Il est de ces situations où un pacte tacite donne la liberté à l'homme d'agir, et à la femme de subir. Pourquoi? Parce qu'au Maroc, société patriarcale par excellence, la passivité des femmes est entrée, depuis belle lurette, dans les m'urs, au point de condamner celles qui osent s'ériger en victimes. Heureusement que passivité ne signifie pas forcément fatalité. La situation suivante conforte l'espoir en des jours meilleurs Dimanche dernier à 19h, le train desservant Casablanca était comble. Heureux qui comme moi sont arrivés à temps pour trouver une place assise. Les derniers à monter voyageaient debout, se consolant de la courte durée, une heure seulement à bord du train. Une jeune femme, grand gabarit et formes qui ne passent pas inaperçues, ne semblait pas se résigner à la consolation et se dirige, décidée, vers un siège occupé par un cartable et de la paperasse. Le voisin, jeune homme In et absorbé par une besogne mystère sur son lap top, répond sans lever les yeux de son écran que la place était occupée. Et par qui s'il vous plait?: «Un type parti quelque part Il ne tardera pas à revenir», répond le voisin «à la page». La réaction du grand gabarit fut prompte, voire inattendue: «Eh bien quand il sera de retour on avisera», s'emparant des documents et sacoche avec fermeté et les suspendant sur la soute à bagages. Mr. In ne branche pas des regards discrets se braquent sur lui. On comprend vite que le type censé revenir n'est autre que lui D'autant plus qu'un peu plus tard, il se lève pour récupérer ses documents suspendus par les soins du grand gabarit. La jeune fille ne rumina pas trop longtemps sa rage: -N'as-tu pas honte de prétendre que la place était occupée ? (Silence dans la salle). -Tu n'es pas un homme. (Réaction, enfin, dans la salle). -Tu ne sais pas de quoi tu parles… -TU N'ES PAS UN HOMME ! Le mâle en lui sent la menace d'une atteinte à sa virilité -Tu veux des preuves? -Tu n'es qu'un gamin (expression plus connue chez nous par «barhouche»). -Va voir ailleurs si j'y suis ! -Un lâche qui n'a pas froid aux yeux ! -Je ne veux pas devenir vulgaire devant tous ces gens… -Dis ce que tu as à dire, moi je m'en fiche de tous les ( ) qui se trouvent ici ! -Hé hé, cela laisse voir ton niveau -Tu n'es qu'un lâche, montre-moi ce que tu peux faire. Fils de (je vous épargne la suite). - Là tu déconnes ! Si je ne me retiens pas, je (le gars se retourne à la recherche de regards compatissants, de témoins susceptibles de l'empêcher de commettre l'irréparable). Là les gens interviennent pour mettre fin à une situation qui ne peut dégénérer plus ; on craignait sûrement plus pour le garçon que pour la fille. On propose un autre siège à la «victime» afin de limiter les dégâts d'une situation qui se corse; la fille campe sur sa position. Contrairement à ce que je croyais, les regards n'accusèrent guère le comportement de la fille et lui pardonnèrent son excès verbal. Pour une fois. Elle eut même droit à des félicitations de la part de femmes et même d'hommes qui n'ont pas apprécié l'injustice. Et à ceux qui ont ruminé leur choc face au courage de la superwoman, je dis que je n'ai vu en cette fille que courage et révolte contre l'injustice de cet homme. Je ne suis pas féministe, je ne déteste pas les hommes ; j'en ai un dans ma vie. Je crois à la complémentarité des sexes. Mais j'en veux un peu à notre société machiste qui donne à l'homme le droit de siffler la femme et de réagir si elle s'y oppose. Aujourd'hui, une femme n'a pas mâché ses mots a dit haut ce que les autres disent tout bas à l'encontre de ces beaux (et moins beaux) jeunes (et moins jeunes) mâles qui ont proféré à mon intention et à celles qui ont subi, subissent et subiront, défoulement et drague. Revanche sur tous ces regards vicieux, pervers, sur toutes les flatteries hypocrites et inopportunes qui se convertissent vite en insultes: maigrichonne affamée quand j'ose grignoter, déguster un bâtonnet de glace, croquer un fruit, geste jugé obscène pour ces mâles, complexée, laideronne, moche et vieille quand je fais la sourde oreille aux avances Une belle revanche devant l'incapacité de l'homme à riposter, à défendre sa virilité, qui s'est fait tout petit devant son méfait, qui a reconnu implicitement son forfait . Nous aimons nos hommes, mais nous les préférons galants