Aussitôt ouvert, aussitôt clôturé. Le procès, tant attendu de l'affaire des 7 quintaux de cocaïne n'a duré que le temps de la citation des noms des présumés accusés et la lecture des chefs d'insculpation retenus contre eux. A la demande de la défense le procès est renvoyé à la prochaine session. Pratiquement improvisé à la dernière minute, le procès de l'affaire des 7 quintaux de cocaïne découverts, au mois de mai 2018 au port d'Oran, dans une cargaison de viandes congelés en provenance du Brésil a été reporté à la prochaine session à la demande de la défense faute d'un dossier contenant les résultats de l'enquête. Une enquête qui n'a jamais eu lieu pour des raisons non élucidées jusqu'ici. C'est à la lumière de la guerre que se sont livrés les services de la sécurité intérieure sous tutelle du ministère de la Défense nationale et ceux de la police qui relèvent du ministère de l'intérieur, que fut décidée la tenue du procès d'une affaire mise aux oubliettes depuis cinq longues années. C'était une réaction de Farid Bencheikh, l'ex-Directeur Générale de la Sûreté Nationale à l'action menée à son encontre par les généraux des services de sécurité. Une guerre qui a fini par l'emporter et emportera, certainement, avec lui le dossier des 7 quintaux de cocaïne qu'il avait tenté de rouvrir. La réouverture de cette affaire devant la justice aura été marquée par la convocation du général Abdelghani Hamel, l'ancien patron de la police nationale mais, aussi, ancien militaire ayant servi, essentiellement, dans le corps de la gendarmerie et de la garde républicaine. C'est-à-dire qu'il sera fait appel à l'homme qui a été le premier à s'insurger contre la mise à l'écart du corps qu'il dirigeait au moment des faits pour voir l'enquête confiée à la gendarmerie nationale, alors sous la conduite du général Abdelghani Belksir, aujourd'hui, en fuite en Europe. Quelques minutes avant son limogeage, le 28 juin 2018, il avait déclaré « celui qui veut combattre la corruption doit être propre ». L'insinuation était claire. Elle était dirigée à l'adresse du général Ahmed Gaïd Salah, alors vice-ministre de la Défense nationale et chef d'Etat-major de l'armée. Ce dernier a réagi en un quart de tour. Dans les minutes qui ont suivi cette déclaration, il déboule à la présidence de la république et exige à ce que le patron de la police soit limogé ou il l'emprisonnerait. Son désir était un ordre. L'exécution s'effectue sans la moindre tergiversation. Et à partir de cet instant le général Abdelghani Hamel connaît une descente aux enfers sans pareille. Le 27 avril 2019, il est convoqué par la Justice, ainsi que son fils, pour « activités illégales, trafic d'influence, détournement de foncier et mauvaise utilisation de la fonction ». Le 4 juillet 2019, Abdelghani Hamel et deux de ses enfants, sont convoqués devant le tribunal de Sidi M'Hamed, entendus pour des affaires de détournement de foncier et d'enrichissement illicite. Auditionnés jusqu'à minuit par un juge d'instruction, ils sont placés sous mandat de dépôt et transférés à la prison d'El-Harrach dans l'attente de leurs procès. Le 1er avril 2020, Abdelghani Hamel est condamné à 15 ans de prison et à une forte amende dans plusieurs affaires de corruption, principalement liées au « blanchiment d'argent, à l'enrichissement illicite, au trafic d'influence et à l'obtention de fonciers par des moyens illégaux ». Cette peine est réduite en appel à 12 ans de prison. Ses enfants Amiar, Chafik, Mourad et Chahinaz sont respectivement condamnés à dix ans, huit ans, sept ans et trois ans de prison ainsi qu'à des amendes. Ces peines sont respectivement réduites en appel à 8 ans, 6 ans, 5 ans et 1 an (et une année avec sursis). Son épouse, Annani Salima, est condamnée à deux ans de prison. Les sociétés de la famille d'Abdelghani Hamel sont condamnées à une forte amende et à la « confiscation de tous les biens et biens meubles ». Le 4 juin 2020, il est à nouveau condamné à 12 ans de prison pour «détournement de foncier agricole et trafic d'influence ». Son fils Chafik est condamné à trois ans de prison. Le tribunal prononce la nullité des poursuites en avril 2022. Dans une autre affaire, il est condamné le 26 juin 2020 à quatre ans de prison pour « abus de fonction et blanchiment d'argent public pour le financement de groupes terroristes, sous couvert d'achat de biens immobiliers ». Il est acquitté le 7 novembre 2021 lors du procès en appel. Le 14 octobre 2020, dans une affaire mettant en cause Nachinachi Zoulikha, alias Mme Maya, (qui se présentait par ailleurs comme étant la fille cachée de l'ancien président Bouteflika), il est condamné à 10 ans de prison, peine confirmée en appel le 31 décembre 202013,14. En 2021, ses biens sont confisqués. Celui qui déclarait avoir un dossier sur l'affaire des 7 quintaux de cocaïne refait surface à la lumière de l'ouverture inattendue d'un procès improvisé en dernière minute. Un procès dont on n'est guère sûr qu'il se tiendra après le limogeage de Farid Bencheikh et l'incarcération d'une dizaine de fonctionnaires de police pour une sordide histoire d'un migrant clandestin qui ne s'imagine nullement que sa fuite du pays a ravivé la guerre des services dans son pays.