant marqué les temps passés et ceux qui vont venir. De la sorte la conscience historique s'apparente nécessairement au sentiment du tragique que seuls les héros puissent porter à son apogée une fois qu'ils s'affrontent au destin au risque de ne pas se soucier de leur destinée propre. Le Maroc terre du couchant et du rêve représente un bel héritage devant être en équitable partage, et le meilleur des partages est celui qui sauvegarde la liberté engagée et assure la dignité bien méritée. Par Abdallah Belghiti Alaoui, Rédacteur en chef de la publication philosophique «AL AZMINA AL HADITA»