Le Premier ministre japonais Naoto Kan a affirmé mardi que la situation se stabilisait «pas à pas» à la centrale nucléaire de Fukushima, dont l'accident est désormais considéré aussi grave par Tokyo que celui de Tchernobyl. Plus d'un mois après la triple catastrophe séisme-tsunami-accident nucléaire du 11 mars, les différentes autorités chargées de la gestion de la catastrophe ont soufflé le chaud et le froid. Intervenant à la télévision, M. Kan s'est voulu rassurant en affirmant que les réacteurs de Fukushima Daiichi (N°1) progressaient «vers la stabilité, pas à pas» et que le niveau de fuites radioactives était «en train de baisser». Le Premier ministre de centre-gauche a donc appelé les Japonais à «reprendre une vie normale» et à consommer, après s'être imposé une période de deuil et de retenue. Mais ce retour à la normale est rendu difficile dans le nord-est par la succession de répliques provoquées par le tremblement de terre de magnitude 9, le plus fort jamais enregistré sur l'archipel. Deux secousses de magnitude 6,2 et 6 ont encore fait trembler mardi maisons et immeubles, jusqu'à Tokyo, sans faire de dégâts. Les Japonais ont été par ailleurs pris par surprise par la décision de l'Agence japonaise de sûreté nucléaire de relever brusquement de 5 à 7, le plus élevé, le rang de l'accident de Fukushima sur l'échelle des événements nucléaires et radiologiques (Ines). Seul l'accident de Tchernobyl avait jusqu'à présent atteint un tel niveau de gravité dans l'histoire du nucléaire civil. Le niveau 7 signifie qu'un «rejet majeur de matières radioactives» s'est produit avec «des effets considérables sur la santé et l'environnement». L'Agence japonaise a précisé qu'elle proposait ce relèvement à titre «provisoire», sur «la base des mesures d'iode et de césium relevées dans l'environnement», et que la décision définitive reviendrait à un comité d'experts internationaux. Elle a également insisté sur le fait que l'impact de l'accident de Fukushima n'était, jusqu'à présent, pas aussi dévastateur que celui de la centrale ukrainienne. «En termes de volume d'émissions radioactives, nos estimations les évaluent à environ 10% de celles émises par Tchernobyl», a indiqué Hidehiko Nishiyama, son directeur-adjoint. Survenue le 26 avril 1986, l'explosion du réacteur 4 de la centrale ukrainienne avait projeté, en dix jours, près de 12 milliards de milliards de becquerels dans l'environnement, soit 30.000 fois l'ensemble des rejets radioactifs atmosphériques des installations nucléaires dans le monde en une année. De nombreux pays ont pris des mesures de contrôle renforcé, voire d'interdiction de produits alimentaires nippons, tandis que le nombre d'étrangers visitant l'archipel a chuté. Le gouvernement a commencé à préparer «l'après-urgence» dans les environs de la centrale, où quelque 80.000 personnes ont déjà été évacuées dans un rayon de 20 km. A cette zone d'exclusion viendront s'ajouter des localités situées parfois à des dizaines de kilomètres plus loin où des niveaux élevés de radioactivité ont été relevés. Cette région, essentiellement agricole, pourrait rester inhabitable de longues années, comme à Tchernobyl où une zone d'exclusion de 30 km est en vigueur depuis 25 ans. Plus au nord, environ 150.000 sinistrés du tsunami continuent à vivre dans les écoles, les gymnases ou les salles communales transformés en centres d'hébergement en attendant que soient construits les 70.000 logements provisoires promis par M. Kan. 14.529 personnes restaient toujours disparues après la catastrophe du 11 mars, qui a fait 13.228 morts confirmés, selon la police.