Le nombre de candidats au baccalauréat 2024 a atteint plus de 493.000 dont 64% dans les filières scientifiques et techniques contre 35% seulement dans celles dites littéraires, mettant en lumière les préférences des élèves marocains pour les parcours scientifiques. Décryptage. Le baccalauréat, passage emblématique dans la vie des élèves, représente une étape cruciale dans leur parcours académique. Au fil des années, une tendance marquante a émergé : la prédominance des filières scientifiques au baccalauréat. En effet, que ce soit par choix délibéré ou par orientation progressive, de plus en plus d'élèves optent pour ces domaines dans leur cursus au détriment des branches littéraires. Chiffres à l'appui : le nombre de candidats au baccalauréat en 2024 a atteint 493.651 dont 64% dans les filières scientifiques et techniques contre 35% dans les filières littéraires. Une tendance ancienne qui trouve ses racines dans une croyance profondément ancrée dans la culture marocaine, selon laquelle les filières scientifiques sont synonymes d'excellence professionnelle. « Malgré l'inexactitude de cette théorie, beaucoup d'élèves se retrouvent contraints à suivre des parcours scientifiques pour valider leur intelligence auprès de la société », déplore Mohamed Guedira, Professeur universitaire, expert en politique éducative et ingénierie des compétences. A cela, s'ajoute la pression parentale. En effet, les parents, souvent peu informés en matière d'orientation scolaire, poussent leurs enfants vers des carrières dans la médecine, l'ingénierie et d'autres domaines scientifiques, en supposant que ces professions garantissent le succès et le prestige, fait remarquer M. Guedira qui rejette totalement cette théorie. En outre, notre interlocuteur pointe du doigt le manque d'orientation académique précise et pointue dans les écoles. « Dans leurs actions d'orientations, les conseillers se basent uniquement sur les notes de l'écolier sans prendre en compte ses intérêts et ses aptitudes individuels et les perspectives professionnelles qui correspondent à ses aspirations ». D'où la nécessité, selon le Professeur universitaire, d'améliorer la formation des professionnels du domaine pour s'aligner sur le principe d'orientation et de planification de l'éducation.
Baccalauréat, université, emploi A la différence de ce qu'on pourrait croire, les filières littéraires ouvrent des perspectives professionnelles prometteuses pour les jeunes, que ce soit en droit, en politique, en langues, en informatique, et autres secteurs où le manque de compétences est flagrant. Ceci dit, le diplôme ne s'impose pas comme facteur déterminant dans le marché de l'emploi. « Quel que soit le diplôme obtenu, ce dernier étant devenu très exigeant requiert d'abord et avant tout, de nouvelles compétences, notamment, le savoir-être, le savoir devenir, le savoir-vivre, la gestion des connaissances,. etc. », souligne Guedira, faisant remarquer le manque de concordance entre la formation et l'emploi, menant les lauréats des établissements universitaires à occuper des emplois sans lien avec leur formation de base. Cette tendance, bien qu'elle soit inquiétante, selon notre expert, permet au marché de l'emploi de répondre au besoin permanent de l'emploi en vue de lutter contre le chômage.
Equilibre science et littérature Dans ce contexte, notre interlocuteur appelle à des efforts de sensibilisation au niveau des écoles. Lesquels devraient se décliner en séances de formation et d'orientation permanentes dans tous les établissements scolaires, privés et publics, notamment en milieu rural. Ces séances devront permettre à l'élève d'aboutir à une meilleure compréhension de ses intérêts, ses compétences et encore les métiers les plus demandés sur le marché national et international, sans oublier les softs skills requis pour l'exercice de n'importe quel métier. Au regard de Mohamed Guedira, le fait de promouvoir une vision plus équilibrée de l'éducation, où les sciences et les lettres sont également valorisées, pourrait contribuer à former des individus plus polyvalents et créatifs, mieux préparés à relever les défis complexes de notre société contemporaine. De plus, le Professeur universitaire otre interlocuteur préconise des études longitudinales et ponctuelles sur l'employabilité des lauréats des filières scientifiques et littéraires. Celles-ci devraient servir de base importante pour harmoniser la construction collective et changer les stéréotypes concernant la valeur des diplômes. En somme, l'omniprésence des filières scientifiques dans le baccalauréat reflète une préférence sociétale marquée pour les domaines STEM (Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques). Cependant, cette tendance soulève des questions importantes quant à l'équilibre entre les disciplines et à la valorisation des parcours littéraires. Il est crucial de reconnaître la richesse et la diversité des voies éducatives, ainsi que les débouchés professionnels qu'elles offrent. Trois questions à Samir Benmakhlouf : « Les lauréats des branches littéraires ne sont pas très demandés à l'étranger » * Comment expliquez-vous la prédominance des filières scientifiques dans le baccalauréat ? C'est un phénomène qui existe depuis très longtemps. Il faut admettre que les parcours scientifiques ouvrent aux jeunes des opportunités d'emploi au niveau national et international. Les lauréats des filières scientifiques (médecine, ingénierie, informatique...) sont généralement les plus demandés et les mieux payés sur le marché de l'emploi. Le nombre de lauréats des filières littéraires est déjà très important. Cependant, peu d'entre eux arrivent à décrocher un emploi.
* Les opportunités professionnelles sont-elles limitées ? Les perspectives ouvertes aux littéraires sont très étroites par rapport aux scientifiques au regard des places limitées promues dans ce domaine. Le Maroc compte des milliers de lauréats de branches de Droit, par exemple, ce qui est très énorme par rapport à la demande moyenne. De plus, rares sont les lauréats littéraires qui arrivent à atteindre le marché de l'emploi à l'international, affectant ainsi l'attractivité de cette filière.
* Jugez-vous nécessaire cet équilibre entre les filières dans l'éducation nationale ? Ce déséquilibre est tout à fait normal au regard de la nature du marché de l'emploi et les changements qu'il connaît. Il faut dire que les opportunités professionnelles disponibles dépendent des compétences de chacun et de sa capacité à se distinguer dans le marché. Peu importe la filière choisie, il faut que nos élèves réussissent à acquérir les compétences du 21ème siècle. Il s'agit de la maîtrise de l'anglais vu son caractère international, la maîtrise des outils informatiques de base et encore le développement de leurs softs skills.