On pourrait penser devant le désert des gradins lorsque le FUS de Rabat reçoit en « son » terrain que l'équipe r'batie n'intéresse qu'une vingtaine « d'accros » et quelques amateurs de football perdus, ne sachant où passer leur week-end. Détrompez-vous… Le Fath est l'équipe dont on parle. On en parle, peut être, mal mais on en parle et beaucoup. Et un club qui alimente les bruits et rumeurs de la ville c'est le signe que le club existe et suscite l'attention même si tout paraît indiquer le contraire. Hier matin, dimanche, dès l'aube, au haut de l'avenue Mohammed V, place des Alaouites, devant la gare aux interminables travaux, il y a des cafés déjà ouverts, arrivées et départs des voyageurs oblige. En ce début frisquet de matinée dominicale, et malgré le peu d'affluence, car c'est un jour de grasse matinée pour beaucoup, ceux qui sont déjà debout parlent. Ils évoquent le mystérieux accident d'un transport de bouteilles de butanes qui aurait pu provoquer de graves troubles de la circulation sur le tronçon Rabat-Casa, du retard des trains, des bus que certains continuent de caillasser voire de brûler, les catastrophes des inondations, bref, ce sont les conversations des cafés de commerce où tout le monde prend l'air pénétré pour montrer qu'il est « bien » informé. Mais lorsque quelqu'un lance : « Ou hadak al Fath, malou ? » alors là tout le monde y va de son explication et de son commentaire. Il n'y a pas plus de dix personnes dans ce café, mais on en prend pour remplir une encyclopédie sur le FUS, le foot et… la presse sportive. Et c'est brutal, « craignos, », «hard» comme disent les branchés du 21ème siècle. Florilège : « Le FUS n'a pas de vrai président, on ne le voit jamais au stade… »… « les gens qui dirigent le FUS actuellement ont peur des paroles des supporters, et ils veuillent épargner leurs oreilles… »… « Ils ont été recherchés l'ancien président Larbi Ziati pour le mettre en avant et qu'il prenne les coups à leur place… » etc… etc… Et puis il y en a un qui arrive tout frais, transférant d'un sain footing et qui veut ramener au « home sweet home » des croissants, et qui s'arrête pour lancer « Ah, le football au Maroc, c'est une catastrophe (karita) et la presse aussi. Il y a actuellement une campagne pour déstabiliser les joueurs du FUS. En milieu de semaine, des journaux se sont demandés « que devient Fouhami (l'autre gardien du FUS, NDLR) et vas-y que je te démolis le titulaire, le keeper qui vient du KAC, et lors du commentaire du match FUS-WAF à la télé, c'est avec ça que commence le reporter et Fouhami par ci et Fouhami par là… Oui c'est vrai le keeper du FUS a fait des erreurs, mais il faut dire qu'il y a une certaine ambiance, autour de lui, qui ne l'aide pas du tout ». Un autre rétorque sur le champ : « Arrête, la presse n'en parle pas… Avec 500 dhs je te publie ce que tu veux dans n'importe quel canard, je ne veux pas citer de noms, mais l'autre jour, il y a un joueur qui voulait partir dans un autre club et il voulait impressionner tout le monde. 2 jours après avoir eu une rencontre avec quelqu'un qui travaille dans un journal, on a lu en première page, en première page !!! que ledit joueur avait été approché pour prendre la nationalité du Bahreïn, et tout de suite après son affaire s'est réglée ici comme il le voulait alors qu'il n'y avait ni Bahreïn, ni Venezuela… ». Chacun approuve en hochant la tête, sans ajouter de commentaires, comme si tout le monde était conscient des bobards de la presse, mais considérait cela comme un mal nécessaire. La conversation revient sur le FUS : « Tu verras que le prochain match de Coupe d'Afrique, ils partent jeudi prochain, ils vont se faire éliminer, c'est pas la tactique de Ammouta qui va les sauver ». … Un autre intervient : « Ammouta était peinard et considéré à Khémisset avec l'IZK, il avait à faire à Gartili qui lui ne veut ni travail de longue haleine, ni titre, ni formation d'avenir. Il veut un club qui tienne la route avec de bons résultats et puis vendre chaque saison un ou deux joueurs, baraka, il est tranquille ». Oubliant le sujet Gartili, le premier revient sur le FUS et son entraîneur : « Ammouta ne s'est jamais relevé avec le FUS de la défaite en Coupe du Trône, alors qu'il restait trois minutes à jouer. Il aurait pu faire des remplacements avec 2 défenseurs qui étaient à côté de lui et gagner un précieux temps, mais il aura raté sa consécration, et ça l'a marqué. Et lui aussi le sait, même si ses copains profiteurs lui font croire le contraire ». La conclusion va arriver solennelle et péremptoire d'un gars en manteau et bonnet avec un gros sac de voyage. Il paye son café et se dirige vers la gare mais prend le temps de dire à la cantonade, comme au théâtre, et d'ailleurs les cafés au Maroc ne sont-ils pas les derniers lieux de représentation ? « Le FUS, le FUS, arrêtez de parler de quelque chose qui n'existe pas. Il a perdu 2 à 0 chez lui contre un WAF dont le président avait pendant toute la semaine crié partout que son club était la cible des arbitres et de la fédération et que donc il démissionnait pour ne plus cautionner l'injustice et ne plus perdre son argent. Et il vient à Rabat mettre une raclée au club du président de la fédération. Où est l'injustice ? ». Sur ces fortes paroles, il s'en va laissant tout le monde à ses réflexions. Nul doute que, hier, tout au long de la journée, on n'a dû parler que de ça dans les cafés r'batis. La température des conversations à 6 heures et demi du matin donnait le ton de ce que vont être les paroles des supporters du dimanche. Des supporters du dimanche. Des supporters invisibles sur les tribunes mais très présents dans tous les endroits où on parle. C'est peut-être là l'un des vrais drames du FUS.