L'Aïd al Adha est par excellence la fête des métiers de la roublardise, car il faut être assez madré pour inventer un métier pour chaque situation et chaque nécessité de la fête du sacrifice. Tour d'horizon à Mohammedia. Des métiers spécial Aïd. En veux-tu ? En voici : des rémouleurs-affûteurs de couteaux, des laveurs de btanas à l'alun pilé, des revendeurs de ces mêmes btanas, des bouchers habiles en dépouillage de peau et dépeçage de viande, mais aussi, telle une planche de salut pour les retardataires, des vendeurs d'ustensiles nécessaires à l'abattage, aux détours de certains marchés, ou en bas de chez soi. Le branle-bas avant les abats Il était à peine 9 heures du matin à Mohammedia en ce jour si spécial. Les rues étaient quasiment désertes. C'était l'heure du petit-déjeuner pour les uns, et l'heure du grand sacrifice pour tant d'autres. De l'autre côté du décor, des vendeurs à la sauvette d'un autre genre étalaient fièrement leur bric-à-brac. Dans certains quartiers, ils formaient une sorte de chaos organisé. Dans d'autres, c'était le capharnaüm. «C'est normal qu'ils soient encore là. C'est leur dernière chance pour tout liquider », lance une voix masculine fusant de la sortie d'une mosquée. Qu'ils aient des produits à liquider, ou des services à la personne à proposer, ils étaient présents, en force, ce jour-là. Leurs téléphones n'ont pas cessé de sonner et leur hargne affairiste se lisait clairement sur leurs visages Les métiers de l'après-fête En cette période du calendrier de l'Hégire, quelques jours après le bon déroulement de la fête, certains rares restaurants à ouvrir affichent sur leurs menus des spécialités culinaires aux abats de mouton, comme les rognons, le gésier, la cervelle, la langue, la rate, etc., non sans générer un grand intérêt auprès d'une clientèle grandissante. C'est pour cette raison que chaque année, Haj Ahmed voit s'allonger une interminable file d'adeptes du traditionnel tagine aux abats à la sortie de son snack. Pour sa part, l'omelette à la cervelle de mouton fait fureur chez les sandwicheries ambulantes, facilement repérables aux abords des souks hebdomadaires, comme à Tit Mellil, Sidi Hajjaj, Mediouna ou même à Deroua. «L'omelette à la tomate râpée et à la cervelle de mouton est mon péché mignon. J'attends de pied ferme cette semaine de l'année pour la consommer sans modération en m'arrêtant à chaque vendeur ambulant qui s'y spécialise », témoigne Myriam, qui nous avoue aller jusqu'à prolonger son trajet en voiture à la recherche de l'un de ces souks qui en regorgent. Contre une poignée de dirhams, ces vendeurs ambulants réalisent de sacrés pactoles en quelques jours de travail seulement. C'est dire à quel point la grande fête n'est pas exclusivement synonyme de sacrifice et de privation. Houda BELABD L'art de la triperie, ce cinquième quartier ! La triperie ou les abats correspondent à l'ensemble des morceaux qui ne sont pas liés de façon directe à la carcasse et qui forment un tout comprenant tous les viscères comestibles (foie, rognons, cœur, ris de veau, intestins, pieds, joues, langue...). Ils sont couramment désignés comme le "cinquième quartier", à distinguer des quatre quartiers de l'animal, deux pour l'avant et deux pour l'arrière, qui sont aussi connus sous le nom de "quartiers nobles", ce qui témoigne de la délicatesse et de la finesse de ces pièces d'exception ! On considère la triperie comme étant constituée de morceaux de second choix, seuls les rognons, les ris ou thymus et le foie étant proposés dans les restaurants, les autres n'étant présents que dans certains lieux qui en ont fait leur spécialité. Qu'on les aime ou qu'on les abhorre, ils ont justement cela de plus : ils ne laissent personne sans avis !