Les Etats-Unis, sous Donald Trump, et la Commission Européenne pourraient mettre en place de nouvelles mesures visant les investissements chinois dans les véhicules électriques (VE) et les coentreprises au Maroc, selon un think tank britannique. La visite au Maroc du président chinois, Xi Jinping, le 22 novembre dernier, après avoir participé au G20 au Brésil, est un signe de l'importance que la Chine accorde à la préservation de sa domination sur le secteur des véhicules électriques, selon l'Institut royal des affaires internationales britannique, Chatham House. Cette visite pourrait également signaler l'émergence Maroc comme champ de bataille dans une future guerre commerciale entre grandes puissances, indique le think tank britannique dans une récente analyse. « Les exportations chinoises de véhicules électriques sont confrontées à des politiques protectionnistes croissantes en Europe et aux EtatsUnis. Le Pacte vert de l'UE et ses politiques d'autonomie stratégique ouverte visent à protéger les chaînes d'approvisionnement industrielles et à réduire leur dépendance à l'égard de la Chine. Pendant ce temps, la loi américaine sur la réduction de l'inflation vise à encourager le « friendshoring » (Ndlr : Le friendshoring est l'acte de fabriquer et de s'approvisionner auprès de pays qui sont des alliés géopolitiques, tels que les membres du même bloc commercial ou d'une même alliance militaire) et à saper les efforts de la Chine pour dominer les chaînes d'approvisionnement occidentales dans les industries de l'énergie verte, en particulier les véhicules électriques et les batteries », écrit l'analyse, signée par le chercheur égyptien Ahmed Aboudouh, grand spécialiste de la Chine. Face à ces politiques protectionnistes, la Chine se tourne vers l'externalisation de son industrie des véhicules électriques. Pour les constructeurs automobiles chinois, le Maroc pourrait désormais jouer le même rôle pour l'Europe, affirme la même source. « Le pays contrôle 72% de toutes les réserves mondiales de roche phosphatée, ce qui en fait un centre mondial de production de batteries pour véhicules électriques, alors que le monde s'éloigne des batteries lithium-ion NMC et adopte des batteries lithium-fer-phosphate (LFP) moins chères et plus sûres », explique l'étude, rappelant que « le Maroc est également membre de l'initiative chinoise «Ceinture et Route» depuis 2017 après avoir signé un accord de partenariat stratégique avec la Chine lors de la visite de SM le Roi Mohamed VI à Pékin en 2016 ». « Le Maroc est donc un choix idéal pour l'externalisation de l'industrie chinoise des véhicules électriques », souligne le Centre de recherche britannique, ajoutant que le principal atout de Rabat réside dans ses accords de libre-échange avec les Etats-Unis et l'UE et dans son appartenance à la Zone de libreéchange continentale africaine (ZLECAf). Autre atout mis en avant : la proximité géographique du Maroc avec les marchés européens, africains et américains réduit les coûts de transport et d'assurance. De même, le Maroc dispose d'infrastructures automobiles parmi les plus avancées d'Afrique, de réseaux ferroviaires et routiers, d'une main d'œuvre bien formée et bon marché et d'un cadre de gouvernance industrielle mature.
Le Maroc pourrait devenir la cible d'une guerre commerciale à venir Chatham House fait savoir, par ailleurs, que les efforts de la Chine au Maroc sont doubles : elle cherche à renforcer la base industrielle de son partenaire et à contribuer à la modernisation des infrastructures nécessaires à la connectivité et aux exportations. Le think tank britannique cite, dans ce contexte, la signature en juin 2023 d'un protocole d'accord de 6,4 milliards de dollars pour la construction d'une usine de production de batteries pour véhicules électriques près de Rabat, et qui sera la plus grande usine en Afrique. Il rappelle aussi le contrat de construction de voies ferrées dans le port de Casablanca, remporté en novembre dernier par China Overseas Engineering Corporation (COVEC). Un marché qui fait partie intégrante du projet de la LGV Kénitra-Marrakech. L'analyse note que le Maroc souhaite également obtenir le soutien de la Chine pour le projet de gazoduc Nigeria-Maroc (NMGP), dont la phase d'appel d'offres initiale est prévue pour 2025. Pourtant, d'après cette étude, le rôle du Maroc comme solution de contournement pour les entreprises chinoises de véhicules électriques pourrait le placer au cœur de la concurrence entre grandes puissances. « Sous Trump, les Etats-Unis et la Commission Européenne pourraient mettre en place de nouvelles mesures visant les investissements chinois dans les véhicules électriques et les coentreprises dans des pays tiers, dont le Maroc », écrit l'analyse. « Le Maroc pourrait ainsi devenir la cible d'une guerre commerciale à venir. Cela pourrait créer des défis considérables. Mais s'il parvient à protéger ses intérêts et à s'en sortir indemne, il pourrait servir de modèle à d'autres pays du Sud », conclut-elle.