La production d'électricité représente un enjeu majeur pour les pays à travers le monde, particulièrement dans le cadre de la transition énergétique actuelle. En réponse à la hausse des prix des énergies fossiles, aux préoccupations croissantes relatives aux changements climatiques et à l'objectif global de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le choix des sources d'énergie se révèle décisif pour l'élaboration des politiques énergétiques nationales. Dans ce contexte, l'Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) a réalisé des études approfondies visant à comparer les coûts de production d'électricité issus de diverses sources d'énergie, afin d'éclairer les décisions des gouvernements et des investisseurs. Cet article explore ces coûts en détail, en mettant particulièrement l'accent sur le cas du Maroc, qui a choisi une approche ambitieuse axée sur la diversification de son mix énergétique. 1. Les coûts de production de l'électricité par source énergétique
a) L'éolien : L'énergie éolienne, qui utilise la force du vent pour produire de l'électricité, est l'une des sources d'énergie renouvelable qui a connu la plus forte réduction de coûts au cours de la dernière décennie. En 2023, les coûts de production de l'électricité à partir de l'éolien terrestre se situent entre 30 et 60 dollars par MWh, et cette fourchette peut descendre encore davantage dans les zones où les conditions de vent sont particulièrement favorables. L'éolien offshore, bien que plus coûteux, reste compétitif dans certaines régions, avec des coûts compris entre 60 et 100 dollars par MWh. La montée en puissance des parcs éoliens offshore (en mer) et les progrès technologiques pourraient encore réduire ces coûts à l'avenir Exemple mondial : Danemark : Le Danemark, pionnier dans l'exploitation de l'éolien, bénéficie des coûts de production les plus bas grâce à une politique de soutien robuste, des investissements massifs en R&D et une exploitation à grande échelle des parcs éoliens. Allemagne : L'Allemagne a investi massivement dans l'éolien dans le cadre de son projet "Energiewende". Bien que les coûts de l'éolien terrestre aient considérablement diminué, l'éolien offshore reste plus coûteux en raison des investissements d'infrastructure élevés.
b) Le pétrole : Le pétrole demeure l'une des sources d'énergie les plus coûteuses pour la production d'électricité, principalement à cause de la volatilité des prix sur les marchés mondiaux. En effet, le coût de production d'électricité à partir du pétrole peut dépasser les 100 dollars par MWh, selon les fluctuations des prix du brut. De plus, cette source d'énergie est une grande émettrice de CO2, ce qui la rend de moins en moins viable dans le cadre des objectifs climatiques globaux. Exemple mondial : Îles du Pacifique : Dans des îles comme Fidji et Marshall, le pétrole reste une source prédominante pour la production d'électricité. Cependant, cette dépendance les rend vulnérables à la volatilité des prix, ce qui rend impératif de s'orienter vers des alternatives renouvelables.
c) Le solaire : Le solaire photovoltaïque a vu une chute vertigineuse de ses coûts au cours de la dernière décennie. En 2023, la production d'électricité à partir du solaire se situe entre 20 et 50 dollars par MWh, en fonction des conditions locales d'ensoleillement et de la capacité industrielle de production de panneaux solaires. Ce coût est bien plus compétitif que celui des énergies fossiles, en particulier dans les régions bénéficiant d'un fort ensoleillement. Exemple mondial : Chine : En raison de sa position de leader dans la production de panneaux solaires, la Chine parvient à réduire les coûts de production à des niveaux parmi les plus bas au monde. Emirats Arabes Unis (EAU) : Le parc solaire Mohammed bin Rashid Al Maktoum, à Dubaï, produit de l'électricité à un coût estimé à 20 dollars par MWh, grâce à un ensoleillement optimal et à des innovations dans la gestion et l'optimisation des parcs solaires.
d) Le nucléaire : L'énergie nucléaire est une source stable et fiable, capable de fournir de l'électricité en continu, indépendamment des conditions météorologiques. Cependant, les coûts de construction et d'entretien sont élevés, et les défis liés à la gestion des déchets augmentent ces coûts. En moyenne, la production d'électricité nucléaire est estimée entre 70 et 120 dollars par MWh. Exemple mondial : France : Avec environ 70 % de sa production d'électricité provenant du nucléaire, la France a un coût de production relativement bas, en grande partie grâce à l'expertise accumulée. Toutefois, le pays fait face à des coûts croissants pour moderniser ses centrales vieillissantes. Etats-Unis : Aux Etats-Unis, la construction de nouvelles centrales nucléaires est extrêmement coûteuse, notamment en raison des exigences strictes de sécurité et des délais de construction longs, ce qui limite l'expansion de cette source d'énergie.
e) Le gaz naturel : Le gaz naturel, bien que fossile, reste compétitif en raison de son coût relativement bas et de ses faibles émissions de CO2 par rapport au charbon et au pétrole. Le coût de production de l'électricité à partir du gaz naturel varie généralement entre 40 et 80 dollars par MWh, mais reste exposé à la volatilité des prix du marché mondial, notamment en raison des tensions géopolitiques et de l'évolution de l'offre et de la demande. Exemple mondial : Etats-Unis : Le gaz naturel de schiste est une source majeure d'électricité aux Etats-Unis, permettant des coûts relativement bas de production. Toutefois, les fluctuations des prix du gaz peuvent affecter la rentabilité à long terme. Qatar : Le Qatar, avec ses vastes réserves de gaz naturel, est capable de produire de l'électricité à faible coût. Cependant, il cherche désormais à diversifier ses sources d'énergie en investissant dans des projets de production d'hydrogène vert. 2. Le cas du Maroc : une stratégie de diversification énergétique Le Maroc, riche en ressources naturelles pour la production d'énergie renouvelable, a mis en place une stratégie énergétique ambitieuse qui repose sur la diversification de son mix énergétique. Le pays exploite son potentiel solaire et éolien pour réduire sa dépendance aux énergies fossiles importées et minimiser les fluctuations des prix mondiaux. Avec un ensoleillement parmi les plus élevés au monde et des régions côtières bénéficiant de vents constants, le Maroc se positionne comme un acteur clé de la transition énergétique en Afrique et au Moyen-Orient. Exemples nationaux : Centrale solaire Noor de Ouarzazate : Cette centrale solaire thermodynamique est l'une des plus grandes au monde, avec une capacité de 580 MW. Elle permet de produire de l'électricité à un coût variant entre 20 et 30 dollars par MWh, ce qui la place parmi les projets les plus compétitifs au niveau mondial. Parc éolien de Tarfaya : D'une capacité de 301 MW, ce parc est l'un des plus grands d'Afrique et est situé dans une région bénéficiant d'un vent constant. Le coût de production d'électricité est très compétitif, ce qui renforce la position du Maroc comme leader en Afrique en matière d'énergie éolienne. Le Maroc a également lancé des projets d'interconnexion énergétique avec l'Europe et l'Afrique, permettant d'exporter l'électricité excédentaire, notamment en vue de devenir un leader dans la production d'hydrogène vert destiné à l'exportation vers l'Europe. 3. Conclusion et recommandations Au vu des éléments présentés dans cet article, il apparaît clairement que la production d'électricité à partir de sources renouvelables, notamment l'éolien et le solaire, devient de plus en plus compétitive par rapport aux énergies fossiles, dont les coûts demeurent souvent vulnérables à la volatilité des prix mondiaux. En revanche, bien que l'énergie nucléaire assure une production stable, ses coûts élevés, en raison des lourds investissements requis pour les infrastructures et la gestion des déchets, en font une option plus coûteuse à long terme. Le Maroc se trouve à un tournant stratégique dans sa transition énergétique. Grâce à ses ressources abondantes en énergies renouvelables, en particulier solaire et éolien, le pays dispose d'un potentiel énorme pour garantir une autonomie énergétique durable à des coûts compétitifs. Toutefois, pour accélérer cette transition, plusieurs défis doivent être relevés : Renforcer les infrastructures de stockage de l'énergie : Bien que le solaire et l'éolien soient très compétitifs, leur intermittence demeure un défi majeur. L'investissement dans des solutions de stockage de grande envergure, comme les batteries et les systèmes de stockage thermique, est essentiel pour assurer la stabilité et la résilience du réseau électrique. Diversification de l'approvisionnement en énergies renouvelables : Si le solaire et l'éolien constituent les piliers de la stratégie énergétique marocaine, il est crucial d'explorer d'autres sources d'énergie renouvelable telles que la géothermie et l'hydrogène vert, afin de rendre le mix énergétique encore plus robuste et flexible. Accélérer les projets d'interconnexion régionale : Le Maroc doit continuer à développer ses projets d'interconnexion avec l'Europe et l'Afrique, afin de mieux intégrer son réseau électrique au niveau régional. Cela faciliterait non seulement l'exportation de l'électricité verte, mais permettrait également de profiter des opportunités offertes par l'hydrogène vert dans le cadre de la transition énergétique mondiale. Optimisation de la gouvernance et des politiques de soutien : Afin de stimuler l'investissement privé et de renforcer le secteur des énergies renouvelables, il est impératif que le Maroc mette en œuvre des politiques incitatives et des réformes réglementaires ambitieuses. Cela garantirait la transparence, la compétitivité et la prévisibilité nécessaires pour attirer les investisseurs tout en soutenant les initiatives locales et régionales. En somme, bien que le Maroc ait déjà pris un excellent départ dans sa transition énergétique, son avenir énergétique reposera sur l'accélération de la diversification de son mix énergétique, l'innovation technologique et une coopération régionale renforcée. Ces mesures permettront non seulement de maintenir la compétitivité économique du pays, mais aussi de garantir une sécurité énergétique à long terme, tout en consolidant son rôle de leader dans la décarbonation de l'Afrique.