Les sénateurs du parti populaire espagnol ont fait voter une motion appelant à surveiller davantage les actions du Maroc à l'égard de Sebta et Melilia. Une nouvelle mesure décriée par les socialistes qui accusent l'opposition de droite de faire de la surenchère politique à des fins politiciennes. Décryptage. Depuis le revirement historique de l'Espagne sur le dossier du Sahara et son alignement sur le plan d'autonomie, la droite espagnole semble éperdue et en perte de stratégie d'autant plus que son échec amer dans les élections législatives a plongé le parti populaire dans une sorte de dépression politique. Faute d'argument pour pourfendre la réussite économique du gouvernement Sanchez, les camarades d'Alberto Núñez Feijóo tournent leur regard ailleurs en quête de boucs-émissaire : le Maroc fait figure de cible parfaite !
Après avoir tout fait pour contraindre Pedro Sanchez à revenir sur son soutien au plan d'autonomie pour le Sahara, le PP joue pleinement la carte des enclaves de Sebta et Melilia. Au Sénat, les parlementaires de droite ont réussi à faire passer une proposition destinée à créer une commission interministérielle chargée d'analyser les actions dites "unilatérales" du Maroc à l'égard des deux villes. Les sénateurs du PP ont convaincu quelques élus de la gauche radicale. Pour leur part, les élus socialistes ont voté contre. Cette initiative est portée par le sénateur Fernando Gutiérrez Díaz de Otazu qui a reproché au Maroc de refuser de reconnaître la souveraineté espagnole sur les deux enclaves. "Le Royaume du Maroc, par l'intermédiaire de ses représentants politiques, soulève périodiquement des revendications sur la souveraineté des deux villes", a-t-il déclaré lors d'une séance à la Commission des Affaires étrangères au Sénat. Il a également prétendu que le Maroc prend souvent des mesures unilatérales portant préjudice aux habitants des deux villes. Allusion faite aux douanes commerciales qui n'ont pas encore été rouvertes. La colère des socialistes Les méthodes des conservateurs ne plaisent guère aux socialistes qui leur reprochent de chercher sciemment à provoquer une crise diplomatique avec le Maroc et de se prévaloir du statut de Sebta et Melilia à fins politiques et électorales. C'est ce qu'a fait savoir le député et porte-parole du groupe du parti socialiste, Sebastián Guerrero, qui a accusé le PP de s'intéresser à Sebta et Melilia que lorsqu'il veut attaquer le Maroc. « Au lieu de travailler pour que l'accord avec le Maroc soit respecté et que les douanes commerciales fonctionnent à nouveau, le PP de Feijóo, avec la complicité de Vivas, s'emploie à critiquer et à mettre des bâtons dans les roues », a-t-il déploré, ajoutant que « le Parti populaire n'a jamais rien fait pour avancer dans la coopération avec le Maroc. « Le PP n'a ni projet ni propositions. Sa campagne a été basée uniquement sur le discrédit du Premier ministre", a-t-il poursuivi. En effet, cela fait des années que le PP critique la politique de Pedro Sanchez à l'endroit du Maroc. Le parti a progressivement durci son discours au fur et à mesure que Rabat et Madrid améliorent leurs relations après la réconciliation. Cette attitude semble paradoxale compte tenu que le parti de José Maria Aznar a fustigé Pedro Sanchez et son ancienne ministre des Affaires étrangères, Arancha Gonzales Laya, pendant la crise liée à l'accueil du chef du Polisario, Brahim Ghali. Des députés conservateurs avaient même à l'époque accusé le gouvernement socialiste de "provoquer la pagaille" dans les relations avec le Maroc.
Actuellement, le PP est en mauvaise posture face au gouvernement de Pedro Sanchez qui se porte bien économiquement et politiquement. Le taux de chômage est à son plus bas niveau depuis 2008 au moment où les perspectives de croissance sont optimistes pour 2024. En 2023, le voisin ibérique a réalisé 2,5% de croissance, soit un taux cinq fois supérieur à celui de la zone euro. Ceci laisse peu de marge de manœuvre à l'opposition qui reste crispée sur les sujets identitaires. Pour sa part, le PP s'est résolu à faire du Maroc un cheval de bataille dans sa croisade antisocialiste.