L'art contemporaine au Maroc, ce n'est pas le joli tableau qu'on accrocherait (il y'en a des millions dans différentes régions), ou les écoles spécialisées, mais plutôt la réflexion artistique sur laquelle nous fait aboutir une œuvre, pour découvrir son originalité au fond de sa dimension humaine, esthétique, ou philosophique, si elle en a une. Au Maroc, l'art (la peinture, la sculpture, le design, la vidéo, l'installation ou la performance..), ne se définit pas abstraction faite des mentalités (socialement) dominantes, parce qu'en fin de compte c'est les attitudes générales -relevant des ces mentalités- qui déterminent la situation (ou le processus global) dans ce domaine, concernant la production artistique, ou l'information ou la critique, ou le marché de l'art, ou le statut de tout cela dans la communication médiatique, dans l'éducation ou dans l'entendement général de la culture. Au Maroc, en général (avec des singularités régionales), la recherche picturale s'inscrit dans le cadre de l'expression d'un patrimoine artistique et culturel, et à partir d'un héritage civilisationnel nuancé (dans un espace de culture musulmane, afro-judéo-arabe et amazighe) ; mais ceci n'est qu'une identification qui touche la forme, la technique ou la spécificité de l'entendement artistique, car au fond ,l'être humain Marocain est un être humain comme les autres, et donc les artistes Marocains sont autant dotés de sensibilité universelle de l'Etre et vis-à-vis de la Nature, de l'Univers ou du Cosmos, de la Vie ou de la Mort, du Bonheur ou du Malheur, de la Laideur ou de la Beauté, du Matériel ou du Spirituel. Ceci, pour écarter la vision simpliste (et mercantile) qui veut présenter l'Art contemporain au Maroc comme « naïf » ou simplement d'expression graphique ou calligraphique, tout en admettant que certaines expressions de ces genres sont aussi authentiques. Sinon, pourquoi juste en quelque décennies (d'art contemporain) les artistes Marocains ont pu faire exprimer en différents styles de peinture ce qui a demandé (plus ou moins en qualité, non en quantité) des siècles à d'autres artistes dans d'autres régions du monde et à travers l'Histoire ?.. Et en théâtre ou en cinéma -par exemple- ou en photographie, doivent-ils être autant naïfs ?!.. L'authenticité de l'expression et de la recherche ou de l'interprétation artistique au Maroc (en peinture, en sculpture, en design, vidéo ou autre) est relevée dans la forme et la lumière d'un réalisme (non orientaliste), ou dans l'expression d'un abstrait (non intellectualisant), ou dans la position du symbole ou de l'objet (non meublant), dans l'esthétique (non exhibitionniste) ou dans une thématique (non simplement académique). Mais la peinture qui reprend au Maroc l'entendement et la tradition picturale d'autres cultures exprime aussi un droit légitime, à condition qu'elle réussisse cette reprise au lieu de n'en faire qu'un « ridicule plagia », ou un « adoucissant » d'aliénation culturelle, ou de confusion entre l'Art et le marketing de la déco (connu en Europe). L'identité du vrai travail d'art au Maroc fait exprimer l'universalité artistique à travers l'authenticité et la diversité d'une chaleur culturelle (et non d'une culture d'ensoleillement). Ici on ne peint pas le contexte mais on l'utilise singulièrement pour faire exprimer le message qu'on « peint » ; on ne propose pas l'exhibition ou la discussion d'un « thème » mais on le prend comme socle pour une spiritualité méditative. Dans cette expression il y'a le silence expressif d'un langage subtil. Ce genre d'expression et de recherche sérieuse existe au Maroc chez beaucoup d'artistes (connus ou pas connus), même si ce n'est pas courant sur l'avant-scène, et c'est ici que réside la recherche picturale, d'autant plus qu'elle exprime aussi (comme ailleurs dans le monde), une sérieuse consistance intellectuelle et un grand soucis de recherche humaine et d'épanouissement spirituel. Ceci n'a rien à voir avec la tendance (bien courante aussi) qui consiste à « décider » d'être « artiste » ou « critique d'art » simplement après un bon petit déjeuner, dans un beau matin !.. L'inspiration au niveau du travail artistique, ce n'est pas une question de tempérament personnel ou d'état d'âme passager ou de conditions matérielles ; c'est une dimension de perception à laquelle on arrive -ou on arrive pas- quand on engage l'effort de transcender la vision quotidienne ou intellectuelle, pour passer à un autre langage d'expression picturale (dessin ou peinture, sculpture, design,..).. ; le reste serait le produit de circonstance d'humeur exceptionnelle, qui se ferait répéter de différentes manières techniques (le plagia, des autres ou de soi-même..), ou alors c'est un faux semblant fabriqué avec préméditation pour être lancé dans le marché ou pour les médias ( et on dirait que ça réussit souvent !). Le choix du travail artistique sérieux et difficile montre que la question de l'inspiration serait alors un effort de sensibilité et de créativité qu'on découvre un jour dans la voie de l'Art après un travail de recherche, de méditation et de détachement des visions superficielles (et des buts lucratifs ou de célébrité). Et ainsi on investit cet effort de maîtrise à chaque fois pour exprimer ce qui sensibilise, ou ce qui touche l'univers de l'imaginaire, ou ce qui permet de créer ou d'échanger artistiquement. De grands artistes Marocains ont bel et bien fait exprimer la profondeur à ce niveau (et qui sont célèbres au niveau mondial), tel que Ben-yessef ou L'habbouli, ou Belkahia, ou Rabie, ou Fatima Hassan,.. ou de regrettés défunts tel que Kacimi ou Lakhdar, ou Saladi, ou encore des critiques et chercheurs en esthétique, comme le défunt Khatibi ou Amran Elmaleh , Laaroussi, Achefri, Aamirouch et d'autres.. tout en sachant qu'il y'a aussi au Maroc d'autres grands qui ne cherchent pas nécessairement à être connus, ou qui sont morts en laissant seulement des traces qu'on reconnaîtra un jour. Et dans tout cela, l'originalité ne serait qu'une belle harmonie des éléments que formule une expression distinguée (sans reformulation d'autres expressions), permettant une nouvelle appréciation ou lecture traduite en production réelle. Elle serait une chanson non chantée déjà et sortirait d'un rêve non revu. Apres ces quelques décennies de pratique continue et diversifiée, les arts plastiques au Maroc commencent à affirmer à travers certains travaux et tendances une certaine identité d'expression picturale contemporaine. Cependant, c'est le développement de la critique d'art (et « l'abolition » de la complaisance) qui permettra plus un jour de remettre chaque chose et chaque niveau à sa place : Présenter ou étudier le travail d'un artiste ayant un authentique parcours, ne se confond pas avec la formule de présentation et d'encouragement d'un autre qui cherche -à peine- sa voie. Mais l'on peut remarquer aussi -en passant-, que les relations dans ce domaine s'emportent à confondre entre présentation professionnelle et marketing d'intérêts partagés ; et là il faut rappeler qu'au Maroc ce n'est pas seulement les « milieux politiques »qui devraient accepter de laisser un peu la place sans y placer un neveu (ou un dauphin ), mais aussi les « milieux artistiques » ; on dirait que c'est une « culture » générale de proches que les « intellos » n'aiment dénoncer qu'en milieux politiques ou médiatiques !.. Et puisque les mentalités du féodalisme n'initient pas leur propre changement, il serait efficace que la « culture de la démocratie » soit encore plus expliquée et structurée au niveau pratique, avec les « douleurs » que cela implique. Ceci aurait aussi un bon accompagnement si les penseurs, les philosophes et les écrivains journalistes au Maroc se mêlent plus (en toute responsabilité) de ce que nous prétendons présenter comme « Art », pour voir s'il en est ainsi, pour ne pas laisser ceci aux jugements des « actionnaires » ou spéculateurs entre eux. C'est bien aussi si la nouvelle gestion du Ministère de la Culture permet d'élever la réflexion sur les arts plastiques au Maroc, ainsi que sur les moyens à mettre à la disposition de leur épanouissement et le soutien des jeunes artistes (pour maintenant et pour l'avenir), et c'est bien aussi si le privé au Maroc appuie l'art et la culture s'il veut retraduire la « Trace » de notre « acte civilisationnel », au lieu d'enfoncer continuellement dans la consommation de « la bouffe, du béton armé et des voitures de luxe » !.. Et suite à la tenue (et réussite) d'une foire de l'art -à Casa-, pourquoi ne pas initier aussi des foires régionales, pour appuyer cette culture de diffusion de l'art au niveau national. Par ailleurs, la vente aux enchères (dans ce domaine), c'est un bon apport de valorisation, mais cela aussi pourrait être encouragé et structuré dans différentes régions du Maroc, pour la proximité de la découverte et de l'appui, et pour généraliser cette culture d'appréciation, si ce n'est pas de placement dans les œuvres artistiques. En fin, d'une manière spéciale, comment stimuler les conduites générales pour faire de la consommation d'un tableau -ou d'une sculpture ou d'un objet de design-, un penchant quotidien (ou ne serait-ce qu'annuel !..), traduisant une considération de « la création » et appuyant réellement l'intégration du « produit culturel » -peint ou écrit- dans la dynamique économique globale ? Comment alors changer une atmosphère situationnelle dans laquelle un grand -ou moyen- cadre (ou commerçant) n'achète pas une œuvre une seule fois par an, ou celle dans laquelle on relève qu'un « investisseur » Marocain (particulièrement dans le tourisme) ouvre une résidence hôtelière qui lui coûte pas moins de cinq millions de dirhams, sans réserver -ne serait-ce que- vingt milles dirhams pour des oeuvres d'artistes locaux, à mettre dans cet espace où il prétend accueillir « avec culture », tout en collant aux murs des « aquarelles de bazars copiées à cinquante dirhams » ?!.. Néanmoins, il faut reconnaître les efforts de certaines institutions ou de particuliers ou d' associations -et de ceux qui les soutiennent- pour faire valoriser effectivement la question culturelle et artistique, tout comme il faut reconnaître aussi ce que cela demande réellement aux décideurs politiques et aux Communes (dans cette potentielle ère de régionalisation !..) pour faire repasser en revue le degré -réel- de considération du culturel et des moyens qu'il faut mettre à la disposition de cela. Mais aussi -sociologiquement parlant-, il faut rappeler que l'opportunisme qui affecte certains milieux politiques (ou simplement et purement commerciaux !..), doit être sérieusement contourné, à cause du « virus féodal » qu'ils portent constamment et qui menace continuellement le travail commun de développement socioculturel et artistique -aspiré- au Maroc, pour une bonne affirmation participative à l'échange international.