Un an après son entrée en fonction, le ministre de l'Education nationale a publié les premiers résultats du projet pilote TARL au Maroc. Des chiffres prometteurs, mais sont-ils suffisants pour soigner la plaie de l'école marocaine ? Malgré les multiples réformes et les plans d'urgence engagés par les différents gouvernements depuis plus de vingt ans, le Maroc n'a pas pu combler les lacunes structurelles dont souffre le système éducatif. Le rapport sur le Nouveau modèle de développement, qui se présente aujourd'hui comme un aiguilleur de l'action gouvernementale, a passé au peigne fin ces défaillances et a mis l'accent sur la réhabilitation de l'école publique en rehaussant les compétences pédagogiques des enseignants et en améliorant substantiellement la qualité des apprentissages. Le classement du Maroc dans les indices internationaux tels que TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study), PIRLS (Programme international de recherche en lecture scolaire) ou même PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves) montrent l'importance d'entreprendre des actions ciblées et en urgence. C'est ce que vient confirmer un rapport du Policy Center for The New South (PCNS), qui présente la méthode TARL (Teaching at the Right Level) comme solution idoine pour faire face à « la pauvreté des apprentissages ».
Dans cette perspective, le ministère de l'Education nationale, de la Petite enfance et des Sports, dont le titulaire a été président de la CSMD, avait dévoilé quelques mois après le début de mandat de l'actuel gouvernement une réforme basée sur deux piliers essentiels. Le premier concerne la correction des lacunes d'apprentissage pour rattraper le retard, tandis que le deuxième implique une réforme globale du système éducatif selon un plan d'action comprenant 12 engagements pour les élèves, les enseignants et les établissements, dans le but d'éliminer le besoin de remédiation à l'avenir. Dans ce même ordre d'idées, une note ministérielle, datée du 8 septembre 2022, proposait d'organiser des séances de soutien en investissant les résultats du processus de l'évaluation diagnostique, et en rappelant les résultats d'apprentissage des élèves et des étudiants au cours de l'année scolaire précédente.
Sur le plan pratique, le Policy brief détaille qu'un « projet pilote a été déployé, du 6 au 30 septembre 2022, au profit de 12.000 bénéficiaires dans 250 établissements scolaires», ajoutant que des mentors ont été sélectionnés dans 250 écoles représentant des zones urbaines, suburbaines et rurales. Ils ont reçu une formation et se sont entraînés à mettre en œuvre le dispositif de soutien pendant 15 jours. Après un diagnostic des capacités des élèves, ces derniers ont été répartis dans des groupes homogènes – selon l'importance des difficultés rencontrées -, et la méthode TARL (Teaching at the Right Level) a été appliquée, pendant trois semaines, à 50 % des élèves présentant le plus de lacunes, ajoute la même source, expliquant que ladite méthode repose sur une stratégie de regroupement des enfants selon leur niveau de compétences, plutôt que leur classe d'appartenance. Cette approche éducative innovante vise à offrir un accompagnement personnalisé à chaque enfant, en lui fournissant des activités et des ressources adaptées à son niveau de compétences, dans le but de l'aider à progresser vers le niveau supérieur. L'idée est que chaque enfant peut bénéficier d'un encadrement personnalisé et adapté à son niveau de compétences, et lui permettant de progresser de manière efficace vers le niveau supérieur.
Des résultats prometteurs ! Après trois semaines de remédiation, les résultats étaient probants. Le niveau de maîtrise de la soustraction est passé de 10 % à 61 %, et de 23 % à 54 % pour la lecture en arabe, pour les élèves de 4ème année du primaire. Ce taux est passé de 5 % à 20 % en français pour les élèves de 5ème année du primaire. Il s'agit donc d'une réduction de 35 % à 3 % de l'écart de performance en soustraction par rapport au groupe témoin (les 50 % les plus performants), de 54 % à 33 % en arabe et de 51 % à 36 % en français (dans chacun des niveaux respectifs).
Suite à ces résultats encourageants, le Policy Brief note la nécessité d'intervenir dès le jeune âge pour augmenter les chances de correction des défaillances d'apprentissage, en particulier en ce qui concerne la lecture et l'apprentissage du langage. « Plus l'identification et l'intervention sont précoces, moins les enfants risquent de présenter des défaillances d'apprentissage », ajoutent les auteurs, précisant que des preuves scientifiques indiquent que les interventions auprès des enfants de la maternelle améliorent leurs capacités à lire, déchiffrer des mots et comprendre les textes.
Par ailleurs, ils précisent qu'une évaluation diagnostique bien conçue devrait permettre de savoir ce que les élèves d'une classe savent sur un sujet (combien d'informations ou de connaissances), et s'ils sont prêts pour un sujet à venir. Grâce à une telle évaluation, les enseignants seraient plus aptes à planifier un cours adapté, établir des objectifs d'apprentissage, identifier les domaines auxquels il faut consacrer plus ou moins de temps, et offrir aux élèves une expérience d'apprentissage individualisée. Cependant, les tests doivent reposer sur des critères clairs qui mesurent tous les types de handicaps auxquels font face les élèves peu performants, précise-t-on de même source.
Quel suivi pédagogique ?
Selon le rapport, les méthodes d'évaluation, basées sur le contrôle continu et les examens ne permettent pas de mesurer de manière objective le niveau réel d'apprentissage des élèves. D'autant qu'il y a une carence quasi-totale en termes de suivi sanitaire, psychologique et éducatif, et même lorsque ces services existent, ils ne sont pas fournis de manière régulière.
Pour surmonter ces difficultés, le document du PCNS présente des recommandations qui concordent avec le Nouveau Modèle de Développement, comme la mise en place d'un suivi individuel pour les élèves, en évaluant objectivement leur niveau d'apprentissage à la fin de chaque année académique grâce au carnet de suivi des compétences. Les enfants doivent également bénéficier d'un soutien scolaire gratuit, insiste le rapport, notant qu'il est également crucial d'instaurer un système d'alerte pour un suivi précoce des élèves à risque de décrochage, ainsi qu'un suivi et une prise en charge des élèves souffrant de problèmes de santé et psychologiques. En d'autres termes, il est nécessaire de créer un environnement scolaire plus attentif aux besoins individuels des élèves et de fournir des services de soutien appropriés pour assurer leur succès scolaire et leur bien-être émotionnel.
Il va sans dire que le rehaussement de la qualité des apprentissages est lié à l'amélioration significative de la qualité de la formation des enseignants, qui puisse leur donner les compétences nécessaires pour gérer efficacement les classes, développer leur formation continue et renforcer l'encadrement de leur pratique professionnelle. Le rapport recommande d'améliorer ce chantier à travers la création d'instance dédiée à la formation continue, proposant des formations certifiantes et gratifiantes. Ceci devrait être accompagné par des plans carrières pour augmenter l'attractivité de la profession, tout en améliorant et en modernisant l'environnement de travail.
Rime TAYBOUTA Cadre de l'orientation et de la remédiation L'orientation scolaire au Maroc est assurée via un certain nombre de services, en l'occurrence : - le service de soutien scolaire, qui se concentre sur l'aide à l'intégration et à la réussite dans les études, en permettant d'acquérir des connaissances, des aptitudes et des compétences ; - le service d'accompagnement spécialisé qui comprend à la fois le service de communication et le service de conseil en orientation scolaire ; - les services de soutien psychologique et social qui visent à neutraliser les obstacles de nature psychologique, sociale et éducative qui peuvent empêcher l'intégration dans le milieu scolaire.