De nos jours, la déferlante provoquée par l'arrivée du programme ChatGPT a déclenché la ruée vers le Graal de l'Intelligence Artificielle générative qui a aiguisé les appétits des investisseurs, non sans soulever des mises en garde d'autres experts, qui se prononcent pour une réflexion éthique sur sa régulation. Apportant des progrès ahurissants, comme le robot conversationnel ChatGPT, ce phénomène qui dessine une sorte d'idylle entre l'homme et la machine préfigure une révolution dans notre quotidien qui ne laisse pas cependant d'inquiéter. Dans ce sillage, Majid Taharast, spécialisé en cybersécurité et co-développeur de la solution digitale marocaine « Pear », et Badr Boussabat, expert international en Intelligence Artificielle (IA), président d'AI Together, et auteur du livre : « L'Intelligence Artificielle : notre meilleur espoir », répondent à nos questions avec une vision optimiste mais aussi alarmiste. - Comment appréhendez-vous cette montée de la contestation pour décrier les dérives éventuelles de l'IA, de par les craintes qu'elle suscite, notamment quant à son utilisation à des fins malveillantes ? Faut-il s'inquiéter ? Badr Boussabat : Bien qu'il soit naturel de s'inquiéter des risques potentiels associés à l'Intelligence Artificielle (IA), il est important d'en reconnaître les avantages. L'IA a le potentiel d'accélérer les opportunités entrepreneuriales et de promouvoir l'intégration socio-économique. En effet, les données sont par définition inclusives car elles ont un pouvoir de distribution. Nous produisons tous des données, par conséquent, nous pouvons tous profiter de ses avantages sans aucune restriction.
Il est essentiel de sensibiliser les gens au potentiel positif de l'IA et de travailler à créer une culture de pratiques d'IA responsables. En favorisant une approche inclusive et distributive de l'Intelligence Artificielle, nous pouvons atténuer les risques et faire en sorte que les avantages soient largement partagés. - Au Maroc, sur le plan législatif, sommes-nous en retard en matière de régulation de l'IA ? Badr Boussabat : Le Maroc a un grand potentiel dans le domaine de l'IA, avec une main-d'œuvre talentueuse et une situation géographique idéale, le pays est bien placé pour attirer et développer certains des projets d'IA les plus novateurs.
Le gouvernement a également démontré une compréhension claire de l'importance de l'IA pour le développement du pays. Bien que le pays soit encore en train d'élaborer son cadre de réglementation de I'IA, cela offre l'occasion d'adopter une approche réfléchie et inclusive qui tient compte des besoins et des défis uniques du pays. En s'engageant dans un dialogue constructif et une collaboration avec les parties prenantes, le Maroc peut élaborer un cadre réglementaire qui favorise des pratiques d'IA responsables et équitables. - Que pensez-vous des critiques contre le programme ChatGPT ? Faut-il l'interdire ou le réguler à votre avis ? Majid Taharast : Le programme ChatGPT illustre comment l'Intelligence Artificielle peut accélérer l'innovation et automatiser des tâches répétitives et chronophages que personne ne veut accomplir en milieu de travail. Les chatbots conversationnels basés sur l'IA, notamment, existent depuis des années, mais la sortie de ChatGPT a bousculé tous les chatbots existant dans une version obsolète. Considéré comme un disrupteur de l'industrie, l'outil a également lancé une course aux armements AI. Deux mois seulement après son lancement, ChatGPT avait acquis plus de 30 millions d'utilisateurs, recevant près de cinq millions de visites par jour. Les chiffres indiquent qu'il s'agit de l'un des logiciels les plus en croissance. La société mère de ChatGPT, connue sous le nom OpenAI, présente l'outil comme un modèle de langage doté d'une intelligence artificielle. ChatGPT peut aider dans un large éventail de tâches, et générer des idées créatives. Quant à sa complexité, elle ne fera que s'accroître au cours des prochaines années, entraînant des gains d'efficacité et de productivité encore plus importants pour les entreprises converties à son usage. - Peut-on dire que ce programme menace plusieurs métiers ?
Majid Taharast : L'IA a le potentiel de transformer de nombreuses industries et de créer de nouvelles possibilités. Bien qu'elle puisse perturber certaines professions, elle peut également renforcer et compléter les compétences humaines. Il est important de tenir compte des avantages potentiels de l'IA lorsqu'on parle de réglementation ; en effet, l'Histoire nous témoigne que l'interdiction ou le frein à l'innovation a souvent eu des répercussions négatives. En particulier, en accordant un avantage concurrentiel à ceux qui se sont lancés dans l'innovation, en adoptant l'Intelligence Artificielle et en remodelant la main-d'œuvre, nous pouvons créer un avenir où les humains et les machines collaborent au profit de tous. Plus important encore, l'IA ne remplace pas les emplois. Elle remplace les tâches. - Dans ce contexte, comment peut-on se protéger de la cybercriminalité qui ne manquera pas de proliférer grâce à l'Intelligence Artificielle ? Majid Taharast : À mesure que la technologie de l'IA progresse, les risques de cybercriminalité augmentent également. Toutefois, l'IA peut également être utilisée pour optimiser la cybersécurité et prévenir des attaques. Il faut noter que l'Intelligence Artificielle peut détecter rapidement les cybermenaces et y réagir, automatiser les tâches répétitives, apprendre continuellement et s'adapter aux nouvelles attaques et identifier les vulnérabilités pour fournir des solutions efficaces. Pour rebondir sur la sortie de ChatGPT qui a déclenché la ruée vers l'or de l'IA, celle-ci a également accru les enjeux de cybersécurité. Alors que les entreprises technologiques peuvent mettre en place des garde-fous de manière sélective, elles ne peuvent pas contrôler précisément ce que ChatGPT et les technologies similaires produisent. Outre la désinformation, des outils d'IA conversationnelle peuvent également être utilisés pour répandre des logiciels malveillants. Prenons le cas du géant sud-coréen Samsung, où un de ses employés a utilisé l'assistant virtuel pour optimiser des séquences de test afin d'identifier des défauts dans des puces. En copiant le code source d'un programme confidentiel de la société et en l'entrant dans ChatGPT, il s'est informé des potentielles failles mais a également rendu sa compagnie vulnérable. Dans un autre cas, un employé a utilisé ChatGPT pour convertir des notes de réunion interne en présentation ; ces notes qui contiennent également des données sensibles n'étant pas destinées à être partagées avec des tiers. Le nombre croissant de données générées par les entreprises signifie que la sécurité des données n'est plus seulement la responsabilité du personnel informatique mais de l'ensemble de leurs collaborateurs. Ainsi, nous pouvons nous protéger contre la cybercriminalité en mettant en œuvre de solides mesures de sécurité, en investissant dans des solutions de cybersécurité fondées sur l'IA et en faisant la promotion et la sensibilisation des bonnes pratiques de sécurité. Il convient également de noter que l'atténuation des risques de cybercriminalité est étroitement liée à la collaboration entre les secteurs privé et public. En collaborant, en mettant en commun nos connaissances et nos ressources et en élaborant des politiques et des stratégies efficaces, nous pouvons créer un environnement numérique plus sûr pour tous. 2023 sera l'année de l'Intelligence Artificielle ... Un livre hautement inspiré par la révolution technologique : "L'Intelligence Artificielle dans le monde d'aujourd'hui" est le deuxième livre de Badr Boussabat, consultant, auteur et conférencier spécialiste en Intelligence Artificielle. Il a été classé dans le top 5 des livres IA par la FNAC. Ce livre traite de l'utilisation positive de l'IA dans la société actuelle, avec notamment une transformation socio-économique pour plus d'inclusion. Il souligne également comment les entreprises peuvent être financées grâce à la donnée, comment l'IA peut améliorer l'accessibilité à la santé et comment elle peut personnaliser l'éducation. En résumé, ce livre explore les avantages de l'IA pour améliorer le monde dans lequel nous vivons. Dans cet essai plein d'espoir, l'auteur préconise la création d'une société d'avenir fondée sur l'Intelligence Artificielle et garantie par une Charte universelle du « consutoyen », qu'il qualifie de néo-rawlsienne. Avec pour ultime finalité de protéger les populations qui ont été négligées par un système productiviste à l'ère du système capitaliste.