Les 10 et 11 février 2025, Paris a accueilli le Sommet pour l'Action sur l'Intelligence Artificielle, réunissant chefs d'Etat, dirigeants d'organisations internationales, acteurs du secteur privé, chercheurs et membres de la société civile. Cet événement a mis en avant les défis et opportunités liés à l'intelligence artificielle, en soulignant l'importance d'une gouvernance mondiale pour encadrer cette technologie. Lors du sommet, l'Union européenne a annoncé un investissement de 200 milliards d'euros pour développer une IA éthique et responsable. Cependant, des divergences sont apparues, notamment avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, qui refusent des régulations trop contraignantes. Derrière ces discussions, une question centrale émerge : l'intelligence artificielle doit-elle être un outil de domination géopolitique, ou bien un levier pour servir l'humain et favoriser l'inclusion numérique ? 1. La Géopolitique au Centre de l'Innovation en IA L'intelligence artificielle n'est pas seulement une avancée technologique, c'est aussi un enjeu stratégique majeur. Les grandes puissances rivalisent pour dominer les infrastructures numériques, maîtriser les algorithmes et contrôler les données. Les Etats-Unis et la Chine mènent une compétition féroce, tandis que l'Union européenne cherche à imposer une alternative éthique, centrée sur la transparence et la protection des droits fondamentaux. Cette fragmentation des approches pourrait façonner l'avenir de l'IA et ses impacts économiques, sociaux et politiques. Mais cette course technologique peut-elle se faire sans prendre en compte les besoins réels des populations ? 2. L'Innovation Doit Servir l'Humain L'IA ne peut pas être uniquement une compétition entre Etats et entreprises. Elle doit avant tout être un outil au service des individus. Aujourd'hui, l'IA transforme déjà des secteurs clés comme la santé, l'éducation et l'environnement. Cependant, son développement soulève des défis majeurs : * Transparence : Les algorithmes doivent être compréhensibles et expliqués aux utilisateurs. * Ethique : Les systèmes doivent garantir l'équité et éviter les biais discriminatoires. * Soutien aux travailleurs : L'IA doit être un outil d'aide, et non un facteur de précarisation. L'enjeu est donc de définir une IA qui accompagne et renforce l'humain, plutôt que de le remplacer ou de l'exclure. 3. L'IA comme Moteur de l'Inclusion Numérique Si elle est bien encadrée, l'IA peut devenir un véritable levier d'inclusion numérique. Dans de nombreux pays, des millions de personnes sont exclues des opportunités économiques et sociales faute d'accès aux outils numériques. L'IA peut changer cela en : * Facilitant l'accès à l'information, notamment pour les populations analphabètes grâce aux assistants vocaux et chatbots. * Personnalisant l'éducation, avec des outils d'apprentissage intelligents adaptés à chaque élève. * Offrant des opportunités économiques aux artisans et travailleurs informels, en leur permettant de se connecter aux marchés mondiaux. L'intelligence artificielle peut donc être un facteur d'égalité, mais encore faut-il que les décideurs adoptent une vision qui privilégie l'accès pour tous.
Conclusion : Quel Avenir pour l'IA ? Le Sommet de Paris sur l'IA a révélé les tensions entre régulation et innovation, mais aussi l'enjeu central de cette technologie : fera-t-elle progresser l'humanité dans son ensemble, ou creusera-t-elle davantage les inégalités ? Trois axes sont essentiels : * Les Etats doivent éviter que l'IA devienne un simple levier de puissance géopolitique. * Les entreprises et chercheurs doivent s'engager pour une IA centrée sur l'humain. * L'IA doit être un outil d'inclusion, et non un facteur d'exclusion. Alors que le monde avance vers une société toujours plus digitalisée, il est crucial de se poser cette question : quelle intelligence artificielle voulons-nous pour demain ? * Dr. Az-Eddine Bennani est ingénieur en informatique, titulaire d'un MBA de Chicago, docteur en sciences économiques de la Sorbonne, et expert en management stratégique, gouvernance digitale et intelligence artificielle. Avec plus de 40 ans d'expérience en France, au Maroc et à l'international, il a été ingénieur système, consultant et manager chez Hewlett-Packard en France, en Europe et au MEA, a été professeur-chercheur à La Sorbonne Universités/UTC et à NEOMA Business School, et est actuellement professeur associé à l'Université Al Akhawayn.