Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
Entretien avec le président de l' observatoire national de développement humain Création de la banque de données “Al Bacharia” sur le développement humain
L'observatoire national de développement humain a organisé dernièrement un important séminaire international qui a vu la participation d'une pléiade d'experts internationaux ; venus exposer leurs points de vue concernant les nouvelles approches pour aborder les investigations sur le terrain en matière d'enquêtes sur les ménages. “L'Opinion” avait publié un compte rendu à l'occasion. Comme ce meeting s'est avéré très fructueux, L'Opinion est allée à la rencontre du président de l'ONDH, M. Rachid Benmokhtar Benadellah pour plus d'informations. L'Opinion : Monsieur le president de l'Observatoire Nationale de Développement Humain, je vous félicite d'abord pour la tenue et de la réussite éclatante du séminaire international que vous venez d'organiser. Ma première question est d'ordre récapitulatif : comment expliquez aux lecteurs de “l'Opinion”, d'une façon brève et simple, cette nouvelle démarche, afférente aux enquêtes sur les ménages qui vient d'être entérinée par l' ONDH ? Pour expliquer très simplement l'avantage des enquêtes de panel de ménages par rapport aux enquêtes classiques, on peut prendre l'exemple du taux de pauvreté. L'enquête classique auprès des ménages de 2007 a montré que 9,1% des ménages étaient pauvres à cette date, contre 15,3% en 2001 ; indiquant bien que le taux de pauvreté a baissé, en moyenne, de manière significative. Mais ce type d'enquêtes ne permet pas de mesurer le degré de permanence des ménages dans la pauvreté. Entre 2001 et 2007, les ménages pauvres sont-ils les mêmes ? Combien de ménages ont pu sortir de la pauvreté ? A contrario, combien de ménages, qui n'étaient pas pauvres en 2001, sont tombés dans la pauvreté en 2007 ? Toutes ces questions, très importantes pour améliorer l'évaluation des politiques publiques, ne peuvent trouver de réponses valides que lorsqu'on procède par des observations répétées des mêmes ménages et des mêmes individus dans le temps. C'est la caractéristique principale des enquêtes de panel et, en même temps, ce qui constitue leur difficulté, car la méthodologie à laquelle elles font appel est encore en cours de perfectionnement de par le monde. L'Opinion : Avez-vous déjà expérimenté ces nouvelles méthodes ? Et si oui, êtes vous satisfait de leur cheminement ? Avant de se lancer dans ces nouvelles méthodes, l' ONDH a eu de multiples contacts avec les organisations internationales et les institutions spécialisées des pays avancés dans ce domaine. Nous avons ainsi profité des expériences et conseils des experts du panel suisse de ménages, de Statistique Canada, de la Banque mondiale, etc. Nous avons pu discuter avec eux des aspects méthodologiques et opérationnels de notre projet et en tirer des améliorations. En plus, nous avons consacré plus d'une année, d'avril 2010 à mai 2011, à la conduite d'une étude expérimentale à cet égard ; avec l'assistance d'experts nationaux et internationaux. A l'issue de cette étude expérimentale, comme l'a montré notre séminaire international du 14 juin, nous estimons que nous sommes prêts à mettre en place le projet de “panel de ménages ONDH”, à partir de fin 2011, en étroite coopération avec nos partenaires sus indiqués. L'Opinion : L'ONDH n'a que quatre ans. Pourtant, à travers la synthèse des études réalisées, et surtout à travers le rapport annuel sur le développement humain, il semble que c'est un petit enfant prématuré. Même avant la publication de son acte d'existence, en l'occurrence le décret de sa création en octobre 2008, l'Observatoire avait réalisé une série d'études hautement appréciées par tous les partenaires. Où réside votre secret, Monsieur le président ? Il ne s'agit pas de secret mais plutôt d'équipe et de travail. L'observatoire a la chance d'avoir dans son Conseil des membres responsables et compétents. Nous avons pu également réunir une équipe, certes petite, mais qualifiée. Ensemble, nous nous passionnons pour notre mission. Nous avons défini à partir de la mission qui nous est dévolue par la loi une vision et un cadre de travail qui nous permettent d'envisager un programme pluriannuel de travail à la fois engageant et flexible, pour tenir compte des idées nouvelles qui nous viennent au fur et à mesure que notre expérience s'enrichit des données du terrain ou du savoir faire de nos partenaires. Nous espérons que nos travaux contribueront à une meilleure compréhension de la problématique de développement humain et qu'ils aideront les décideurs à mieux orienter leurs programmes pour répondre aux besoins et demandes des populations et plus particulièrement celles parmi les démunies. L'Opinion : Le programme d'action 2009-2010 de l' ONDH constitue un véritable ballon de sonde pour tester de l'évolution de votre organisme. Pouvez-vous conclure que le bilan était positif ? En 2010, l'Observatoire a poursuivi le développement de ses outils d'investigation : il s'agit de la banque de données « Al Bacharia », comprenant 600 séries statistiques et proposant près de 400 indicateurs ; d'un tableau de bord dont l'objet est de donner un aperçu de l'état de développement humain du Maroc et ce, à partir des cinq nœuds du futur identifiés dans le Rapport du Cinquantenaire (RDH 50) ; et d'un réseau documentaire virtuel construit à partir d'un noyau de 1.800 documents sur le développement humain, répertoriés à l'ONDH. L'Observatoire a mené également des études et des enquêtes spécifiques pour les besoins de son deuxième rapport annuel. Ainsi, en complément de l'analyse des réalisations de l'INDH durant la période 2005-2009, l'Observatoire s'est penché sur le thème de l'inclusion au regard des trois catégories de population et des territoires identifiées dans le RDH 50 comme étant les plus vulnérables, à savoir les femmes, les jeunes et le monde rural. A cet égard, quatre études sectorielles ont été réalisées en vue d'interroger la cohérence des politiques d'éducation, de santé, d'emploi et d'équipement des campagnes en eau, électricité et routes et leur adaptation aux besoins d'inclusion des femmes, des jeunes et du monde rural. En outre, l' ONDH a entamé en 2010 une étude relative à l'analyse de l'exclusion en milieu urbain. L'objectif recherché est d'apprécier les effets des politiques d'habitat sur la réduction de la pauvreté et de l'exclusion. L'Opinion : Peut-on avoir une idée du programme de l' ONDH au titre de l'exercice prochain ? Au titre de l'exercice 2011, un grand nombre d'actions sont en cours de concrétisation qui vont permettre à l'Observatoire de conforter ses missions d'évaluation des politiques publiques. Ainsi, il va procéder, dans le cadre de l'évaluation de l'impact de l' INDH prévue en 2011, au deuxième passage de l'enquête de référence achevée en 2008-2009. Cette deuxième enquête permettra d'apprécier, par rapport à la période de référence, l'impact des programmes INDH sur certains indicateurs comme la scolarisation, l'alphabétisation, la santé, l'accès à l'eau potable, l'assainissement, l'électricité, ainsi que la qualité des rapports des populations ciblées par l'Initiative avec l'administration locale. De même, en lien avec la mise en place d'un panel de ménages, le premier du genre au Maroc, l'Observatoire va lancer le premier passage de l'enquête de panel des ménages cette année. Il procédera aussi à l'achèvement des études qu'il a déjà engagées. Il s'agit, en l'occurrence, de celle relative aux profils territoriaux de la pauvreté, qui fait suite à l'une des recommandations de la revue à mi-parcours de l' INDH relative au ciblage géographique de la pauvreté. Il s'agit également de l'important programme de travail consacré à l'accès aux soins de santé, conduit conjointement avec l'Institut français de Recherche sur le Développement (IRD). Enfin, l' ONDH va entamer, dans le cadre de son groupe de travail dédié à la gouvernance des politiques publiques, l'élaboration d'un cadre de suivi évaluation de la gouvernance locale. Ce thème sera abordé à travers le prisme de la convergence territoriale des programmes de développement humain à l'échelon communal. L'Opinion : Dans son rapport annuel, il suffit de consulter l'annexe statistique et cartographique, pour se rendre compte du très beau travail qui semble acquis et qui vient enrichir la recherche et étoffer les bibliothèques nationales. Mais le plus important, c'est la masse des réalisations sur le terrain qui fait honneur au gouvernement marocain. Pouvez-vous placer un mot de plus à propos de ces chantiers ? Il faut reconnaître, en effet, que dès sa mise en place en décembre 2006 et avant même la publication de son décret de création en octobre 2008, l'essentiel des travaux réalisés par l' ONDH était centré sur l'évaluation de l' INDH, définie par SA MAJESTE LE ROI comme un “chantier de règne”, c'est-à-dire une priorité nationale se déclinant sur une longue période et qui a mobilisé le gouvernement, les collectivités territoriales et la société civile. Ces travaux ont concerné, outre l'analyse quantitative des projets de l'INDH, la perception de l' INDH, la dynamique participative que sous-tend l'INDH, le rôle des associations et des collectivités locales dans sa mise en œuvre, ainsi que la convergence des programmes de l' INDH avec ceux des départements sectoriels. Ces études ont servi de base à l'élaboration du premier rapport annuel de l' ONDH auquel vous faites allusion et qui a porté sur la revue à mi-parcours de l' INDH. Des recommandations y sont formulées afin de mieux assurer la réussite de ce formidable chantier. A cet égard, je tiens à rappeler que SA MAJESTE LE ROI, dans Son Discours du 30 juillet 2009, à l'occasion de la Fête du Trône, a mis l'accent sur « la nécessité de donner corps » à ces recommandations. L'Opinion : Que deviendrait l'INDH sans l'ONDH ? Comment répliqueriez-vous à cette métaphore ? L'ONDH et l'INDH sont, en effet, intimement liés, comme cela ressort clairement de l'extrait suivant du Discours Royal du 18 mai 2005 : « La mise en œuvre de l'Initiative Nationale pour le Développement Humain devra être l'occasion de faire émerger, dans notre pays, une véritable ingénierie sociale, à travers l'innovation dans les types d'intervention, économes en moyens et à impact maximal, étayés par des ressources humaines qualifiées et par des mécanismes d'observation vigilants et objectifs des phénomènes de pauvreté et d'exclusion ». L'évaluation de l' INDH par un organe indépendant tel que l' ONDH contribuera sans conteste à asseoir la crédibilité de l'Initiative, notamment auprès des organismes internationaux qui participent à son financement. L'Opinion : Et l'on arrive au séminaire international qui a connu un succès épatant. Est-ce un simple hasard ? Ou un succès calculé ? Ce séminaire international a été très dense et très riche, grâce notamment au caractère novateur de la thématique choisie (enquête de panels de ménages) et à la qualité des exposés et des experts internationaux qui n'ont pas hésité à venir partager avec les experts nationaux leurs expériences sur les enquêtes de panels de ménages. Sans prétendre faire la synthèse des travaux, on peut dire que ce séminaire a été l'occasion de sensibiliser des décideurs, des chercheurs et d'autres acteurs sur les nouvelles approches d'évaluation de la dynamique du développement humain qui, sans aucun doute, ne manqueront pas de participer au renouvellement de nos méthodes d'investigation dans le champ social, grâce à l'impulsion de véritables politiques transversales et d'investissement social. Elles aideront aussi à mieux appréhender les trajectoires individuelles, à les resituer dans leur contexte social, économique et culturel. En somme, on se libérera des appréciations essentiellement statiques et ponctuelles, pour mieux faire parler les chiffres. L'Opinion : Veuillez bien conclure cet entretien à votre guise, Monsieur le président. En conclusion, le libéralisme économique, conjugué aux possibilités offertes par les technologies de l'information n'a pas seulement rendu notre monde global, mais ensemble, ils ont accéléré des mutations ; entraînant à la fois une homogénéisation des pratiques, des goûts, des modèles et des comportements ; comme ils ont provoqué des replis et retours identitaires ou religieux. Tout cela, en accentuant les disparités et en réduisant les champs de solidarité humaine. Le phénomène de développement n'est pas synonyme de progrès ou de construction d'un mieux social, mais plutôt l'expression de transformations qui peuvent à la fois être positives, (l'évolution du champs des valeurs par l'introduction des droits de l'homme dans leur conception universelle par exemple), ou négatives (la dissolution des lieux sociaux basés sur la solidarité familiale en est un exemple). Dans ce contexte, dans un pays comme le nôtre où une tension existe, elle s'amplifiera avec la croissance et a déjà comme enjeu, l'intégration d'une large proportion de la population - aujourd'hui 8 millions de personne - dans la construction d'un nouveau modèle qui consacre, le bien-être des individus, la cohésion sociale, la contribution juste de chacun à relever les grands défis de l'avenir, qui s'appellent pénurie de l'eau, effets des changements climatiques, déforestation, sécurité alimentaire, énergie, désertification… Au regard des défis, un choix judicieux d'indicateurs permettrait de mesurer la dynamique des changements que connaît le pays tout en s'assurant que ces politiques mènent bien vers un « Maroc souhaitable », tel que le décrit le Rapport du Cinquantenaire.