Les débuts des années 60 vont connaître, sur le plan politique, l'accès à l'indépendance de nombreux pays d'Afrique et du tiers-monde en général. Le Sénégal, le Mali, le Congo comme l'Algérie sont devenus indépendants ces années là. Du coup, le monde se trouve devant une nouvelle carte libérée du joug du colonialisme. Et du coup, des notions telles que l'identité nationale finissent par avoir une connotation toute nouvelle. La défense de la culture nationale, la sauvegarde du patrimoine, la valorisation du passé sont devenus des préoccupations immédiats pour les peuples décidés à paraître différents de leurs oppresseurs. Le cinéma constituait un jalon vers la confirmation de l'identité, identique au théâtre, à l'art plastique ou au chant et la musique. Aucun de ces pays ne peut prétendre une industrie du cinéma chez lui mais aider à produire quelques films par an devient presque vital dans un souci uniquement identitaire. L'Algérie et le Sénégal ouvrent le bal en produisant des films dès 1964 et 1966, suivis par le Maroc quelques années plus tard. « Décembre », tout comme « Hassan Terro » ou « La noire de… » sont les premiers longs métrages que produit l'Afrique et ces films sont vite hissés au rang d'œuvre d'art relevant aujourd'hui des classiques du cinéma du tiers-monde. Avec peu de moyens, on arrive grâce à un génie créateur, à faire des films efficaces frisant la perfection dans le fond et dans la forme. L'Occident n'avait qu'à reconnaître les mérites et récompenser ces œuvres. L'Amérique Latine n'était pas en reste. Les films brésiliens sont vite reconnus et sollicités par les grands festivals occidentaux, mieux encore, on ouvre les portes de la coproduction à ses représentants tels Glauber Rocha et Nelson Pereira Dos Santos. Finalement, la théorie de Rocha, revendiquant « Une esthétique de la faim » avait triomphé. L'Amérique Latine adopta à l'unanimité cette doctrine, nouvelle et audacieuse, et les films de ce continent abondent sur la même lignée, de Colombie comme du Chili, du Venezuela comme du Pérou, du Brésil comme de l'Argentine. Pour accompagner le mouvement, il faut aller de l'avant et s'attaquer aux structures. L'Algérie nationalise courageusement le secteur du cinéma après un fâcheux différend l'opposant aux « Majors » américaines. Elle en sort gagnante et eut droit à la liberté de diffusion de films sur son territoire. Des voix semblables s'élèvent en Tunisie mais sont étouffées en prison. La principale victime est Tahar Chariaâ jugé offonsant dans ses déclarations et pourtant justes : « Celui qui détient la distribution, détient le cinéma », si simple que ça et cela n'a pas l'air d'être méchant ; Cependant, cette phrase, située dans son cadre des années 60-70, avait une longue portée et pouvait « nuir » à un pays ami. La première cinémathèque naît en Algérie en 1966, suit le Festival de Carthage à la même année, ce qui constitue une bouffée d'oxygène pour les cinéastes de cette partie de la terre dite « Le tiers-monde ».