La Sqala, ce fort antique à la vue imprenable sur l'Atlantique témoigne du passé militaire de Casablanca, que l'on ne peut que qualifier d'emblématique. Embarquement immédiat dans la machine à faire remonter le temps. La Sqala est bien plus qu'un établissement culinaire aux airs d'antan. Il s'agit, en sus, d'une entité historique qui plonge ses racines au XVIIème, soit lorsque le Sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah a décidé de construire une forteresse militaire aux abords de l'ancienne Médina de Casablanca, en face du port de pêche, qui donne sur l'Atlantique. Remis en état, selon les règles archéologiques par de fervents protecteurs du patrimoine casablancais, ces lieux pétris de mémoire symbolisent, aujourd'hui, le tandem réussi de l'antiquité et de la modernité, conciliant le décor d'une époque lointaine avec des prestations culinaires répondant avec brio aux exigences de la société marocaine moderne.
De forme irrégulière et de style mauresque, la Sqala a d'abord été construite à des fins sécuritaires, à une époque où les pirates étaient légion et les guérillas, récurrentes. En effet, comme en témoigne moult récits historiques savamment répertoriés aux Archives nationales du Royaume, en 1769, Sidi Mohammed Ben Abdallah a décidé de faire construire une forteresse défensive pour assurer la protection de la ville qui suscitait de nombreuses convoitises grâce à son arrière-pays agricole, son magnifique port de pêche et sa main-d'œuvre polyvalente.
L'iconique fort antique
Grandiose, elle surplombe majestueusement les vagues de l'Océan. Ses canons témoignent de l'ancienne présence de plusieurs fenêtres aveugles en forme d'ogival, comme nous pouvons le lire dans les récits de plusieurs historiens. Ces éléments ont été restaurés dans les règles de l'art car ils représentaient de nombreux signes de détérioration avancée et menaçaient l'effondrement de ce joyau architectural empreint d'Histoire et de mémoire.
Et de quelle mémoire ! Celle, en l'occurrence, de ses murs de pierre, de sa haute voûte, du ruissellement des eaux de ses fontaines et de la magnificence de son jardin andalou, rien n'a été laissé au hasard. Une architecture unique en son genre. Les trois versants légèrement inclinés de cette forteresse ont des parois d'une hauteur limitée. Les soubassements, que l'on peut apercevoir sur les illustrations historiques, sont encastrés dans le roc. Le cordon de pierre au faîte de la paroi était censé dévier les boulets de feu et protéger les attelages de canons.
Deux miradors (c'est-à-dire des tours de guet) disposés à des angles distincts autour du monument attestent de la finesse d'une stratégie de défense bien ficelée. Ces tourelles, en forme de grains de poivre, servaient aux gardes à surveiller. À partir de cette base, une série d'ornements raffinés s'est constituée jusqu'à une coiffe en forme de chapeau, aujourd'hui disparue, mais que l'on peut voir sur d'anciennes photographies. Après 1907, des aménagements ont été effectués, tels que l'ajout d'une poterne donnant accès à la mer et de deux étages d'escaliers conduisant à l'esplanade du « borj ». Les bornes-fontaines, à l'origine éloignées par des merlons, ont également été espacées de façon à adapter l'édifice à des artilleries plus performantes.
Une architecture polytechnique
Cette plongée dans le temps est facilitée par la symétrie du portail, couronné d'un pavement, d'une terrasse et de deux portes. Celle de gauche donne accès à une galerie semi-enterrée qui devait abriter une casemate d'armes. Celle de droite a été démolie au début des années 1980. De chaque côté du portail géant, deux portes conduisent à la visite, qui permet d'admirer la mer. Au deuxième étage, une loge abrite de superbes cabanes réaménagées en moucharabieh. Deux colonnes imposantes, coiffées de chapiteaux sur un plan carré, relient la tour au rempart.
De nos jours, d'aucuns se ruent à destination de la Sqala pour ses sapidités culinaires exquises et inégalées. Aussi, ce monument est-il devenu, depuis plusieurs décennies, la scène incontournable des manifestations culturelles et le lieu de convergence de tous les « Casaphiles » du monde. Prisée pour sa vue imprenable sur l'océan Atlantique, peintres, acteurs, mannequins et autres enthousiastes sont devenus des habitués de ce temple de la culture, de cette galerie dédiée à toutes les formes d'expression artistique, propice à la réflexion, à la méditation, voire à la rêvasserie.
Zoom : La Sqala, porte-drapeau du patrimoine matériel et immatériel Il y a plus de deux ans, pas moins de 18 bâtiments, sis dans la Médina de Casablanca, ont été inscrits sur la liste du patrimoine national, publié au Bulletin officiel le 4 mars 2021. En tête de cette liste il y a lieu de mentionner la Sqala, la Zaouia Kadiriya et l'école Omar Abdelaziz. En d'autres termes, dorénavant, aucune modification, rénovation ou réhabilitation ne peut avoir lieu sans l'accord des autorités de tutelle, soit le ministère de la Culture. Ce n'est pas tout. En effet, pour qu'un chantier ait lieu dans les règles de l'art, les propriétaires des lieux sont priés de l'annoncer bien à l'avance, soit six mois plus tôt.
La Sqala, le site historique, monument emblématique et restaurant iconique, quartier général des touristes friands d'exotisme et autres amoureux de la Dolce Vita, est un des derniers vestiges de la Cité blanche, Casablanca. Avec plus de trois siècles d'Histoire, cette adresse hors norme a déjà reçu toutes ses lettres de noblesse.
Ainsi, bâtie en 1770, il a, tour à tour, été le lieu de recueil de soldats, de diplomates, hôtes des Sultans Moulay Mohammed ben Abdallah et son fils Moulay Yazid ben Mohammed, mais aussi de nombreux visiteurs de par la ronde, de nos jours. Le réaménagement du monument et de son café maure atteste, donc, de cette volonté du Royaume de veiller à la sauvegarde de son patrimoine matériel et immatériel.
De plus, dès l'an 2000, les militants culturels de Casamémoire, veillent à la revalorisation de cette adresse épique au passé mythique. En faire une activité rentable, à travers son établissement culinaire, n'est qu'une manière d'en assurer l'entretien sur du long terme, apprend-on de source sûre. Histoire : Mohammed ben Abdallah, le pacificateur La construction de la Sqala par les hommes du Sultan Mohammed ben Abdallah fut, donc, le marque-page de la glorieuse Histoire militaire du pays. Appelé également Mohammed III, né en 1721 à Meknès et décédé le 11 avril 1790 à Rabat, fut le fils du Sultan Moulay Abdallah et de son épouse de la tribu des Chéraga. Parmi ses fils, il y a Moulay Yazid ben Mohammed (né d'une mère espagnole), Moulay Hicham, Moulay Slimane et Moulay Maslama.
Après avoir été nommé gouverneur de Marrakech par son défunt père, le Sultan Abdallah ben Ismaïl, en 1750, Mohammed ben Abdallah devient Sultan de l'Empire du Maroc, le 12 novembre 1757, sans opposition à son intronisation dans la ville ocre. Il réussit à endiguer la présence portugaise au Maroc en regagnant Mazagan en 1769. Cette suite logique d'événements a conduit à la signature d'un traité de paix entre les deux royaumes après de nombreux siècles de désaccord. Sultan itinérant par conviction, il ne se fixe pas de capitale particulière, même s'il fait bâtir une résidence sultanienne à Rabat en 1785, donnant à cette ville le rang de capitale impériale (aux côtés de Fès, Marrakech et Meknès). Il conserve des relations privilégiées avec toutes les puissances orientales et occidentales.
A titre de rappel, l'existence portugaise à Mazagan a commencé en 1514. Ce fut la date de la construction d'une citadelle dans la ville, (qui existe encore à nos jours). Notons qu'en 1562, les Marocains dirigés par les Sultans saadiens avaient déjà essayé sous le commandement de Mohammed al-Mutawakkil d'assiéger les Portugais présents dans cette ville. La garnison portugaise à Mazagan en 1769 était de 592 hommes, 472 fantassins, 99 cavaliers et 21 artilleurs.
Au début de 1769, le Sultan alaouite ben Abdallah, refusant de reconnaître la possession portugaise de Mazagan, a mis en avant une armée de 70.000 hommes. Arrivant à Mazagan, alors que le siège se prolongeait, la garnison envoya une lettre au Roi Joseph Ier du Portugal demandant de l'aide. De ce fait, le roi portugais ordonna à ses sujets d'évacuer la colonie. Le 20 décembre 1777, il a annoncé que tous les navires battant pavillon américain devaient être autorisés à entrer en toute liberté dans les ports marocains, faisant ainsi du Maroc le premier pays au monde à reconnaître de facto l'indépendance des Etats-Unis. Sidi Mohammed ben Abdallah meurt le 11 avril 1790 à Rabat. Son fils Moulay Yazid lui a succédé. Sultan maroco-espagnol, parlant parfaitement l'espagnol, il s'est davantage rapproché de la péninsule ibérique.
Bienfaisance : La Sqala à l'heure de l'associatif Il y a environ deux ans, via la plateforme communautaire Zoom, « Le Rotary Casablanca La Sqala » et la Fondation Recherche Alzheimer ont organisé la première édition marocaine des « Entretiens Alzheimer Casablanca ».
Cette rencontre digitale sur la maladie d'Alzheimer est organisée, chaque année, à Paris, Lyon, Bordeaux, Nantes et Marseille, depuis près de 15 ans. A la Sqala, cet événement a réuni des experts marocains et étrangers qui ont pris part à ce webinaire afin de partager des informations clés autour des récentes recherches menées sur cette pathologie, espérant sensibiliser ainsi, au mieux, sur ses aléas, symptômes et soins. Ce rendez-vous a également permis aux proches-aidants de partager leur vécu et témoignages avec les experts intervenants et les membres du club. Parmi les experts attendus, il y a lieu de mentionner Dr Olivier de la Doucette, Président-fondateur de la Fondation Recherche Alzheimer, psychiatre et gérontologue à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière de Paris, mais aussi le Pr Bruno Dubois, Neurologue au sein de la même institution, sans oublier le docteur Mustapha Oudrhiri, Spécialiste en gériatrie et en médecine interne à Casablanca, la Pr Maria Benabdeljlil, neurologue à l'Hôpital des Spécialités de Rabat, Bouchra Benyezza, Thérapeute et psychothérapeute au centre Psychiatrique du CHU de Casablanca et Christelle BARDET, Ecrivaine et auteure du livre « Quand maman plantait des brosses à dents ». Art culinaire : Zoom sur le café-restaurant maure de la Sqala Depuis que la trémie des Almohades est libre à la circulation, il fait bon de visiter la Sqala. Il faut dire que même pendant les travaux du chantier, qui ont eu lieu au beau milieu de ce boulevard aux débuts de la pandémie du Covid-19, la Sqala était ouverte au public et arborait fièrement la nouvelle carte de son restaurant.
La raison en est que ce restaurant-café maure demeure l'une des adresses culinaires les plus prisées par les amoureux de la ville et de l'art culinaire typiquement marocain.
Pour ce qui est des nouveautés, l'établissement culinaire du monument historique propose une carte actualisée et révisée aux goûts du jour, où se mâtinent, avec harmonie, des saveurs marocaines et méditerranéennes. Au menu, des mets aux parfums traditionnels côtoient des recettes savoureuses qui chatouillent les papilles avec un large éventail de salades authentiques de saison, des briouates, des assortiments de fruits de mer, ou encore le tant adulé tajine d'agneau confit ! Pour des raisons de cohérence, le décor, dont la pièce maîtresse reste la fontaine nichée dans le jardin andalou, est rythmé de notes de melhoun, de musique gharnatie ou andalouse, mais aussi les meilleurs tubes de la chanson marocaine.
En outre, le restaurant la Sqala réserve une offre de premier rang à tous les passionnés de poisson frais, braisés, grillés, marinés ou cuisinés en filets de loup, seiches ou dites « assiettes du pêcheur », sans oublier les tant appréciées gambas à la plancha.