A l'heure où le Maroc engage une course contre la montre pour étoffer le dispositif de dépistage des cancers, il pourrait trouver la solution dans la méthode de dépistage par test salivaire, en cours de développement en Europe. Il s'agit d'un test efficace qui, selon Dr Mounir Bachouchi, oncologue, mérite d'être développé au Maroc. Interview. - Où en est-on au Maroc par rapport à la prise en charge de personnes atteintes de cancer ?
- Aujourd'hui, au Maroc, on estime qu'il y a à peu près 40.000 cas de cancer par an. La prise en charge des personnes atteintes de cancer s'est considérablement développée ces dernières années. On est passé d'une concentration des centres de cancérologie sur l'axe Casablanca-Rabat vers une régionalisation des centres. Aujourd'hui, toutes les régions du Maroc disposent d'un centre de prise en charge en cancérologie. Les personnes concernées sont prises en charge selon un référentiel national qui s'inspire lui-même des référentiels internationaux.
Donc, on peut dire que la prise en charge des cancéreux au Maroc est globalement correcte avec des variations en fonction de l'expertise de chaque centre.
- Quelles sont, selon vous, les lacunes existantes dans le processus de soins dispensés aux patients atteints de cancer, quelle que soit sa nature, en matière de diagnostic, de traitement et au-delà ?
- Aujourd'hui, les lacunes qui persistent se situent principalement au niveau de nos connaissances. Puisque jusqu'à aujourd'hui, on ne sait pas exactement pourquoi les personnes atteintes du même cancer et qui reçoivent le même traitement vont répondre différemment les unes et les autres. Autrement dit, nous ne disposons pas de facteurs prédictifs d'efficacité des traitements, ce qui fait que nous n'avons pas la possibilité, dans tous les cas, de sélectionner des traitements à la carte pour les patients. Aujourd'hui, une nouvelle notion est en cours de développement qui est la médecine de précision où, justement, les médecins traitants tentent d'aller vers le génome des patients atteints de cancer pour trouver les mutations ou les différentes altérations qui peuvent être responsables de ce cancer.
D'ailleurs, les professionnels de la médecine connaissent de mieux en mieux les altérations et les mutations mais nous n'avons pas toujours les médicaments efficaces et spécifiques pour ces mutations. Je pense que c'est ça la plus grosse lacune qui persiste en termes de prise en charge des cancers à mon avis. De plus, les soins de support ou des effets secondaires liés à la maladie et à ses traitements ne sont absolument pas pris en charge. C'est en tout cas quelque chose qui doit être développé de façon urgente.
- Effectivement, le circuit des examens complémentaires ainsi que du bilan d'externat retarde dans pas mal de cas le diagnostic et donc la prise en charge des patients. Comment peut-on y remédier ?
- Effectivement, il est facile de faire des prescriptions, mais, malheureusement, les examens ne sont pas tous à la portée de toutes les bourses. Au Maroc, nous assistons à l'extension de la couverture maladie obligatoire pratiquement à toute la population, mais cette assurance concerne les soins seulement. Tandis que le versant pré[1]thérapeutique, diagnostic, et examens complémentaires n'est pas toujours pris en charge.
Dans le secteur public, il y a des retards aux rendez-vous d'examens de radiologie en raison de la forte demande. De même, ces examens restent chers et pas très bien remboursés. Afin de remédier à cette situation, il est nécessaire d'instaurer un système où le patient n'aura plus à avancer les fonds pour être pris en charge. C'est le cas pas mal de pays européens où le patient est pris en charge, du dépistage au diagnostic jusqu'au traitement et aux soins de support.
- On estime qu'un pourcentage important de femmes diagnostiquées cancéreuses chaque année aurait pu être évité. Partagez-vous ce constat ?
- Aujourd'hui, nombreuses sont les femmes qui peuvent éviter d'avoir un cancer du sein grâce à un dépistage précoce. On pourra aller chercher des lésions précancéreuses ou bien carrément des petits cancers débutants pour lesquels les taux de guérison avoisinent les 100%.
C'est pour cela, qu'en matière de cancer du sein comme en matière de cancer du col de l'utérus ou du cancer de la prostate pour les hommes, des systèmes de plus en plus efficients et surtout de moins en moins invasifs sont en cours de développement pour pouvoir faire du dépistage précoce et donc sauver des vies. Aujourd'hui, tous les cancers, quelle que soit leur nature, s'ils sont dépistés très tôt, peuvent être traités initialement. On pour[1]ra, ainsi, éviter un grand nombre de catastrophes.
- Des études sont en cours en Europe pour le développement d'un test salivaire pour le dépistage de cancer du sein. A quoi servira-t-il concrètement ?
- En effet, il y a des études qui sont prometteuses concernant des tests salivaires, notamment pour le dépistage du cancer du sein. Il s'agit, bien évidemment, de tests permettant l'identification des patientes à risque de développer un cancer du sein, en cherchant dans leurs ADN un certain nombre de variations appelées « polymorphismes » qui, lorsqu'elles existent, peuvent être corrélées à un risque accru de développer un cancer du sein. L'identification des personnes à risque de développer un cancer permettra, ainsi, de réduire les dépistages massifs, surtout les irradiations itératives chez des personnes qui ne sont pas à risque.
Par ailleurs, les médecins pourront bien resserrer la surveillance sur les personnes à risque, ce qui requiert plus d'exigence dans le suivi des concernés.
- Le Maroc dispose-t-il des moyens nécessaires pour développer un tel test ?
- Oui. Nous avons appris des médias que des tests de diagnostic 100% marocains, portant sur certaines spécificités de certaines tumeurs, dont la leucémie et le cancer du sein, sont en cours de développement. Je pense que les boîtes marocaines peuvent, si elles décident de s'y mettre, développer ces tests salivaires pour les mettre à la disposition des patients au Maroc, à un coût relativement accessible d'autant plus qu'ils n'exigent pas une technicité particulièrement sophistiquée. Recueillis par Mina ELKHODARI Programme ACT- CCA 35.000 patients touchés au cours des trois prochaines années
Au Maroc, 13,4% des décès sont dus au cancer, avec près de 50.000 nouveaux cas signalés chaque année. Un constat qui s'explique par une multitude de facteurs, à savoir le vieillissement de la population, le tabagisme et d'autres changements de mode de vie qui entraînent une incidence de 137,3 nouveaux cas pour 100.000 personnes.
C'est cette même réalité qui a interpellé le laboratoire pharmaceutique Astra Zeneca et son partenaire, la Fondation Lalla Salma, pour agir sur les lacunes en matière de diagnostic et de prise en charge des malades, à travers la mise en place du programme « Accelerating Change Together, Cancer Care in Africa» (ACT-CCA). Déployé dans 4 pays en Afrique, ce programme offre, ainsi, une plateforme aux partenaires de laboratoire pour pouvoir trou[1]ver les solutions adaptées en mesure de combler les lacunes existantes dans le processus de soins dispensés aux patients atteints de cancer, notamment le cancer de poumons et de la prostate, que ce soit dans le diagnostic, le traitement ou au-delà.
L'objectif étant, selon Astra Zeneca, d'éliminer, dans le futur, le cancer comme cause principale de décès. Comme expliqué par Astra Zeneca, le programme ACTCCA au Maroc va se concentrer sur la sensibilisation du public au cancer, la facilitation de l'accès aux traitements innovants, le déploiement de nouveaux programmes de dépistage et de prévention, avec la pleine implication des professionnels du secteur de la Santé. Au cours des trois prochaines années, ACT-CCA au Maroc pré[1]voit de toucher 35.000 patients à travers le pays, de développer les tests de dépistage du cancer du poumon et de l'ovaire, d'encourager les patients à se diagnostiquer pour le cancer de la prostate, et d'introduire de nouvelles technologies de dépistage par Intelligence Artificielle.