Depuis les années 90, le Maroc est devenu un leader en matière de droits de l'Homme. Nous savons tous comment c'est arrivé : les années de plomb laissent place à une volonté titanesque de se moderniser. Ainsi, feu Sa Majesté Hassan II avait entrepris d'ouvrir le pays vers l'extérieur, en ratifiant des traités internationaux et en réformant la scène politique et législative interne. Son successeur, Sa Majesté Mohammed VI, a élargi davantage l'espace des libertés individuelles et publiques et renforcé le respect des droits de l'Homme par l'instauration, entre autres, d'un nouveau concept de l'autorité. Voici les faits. Mais il convient de se poser une question fondamentale : les droits de l'Homme sont-ils systématiquement respectés ? Quels sont les progrès accomplis ? Et plus particulièrement, est-ce que les réformes et institutions installées sont conséquentes sur le terrain et dans la vie de tous les jours ? Avant de pouvoir répondre à ces questions, il vaut mieux examiner la base, la fondation même de ce qui fait que le respect des droits de l'Homme est un tant soit peu assuré. J'entends par là le Conseil Consultatif des Droits de l'Homme (CCDH). Créé le 20 avril 1990 par le Dahir chérifien n° 1-90-12, le CCDH est une institution consultative qui a pour mission principale la protection et la promotion des droits de l'Homme. Ne vous méprenez pas, ce n'est pas parce que c'est une institution consultative qu'elle est limitée dans son efficacité. Au contraire, le CCDH émet des recommandations directement à Sa Majesté le Roi ou à toutes autres autorités concernées et compétentes en la matière. De plus, cette institution bénéficie d'une indépendance vis-à-vis du gouvernement grâce à une autonomie administrative et financière. Depuis la réforme du CCDH en 2001, cette institution jouit d'une plus grande compétence et donc d'une plus grande efficacité. Chacun a entendu parler du CCDH. Mais est-ce que quelqu'un sait précisément comment il fonctionne ? Tout d'abord, il est composé de 44 membres au plus et d'un président. 14 sont choisis par le chef de l'Etat en fonction de leurs qualités et compétences dans le domaine des droits de l'Homme, ainsi que le président. Les autres membres sont proposés par des associations défendant les droits de l'Homme, ainsi que des partis politiques, des syndicats et d'autres organismes, tels que la ligue des Oulémas, le corps des professeurs universitaires et l'Association des barreaux. En outre, le Conseil comprend des ministres concernés par ce domaine, mais eux n'occupent qu'une place consultative et non délibérative. On peut donc remarquer que l'indépendance de l'institution en est d'autant plus renforcée de par le fait que les ministres n'ont pas de place dans la prise des décisions et que le corps du Conseil est largement pluraliste. Les ONGs nationales y sont représentées. Ne voulant pas contraindre nos aimables lecteurs à un cours de droit forcé, je vais m'efforcer de faire simple en ce qui concerne les fonctions, le rôle et les missions confiées au CCDH. Principalement, le CCDH émet des recommandations sur certains sujets concernant les droits de l'Homme qui lui semblent être de premier ordre. Il écrit un rapport annuel sur l'état du respect des Droits de l'Homme au Maroc. Il essaye d'harmoniser la législation nationale avec les textes internationaux. Pour ce faire, il a six groupes de travail, chacun spécialisé dans un domaine précis. De plus, il doit s'adresser à l'opinion publique et recevoir toutes les personnes qui se présentent à lui et qui ont vu leurs droits violés. Ceci est un résumé rudimentaire de l'action bien plus ample du CCDH, et pour plus de renseignements, il suffit de consulter le site web du CCDH : www.ccdh.org.ma. Finalement, le CCDH est un acteur international (participe à des conventions de droits de l'Homme dans le monde entier). Mais ce qui fait sa force véritable est que toutes les décisions sont prises par consensus, il n'y a pas de vote. Pour se faire une idée plus concrète de l'action du CCDH, il y a l'exemple des recommandations qu'il a faites au sujet de la révision des règles prévues par le code de procédure pénale, c'est-à-dire concernant la durée de la garde à vue, la détention préventive, etc. Ou encore le fait que le CCDH a émis une recommandation pour que les droits de l'homme soient enseignés dans l'enseignement public et supérieur. Bon, en théorie, ça marche. Maintenant la pratique… Oui, le Maroc a fait énormément de progrès en la matière, notamment grâce au CCDH. Mais comme beaucoup de choses dans la vie, le CCDH n'est pas parfait. Le respect des droits de l'homme de par le monde l'est encore moins. Maintes associations des Droits de l'Homme ont critiqués l'assiduité du CCDH (Amnesty International, Association marocaine des Droits de l'Homme, le Forum pour la vérité et la justice, par exemple). On lui reproche souvent d'être vague au sujet de certains dossiers. Mais la critique la plus récurrente est celle de ne pas avoir encore appliqué les recommandations de l'Instance Equité et Réconciliation. La critique est facile, parfois, il ne faut pas oublier que les choses sont rarement aussi simples qu'elles paraissent être, d'où la nécessité de caution et de réflexion. Il y a pourtant une certitude : c'est pas à pas qu'on avance et c'est petit à petit qu'on accomplit quelque chose de si grand. L'ingrédient principal est la volonté.