Depuis de nombreuses années, les Marocains descendent dans la rue essentiellement pour élever la voix à propos de questions sociales et économiques. Tel est le constat d'une étude menée par l'Association « Tafra ». Détails. Investir la rue a toujours été le choix de prédilection et un réflexe automatique chez les citoyens marocains animés par le désir d'exprimer leur colère et faire entendre leur voix dans l'espace public à chaque fois que quelque chose leur déplaît. Au Maroc, la dynamique de protestation a évolué au fur et à mesure que le temps passe et au gré des conjonctures politiques et économiques. Cependant, en général, les Marocains descendent dans la rue lorsqu'il s'agit de revendications sociales et/ou économiques. Tel est le constat d'une nouvelle étude de l'Association « Tafra » qui a dévoilé récemment les résultats d'une enquête menée conjointement avec l'Association « Berman ». Grèves, sit-in, manifestations, rassemblements, mouvements de contestation, la colère s'exprime par différentes et nombreuses manières. Au Maroc, la colère est souvent exprimée sur le terrain social. C'est ce que fait savoir l'étude qui avance un chiffre révélateur. Les questions liées au travail et à l'emploi représentent près de 50% des motifs des manifestations enregistrées chaque année.Cela englobe les protestations relatives aux conditions de travail, aux contrats et aux avantages sociaux, ainsi que les manifestations de chômeurs ou travailleurs informels réclamant des emplois permanents. En ce qui concerne la politique sociale, les protestations portent principalement sur les soins de santé, l'éducation, les infrastructures et le logement. Les manifestations sociales et syndicales sont variées en termes de taille et d'impact – elles peuvent aller de petites manifestations de quartier sur des problèmes de drainage, à des grèves nationales dans le cadre d'un dialogue social. Quant aux revendications sociétales liées aux droits et libertés civiques, elles ne sont pas une priorité, à en croire la proportion des sit-in organisés pour les revendiquer. Ce genre de thèmes concerne seulement 10% des manifestations. L'étude de Tafra donne un aperçu sur la nature des slogans brandis lors de ce genre d'événements. Selon la même source, les protestations portent le plus souvent « sur la liberté des médias, le droit de manifester et la justice pour les détenus ». Si le social intéresse le plus les Marocains, ce n'est pas du tout le cas des questions liées aux femmes et aux questions religieuses et environnementales, en général, lorsqu'ils descendent dans la rue. Bien que les questions relatives à la condition des femmes et à la réforme de la Moudawana soient très abordées dans l'espace médiatique, cela ne se voit pas assez sur l'espace public. L'étude explique à cet égard que les revendications liées au genre et aux droits des femmes, à la gestion de l'environnement ou à la religion représentent moins de 10% des actions de protestation. « Cela ne signifie pas que les organisations religieuses, comme Al Adl Wal Ihsane, sont absentes de ces actions, mais que leurs revendications portent sur d'autres questions », souligne les auteurs de l'enquête, qui nuancent, toutefois, que cela ne veut pas dire aussi que ces thèmes ne sont pas importants pour les Marocains. « Simplement, les données montrent que les citoyens et les groupes d'intérêt investis dans ces questions ont poursuivi leurs objectifs par des stratégies autres que la protestation dans la rue », précise le document à cet égard. Par ailleurs, Tafra fait état d'une « augmentation des protestations concernant des "questions internationales" au cours des années 2008 et 2009 ». La plupart des manifestations internationales de cette période ont appelé à la fin de la violence et de l'impérialisme dans la région arabe. De nombreuses manifestations ont décrié les attaques militaires israéliennes contre Gaza ou dénoncé les pratiques de la coalition américaine en Irak. La part des questions internationales a diminué après 2010.
Le pic de 2011 L'étude, qui s'est penchée sur la décennie 2006-2016, révèle que le Maroc est le théâtre de 76 actions de protestation par mois, 17 par semaine et 2,5 par jour. Il y a eu plusieurs évolutions de la cadence des manifestations qui changent en fonction de la conjoncture politico-sociale. Cela, d'ailleurs, explique pourquoi il y a eu une effervescence après 2011, année durant laquelle il y a eu des mouvements sociaux dans tout le monde arabe. L'étude a fait état de « pic » des protestations politiques autour de cette année. La même source explique que « les protestations portant sur la politique nationale remettent en question la conception ou la composition du gouvernement, du parlement ou de la Constitution ». « Ces actions de protestation ont atteint un pic en 2011, pendant le Mouvement du 20 février », ajoute le document, ajoutant que « malgré l'atmosphère politisée, la plupart des revendications ne portaient pas sur des questions d'ordre politique, mais davantage sur des questions de nature sociale et économique, qu'il s'agisse des travailleurs du port de Safi, des résidents de la ville des phosphates, Khouribga, ou des employés de la Chaîne 2M ». Les actions de protestation politique ont d'ailleurs rapidement diminué dans les années suivantes. « Les protestations portant sur la politique locale cherchent, quant à elles, à déloger les autorités ou les hauts fonctionnaires régionaux et locaux, des gouverneurs impopulaires aux directeurs d'école inefficaces », conclut la même source, soulignant que « les questions de politique nationale ont diminué après le Mouvement du 20 Février en 2011.À cet égard, les questions de politique locale ont persisté, représentant près de 5% du total des manifestations sur la période post-2011. Anass MACHLOUKH