En Afrique, des dizaines de millions de personnes présentent une déficience visuelle. Le nouveau président de l'Union africaine des aveugles (AFUB) est à leur chevet. Dans cet entretien, et au lendemain de son élection à la tête de cette organisation, il nous explique la démarche et les défis à relever. Explications. Vous avez été élu à la tête de l'Union africaine des aveugles (AFUB), le 30 octobre dernier à Rabat, dans le cadre des travaux de sa 10ème assemblée générale. Quelles sont vos priorités ?
Ma priorité est que le siège de l'AFUB soit établi une fois pour toutes au Maroc. Le Maroc va nous aider à faire bouger les choses pour les non-voyants en Afrique. Le Royaume a abrité la 10ème assemblée générale de l'AFUB tenue sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi. La politique clairvoyante du Souverain chérifien est, on ne peut plus claire, d'avoir des échanges avec les autres pays du continent.
Dans ce sens, le Maroc va mettre en œuvre une politique pour améliorer la situation des associations des non-voyants du continent. On a besoin d'échanges d'expériences. Nous pouvons nous entraider. Nous devons travailler ensemble et joindre nos efforts pour répondre aux enjeux qui touchent les non-voyants et les malvoyants et élargir le cercle des services auxquels ils peuvent avoir accès. Mon objectif est également de favoriser l'éducation des non-voyants et malvoyants et d'améliorer leur inclusion, représentation et participation au sein de la société, en s'appuyant sur l'expérience d'experts et d'anciens présidents de l'organisme.
Pensez-vous que la généralisation de l'informatique est un bien ou un mal pour les malvoyants et les non-voyants ?
La nouvelle technologie joue un rôle très important dans le quotidien des malvoyants et des non-voyants, en particulier, et des personnes en situation de handicap, en général. Celle-ci leur facilite la communication, la lecture et l'écriture, et leur permet de mener des recherches, à l'aide de la synthèse vocale... Tandis qu'on avait besoin auparavant d'être accompagné dans ces actions.
Par rapport à l'enseignement du Braille, où en est-on actuellement au Maroc et en Afrique ?
Le système Braille existe au Maroc depuis 1948. L'association française « Les Amis des Aveugles », à Casablanca, a mis au service une école spécialisée. Depuis, le Braille fait le tour du Royaume. En 1956, des leaders non-voyants, comme feu Mohamed Skalli, feu Tahar Bouri et autres, ont introduit le Braille en arabe au Maroc. D'ailleurs, il faut le souligner, le Parti de l'Istiqlal a joué un rôle très important pour le soutien des premières associations marocaines créées par des non-voyants.
Dans la vie de tous les jours, quelle est la plus grande difficulté des malvoyants et des non-voyants ?
Pour les étudiants, bien que l'utilisation des nouvelles technologies leur permette de consulter des ouvrages et des recherches scientifiques, la question de l'embauche se pose après avoir eu leurs diplômes. Heureusement que le gouvernement marocain a établi une loi donnant aux personnes en situation de handicap de participer aux concours de recrutement. Chaque année, 200 personnes d'entre elles sont embauchées. Quant aux personnes ayant perdu la vue et n'ayant pas eu l'occasion d'être formées dans l'une des treize écoles spécialisées, elles rencontrent plus de problèmes. Mais si elles arrivent à s'adapter et à suivre une formation manuelle, elles peuvent gagner leur vie. Portrait : Il garde en vue l'amélioration du quotidien des aveugles Depuis 1987, Mohamed Ez-zaoui s'est engagé contre la stigmatisation des personnes en situation de handicap et milite pour les droits des malvoyants et des aveugles. Sa voix puissante et pleine d'entrain témoigne de son énergie et de sa force de caractère. Né dans la région montagnarde de Taounat, précisément dans la commune Bouadel, il est devenu aveugle en décembre 1966. Depuis, il se lève tous les jours sans voir. Mais il est déterminé à faire changer le regard que la société porte sur ce handicap. « On perçoit le handicap comme une perte de chance de réussir ou de s'épanouir », regrette-t-il. Il souhaite démontrer le contraire comme il l'a fait par le passé. « Au collège, j'ai suivi une formation de standardiste dispensée par une organisation de la protection des aveugles à Casablanca au profit de quinze personnes pendant un an. Nous avons pu accéder au marché du travail au ministère des travaux publics à l'époque pendant 6 ans et nous avons démontré que les non-voyants sont capables de faire leur travail correctement », s'est-il félicité. Il obtient ensuite son baccalauréat, option lettres en 1973. Inscrit à la Faculté des Lettres à Rabat, il a obtenu sa licence en langue anglaise sans difficulté. Son combat pour les autres a commencé en rejoignant les actions des non-voyants et de nombreuses associations. « Ensuite, j'ai été membre de l'assemblée générale consécutive de l'Union africaine des aveugles tenue à Tunis du 26 au 30 octobre 1987. Depuis, je suis devenu un élément actif dans ce domaine. J'ai occupé le poste de vice-président de l'AFUB entre 2008 et 2012 et en même temps membre du Bureau exécutif de l'Union mondiale des aveugles », nous raconte-t-il.