Mostafa Warrak, né en 1965 à Casablanca et lauréat de l'Ecole Supérieure des Beaux Arts de Casablanca, nous mène vers un univers plastique original par rapport à ses couleurs intensives et ses formes rhétoriques. La démarche de cet artiste chercheur relève de la nouvelle figuration qui immortalise les traces et les fragments de la mémoire tatouée. Passionné par l'acte pictural, Warrak a gagné le pari de sa recherche plastique, en s'inspirant de « l'expressionnisme gestuel » (peinture du mouvement et du geste) et présentant une palette de couleurs remarquable, notamment dans sa composition transparente marquée par des couleurs vives et des juxtapositions de tons non conventionnelles avec, en particulier, l'usage des teintes complémentaires. Par cette utilisation de couleurs vives, Warrak a pu concevoir tout un langage visuel fondé sur la dynamique de la touche, la fragmentation des lignes et des couleurs qui permet de rendre l'expression des sentiments et des émotions. Un langage connotatif qui essaie de réinterpréter « l'essence de la poésie c'est-à-dire la poésie pure, celle qui dira comment sont faits l'esprit et le monde en lui révélant la structure idéale de l'univers.». La richesse plastique invite la poésie à rejoindre le spirituel. La quête de Warrak est une quête de soi animée par la vibration des colorations et fait des traces de la vie quotidienne son sujet principal. Il se rend compte que l'art est l'équivalent expressif de la réalité subjective via un style emporté, plus lyrique et plus expressionniste. Il s'est intéressé à des compositions plus élaborées, basées sur le dessin et la composition spontanée. Les peintures de Warrak résultent de son expérience intérieure d'une remarquable richesse sensorielle et effet subjectif et pathétique sur l'âme de regardant : un effet purement physique de l'œil charmé par la beauté des couleurs tout d'abord, qui provoque une impression de joie. Il s'agit donc d'une forme d'expérience purement subjective et d'une sensibilité vivante qui relèvent de ce que le philosophe Michel Henry appelle la subjectivité absolue ou la vie phénoménologique absolue. La palette de Warrak a un effet plus profond et entraîne une émotion et une vibration de l'âme, ou une résonance intérieure qui est un effet purement spirituel par lequel la couleur atteint l'âme. On pense à la nécessité intérieure qui est pour Kandinsky le principe de l'art et le fondement de l'harmonie des formes et des couleurs. Il la définit comme le principe de l'entrée en contact efficace de la forme et des couleurs avec l'âme humaine. Toute forme est la délimitation d'une surface par une autre, elle possède un contenu intérieur qui est l'effet qu'elle produit sur celui qui la regarde avec attention. Cette nécessité intérieure est le droit de l'artiste à la liberté illimitée, mais cette liberté devient un crime si elle n'est pas fondée sur une telle nécessité. L'œuvre d'art naît de la nécessité intérieure de l'artiste de façon mystérieuse, énigmatique et mystique, puis elle acquiert une vie autonome, elle devient un sujet indépendant animé d'un souffle spirituel. La démarche de cet artiste conduit l'imagination à prendre le dessus sur l'expérience intérieure immédiate : « Pour ce genre d'expérience, il vaut mieux se fier à la première impression, car la sensibilité se lasse vite et cède le champ à l'imagination. », a affirmé Kandinsky. Sur son acte pictural, Abdellah Cheikh, critique d'art note : « Habité par les formes semi géométriques (obliques, fendues…) et déconstructivistes, Warrak est l'auteur d'une œuvre qui se présente comme déploiement vers le dehors voire un hymne au voyage et au déplacement. L'artiste accorde à ses introspections une identité visuelle et lance un fort et persistant appel pour la nécessité intérieure. Il s'agit d'un lieu d'élévation et de paix spirituelle, d'exaltation, de résipiscence, de retour vers soi. Le pari de l'artiste est de transmettre aux regardants non seulement une reproduction stéréotypée de ce lieu mais surtout l'émotion, les sensations mentales et spirituelles associées à ce lieu imaginaire. ».