C'est à Stockholm que se sont ouverts depuis lundi les travaux de la semaine mondiale de l'eau sous le thème «l'eau dans le monde urbain». Plus de 2500 participants et experts y participent venus de 130 pays, représentant les gouvernements, les organisations de développement, les bailleurs de fonds, les sociétés privées de gestion des ressources en eau, les ONG de développement,... Décidés d'inscrire leurs approches dans une logique d'échange et de concertation, les participants mesurent tous les défis que présente la problématique de l'eau dont la gestion est si complexe et a de telles ramifications qu'elle ne peut se prêter à un traitement purement technique, pas plus qu'elle ne peut être évaluée moyennant de simples aménagements partiels ou ponctuels. A travers le choix de cette thématique, les participants mesurent tout l'intérêt qu'il y a d'adopter de nouvelles politiques et d'opter pour des technologies de pointe pour compenser les pénuries en eau qui frappent une proportion croissante de la population mondiale. Dans cette perspective, d'importantes thématiques sont d'ailleurs au programme portant notamment sur le développement et la durabilité de la ressource, les techniques de l'eau ainsi que sur les stratégies de gestion. Une occasion d'échanger expériences et expertises afin de parvenir à une gestion rationnelle et intégrée des ressources en eau, et ce, à un moment où, au regard des pressions qui s'y exercent, la ressource devient une matière première rare, contraignante, très convoitée et même source de conflit dans certaines régions. L'on sait d'ailleurs qu'aujourd'hui, l'eau est recensée parmi les quatre priorités essentielles de la politique de l'environnement au cours des deux prochaines années Quelques données disent l'ampleur des défis auxquels la communauté mondiale se trouve confrontée aujourd'hui. Dans ce cadre, le défi de l'eau selon des sources onusiennes ce sont 47 pour cent de la population mondiale qui vivra dans des régions soumises à un fort stress hydrique. Des sources indiquent également que les niveaux des ressources naturelles en eau potable par habitant de la planète sont en constante régression. Ce déclin est encore plus accentué dans les zones arides, notamment le Proche Orient et l'Afrique du Nord, où les ressources d'eau douce par habitant ont diminué de façon drastique dès le début de l'actuelle décennie. Plus inquiétant, certaines études établissent que le volume d'eau disponible par habitant au Maghreb et au Moyen Orient aura diminué de 80% en l'espace d'une vie d'homme, passant de 3400 mètres cubes en 1960 à 1250 aujourd'hui et à 650 en 2025, soit nettement en dessous du seuil d'alerte fixé par la Banque Mondiale à 2000 mètres cubes. Certes, sur ce sombre tableau, nombre d'experts soutiennent que le problème est moins le manque d'eau à l'échelle mondiale que l'inégalité de sa répartition. Arguments à l'appui, environ 15% des ressources mondiales en eau douce se trouvent en Amazonie, là où ne vit que 1,3% de la population mondiale. En revanche, l'Asie concentre 60% de la population mondiale pour 30% des ressources disponibles. Aussi, ce sont 1,5 milliard d'habitants de la planète (soit une personne sur quatre) qui n'ont pas accès à l'eau potable et plus de 2,5 milliards (soit près d'un sur deux) ne sont pas raccordés à un réseau d'assainissement. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), chaque année, 5 millions de personnes meurent et 30 millions sont malades du fait de l'insalubrité de l'eau. La raréfaction des ressources en eau s'explique aussi par la dégradation qualitative des ressources due à la pollution industrielle et à l'utilisation par l'agriculture de produits chimiques qui détériorent les nappes souterraines. Faits aggravants aujourd'hui, l'agriculture représente 70% des prélèvements en eau douce de la planète, ce qui est énorme dans un contexte de rareté des ressources,... en analysant les tendances actuelles en matière d'utilisation des ressources en eau, les scientifiques soutiennent que la quantité d'eau potable utilisée à l'échelle mondiale se situerait à l'horizon 2025 à 5200 km3 par an (dont 2900 consommés), contre 3800 (dont 2300 consommés) plus d'une décennie auparavant, soit une augmentation des prélèvements de 38% et une augmentation des consommations de 26 %. En 2025, 80% de la population mondiale pourraient connaître un stress hydrique moyen (20% à 40%) ou élevé (40% à 80%), un indicateur des insuffisances des ressources renouvelables en eau par rapport aux besoins humains et environnementaux. Autant d'éléments qui renseignent sur les difficultés de plus en plus accentuées, d'accès à une ressource dont on redécouvre - tardivement malheureusement - qu'elle n'a pas de substitut possible ni pour la santé des populations ni comme matière de base à forte valeur économique. De surcroît, en devenant un bien rare, gaspillé par certains, onéreux pour d'autres, convoité par beaucoup, l'eau prend, en ce troisième millénaire, un caractère stratégique potentiellement déstabilisateur. C'est là une évidence et elle est plus frappante aujourd'hui, dans plusieurs endroits du monde, plus particulièrement dans la région du Proche-Orient. Les participants à la semaine mondiale de l'eau à Stockholm ont donc tous les arguments de réaffirmer avec force et de soutenir les grands principes sur la nécessité de faire un meilleur usage de cette richesse commune. De réaffirmer et de soutenir également la mise en place de stratégies d'inflexion rapide des modes d'exploitation, de consommation et d'utilisation de l'eau pour éviter que cette ressource, qui n'existe qu'en quantités limitées, devienne un frein essentiel pour le développement aussi bien humain qu'économique. Des impératifs qui obligent à ne plus se satisfaire de discours généraux et généreux, mais imposent à ce que l'action soit inscrite dans une dynamique de partenariat mondial, en faire un réel code de conduite qui s'impose à tout un chacun pour préserver ce bien si spécifique et promouvoir une utilisation rationnelle de la ressource.