Le secteur des matériaux de construction doit retrouver son rôle de moteur de croissance pour l'économie nationale, notamment une transformation structurelle de cette filière, et un accroissement des capacités productives afin de répondre aux besoins du marché intérieur et de développer les exportations du Royaume. Explications avec Hassan Jaï, ingénieur, expert en modes constructives et enseignant. Selon le rapport de l'Office des Changes, les matériaux de construction peuvent avoir un potentiel annuel de trois milliards de dollars. Quelle analyse en faites-vous ?
Effectivement, c'est un secteur à fort potentiel qui n'est plus à présenter. Dans l'ensemble, ce secteur se compose de plusieurs types de matériaux de construction selon l'avantage compétitif durable que le Maroc peut produire pour ensuite les exporter. Les matériaux à forte demande énergétique ont un process qui intègre la cuisson et plus généralement de l'énergie pour leur transformation. Ces matériaux, pour qu'ils puissent s'exporter, nécessitent une maîtrise et une réduction de leur coût énergétique. Sinon une maîtrise industrielle compétitive qui dépasse le coût énergétique. Comme vient de le démontrer un opérateur dans l'exportation en Europe de fibre métallique. Pour les autres produits tels le marbre et les produits d'ornement, le sous-sol marocain regorge de produits uniques recherchés partout dans le monde et à forte valeur ajoutée. Car ces pierres et marbres sont souvent uniques et sont appréciés dans les différents marchés, notamment en Asie. A signaler que certains industriels marocains ont pu dernièrement conquérir le marché européen et américain avec des produits dont le Maroc n'est pas forcément producteur de la matière première mais il a pu développer une maîtrise dans le design et le process industriel. Une étude a été faite dans ce sens pour évaluer le potentiel d'exportation. Ce secteur est très important pour le Maroc car il compte plus de 700 entreprises environ, réalisant un chiffre d'affaires global annuel de l'ordre de 45 milliards de dirhams (MMDH). Selon l'Office des Changes, la valeur ajoutée produite annuellement par ce secteur serait de 14 MMDH, ce qui représenterait 6,6% du PIB de l'industrie nationale. Enfin, le secteur fournit plus de 200.000 emplois directs et indirects. C'est dire son importance dans notre économie.
À votre avis, quels sont les préalables pour que secteur soit plus compétitif ?
Ce défi passe nécessairement par la maîtrise du coût de l'énergie. Dans cette optique, le Maroc pourra exporter plus largement une fois que ce coût sera optimisé. Aussi, il y a moyen de se positionner comme un centre d'excellence pour développer des filières de systèmes constructifs. Basé justement sur le design et la recherche appliquée qui pourrait faire du Maroc un producteur de solutions pour l'ensemble du continent et l'Europe occidentale. Nous disposons au Maroc d'une fédération des industries de matériaux de construction active avec 14 métiers et d'un Centre d'excellence, le CETEMCO. Aussi, le calcul monétaire du potentiel exportable peut être fait en deux parties. D'abord, ce qui peut être produit au Maroc et non importable. Pour cela, une initiative a été lancée afin de penser nos capacités industrielles. Ensuite, il faudra évaluer les demandes des marchés africains, européens et américains par produit pour identifier le potentiel d'exportation. Je pense notamment à des produits d'inspiration ancestrale et des produits où la proximité au marché est décisive. Il ne faut pas oublier que la pandémie a renchérit le coût logistique ce qui a pu donner des opportunités de ce fait. C'est un grand enjeu pour notre pays. Dans cette optique, il faut faire en sorte que ce secteur puisse retrouver son rôle de moteur de croissance pour l'économie marocaine, notamment une transformation structurelle de cette filière, et un accroissement des capacités productives sur le territoire national afin de répondre aux besoins du marché intérieur et de développer les exportations du Royaume. -Quel rôle pourrait jouer la construction 4.0 dans ce challenge ? La construction 4.0 amène une nouvelle donne à savoir l'offsite ou la construction modulaire qui permet de produire un ensemble immobilier intégré et ensuite l'exporter. C'est ce qui a été recommandé dernièrement avec une production à Benslimane et un montage à Londres
-Sur un autre plan, vous dites que le BTP se féminise. Quel constat peut-on en déduire ?
Le BTP se féminise indéniablement car les Instituts, écoles d'ingénieurs et d'architectes attirent l'ensemble. Et souvent, en études les dames sont plus brillantes. Maintenant, lors du parcours professionnel, d'autres priorités se font pour les femmes. D'autant plus que c'est un métier qui demande beaucoup de déplacements sur le terrain. Cependant, la digitalisation du secteur permettra de réduire cette exigence et permettra aux femmes de prendre plus de poids dans le secteur. D'ailleurs, nous retrouvons, aujourd'hui, plusieurs dames aux postes de management, si ce n'est de leadership au sein d'entreprises et d'organisations professionnelles dans le secteur.
Propos recueillis par Wolondouka SIDIBE Bon à savoir Selon le rapport de l'Office des Changes, la perte d'emplois enregistrée dans le secteur du BTP est de 9.000 postes en 2020, essentiellement localisée en milieu urbain avec 8.000 emplois et 1.000 postes en milieu rural. Au titre de l'exercice 2021, le secteur du BTP est parvenu à créer 71.000 nouveaux emplois, dont 53.000 en milieu urbain et 18.000 en zones rurales. Pour ce qui est de la consommation du ciment en 2021, elle s'est redressée de 13,8% pour atteindre 14 millions de tonnes, soit à peine le niveau constaté en 2016 et loin derrière le record enregistré en 2011 (16,1 millions de tonnes). Quant à la production de logement, fait remarquer le rapport, elle a stagné en 2019 pour ensuite enregistrer une régression de l'ordre de 19% en 2020. Au cours des dix dernières années la production de logements a atteint 1.308.766, dont 35.356 logements à faible valeur immobilière (140.000 dirhams par unité), 501.223 logements à 250.000 dirhams, 540.308 logements auto-construits en maisons marocaines, 140.134 appartements de type moyen et haut standing et 12.640 villas.